À l’approche de la bataille de la Somme (juillet 1916), les éditions HongFei ont eu l’idée de commémorer les faits par une approche originale : celle des travailleurs chinois qui ont participé à l’effort de guerre. 140 000 ont été embauchés, avec ou sans leur consentement ; certains sont restés en France, vivants ; d’autres y sont demeurés, mais dans les cimetières de Picardie, comme celui de Nolette, commune de Noyelles-sur-Mer (Somme).

Les auteurs ont choisi un angle individuel : celle de Wei. Jeune homme de vingt ans, il vient de Shanghai avec ses frères. Débarqué à Marseille, il est acheminé dans la Somme. Là, il est employé comme fossoyeur, pour creuser des tranchées, évacuer les corps des hommes et des animaux en décomposition. Les auteurs ne nous donnent pas d’indications précises sur ce qu’il devient ensuite. Le lecteur est laissé libre de l’imaginer.

L’ouvrage comporte deux parties. La première est celle du récit qui vient d’être résumé. Le texte, bref et marquant, s’appuie sur de magnifiques illustrations au pinceau, ce qui donne un trait épais, imprécis, autant que la trace qu’ont laissé ces travailleurs chinois dans l’imaginaire de la première guerre mondiale. Mais il y a également un dossier, qui s’ouvre sur une page de Gwénaëlle Abolivier. Elle nous montre comment le souvenir de ces Chinois a progressivement réintégré l’histoire officielle. Le cimetière de Nolette est devenu un véritable lieu de mémoire, qui les associe aux Français, mais assez récemment : depuis 1983 seulement. On y apprend que l’auteur s’est appuyée entre autres sur le témoignage du fils d’André Tchang, l’un de ces travailleurs. On trouvera enfin bien des indications qui permettront aux enseignants d’enrichir leurs cours, et aux curieux d’aller plus loin. On saura pourquoi on a fait appel à des Chinois (mais aussi à une main-d’œuvre plus cosmopolite encore : Méditerranéens, Africains, Indochinois…).

Un bel album à mettre dans tous les CDI…

Frédéric Stévenot, pour Les Clionautes

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Recension de Christiane Peyronnard

Un texte poétique pour raconter l’histoire de Wei, jeune travailleur chinois de la Grande Guerre.
Des illustrations sobres, évocatrices qui disent l’essentiel.

Gwenaëlle Abolivier, journaliste et Zaü, illustrateur se sont réunis pour célébrer à leur manière le centenaire de la première guerre mondiale. Ils ont choisi un épisode peu connu du grand public : le sort des 140 000 Chinois arrivés en Europe pour contribuer sans armes à une guerre qui ne les concernait pas.
Si 20 000 d’entre eux connurent un sort funeste, beaucoup sont rentrés à la fin du conflit mais d’autres sont restés et constituent la première vague d’immigration chinoise en Europe. Leurs descendants en perpétuent le souvenir en célébrant chaque année, au cimetière de Nolette dans la Somme, la fête des morts, la fête de Qingming en avril date choisie par l’éditeur pour la sortie de l’album. Les éditions HongFei créées en 2007 se consacrent à l’idée de l’interculturalité et à la valorisation de la culture chinoise.

L’album décrit la vie d’un héros anonyme, Wei, jeune homme de vingt ans : son départ de Chine, ses espoirs, le très long voyage jusqu’à Marseille puis la Somme, les souvenirs mêlés de l’effroi de la vie près du front : travaux de terrassement, de fossoyeurs sans même une arme pour se défendre. Ceux qui sont restés là sous terre à quelques kilomètres des plages et puis d’autres qui ont fondé une famille et ont aujourd’hui une descendance en France.

Un album plein d’émotion, complété de pages documentaires qui replacent le personnage imaginaire de Wei parmi les Chinois recrutés, essentiellement, par le gouvernement britannique et organisés en bataillon du Chinese labour Corps.