L’agence TER, animée par Henri Bava, Michel Hoessler et Olivier Philippe, met le paysage au cœur de sa réflexion. La ville – territoire est le concept central de leur réflexion. Elle est l’objet d’interventions de ces architectes paysagistes. « L’architecture du paysage est une discipline capable de résoudre le flou de l’urbanisme contemporain, d’offrir structure et matière à la ville dispersée ». Ce livre témoigne du travail de cette agence : compréhension du paysage, travail d’insertion dans les territoires et volonté de créer des systèmes ouverts. C’est ainsi que sont présentés une bonne vingtaine de projets emblématiques de leur travail, que se soient par leur participation à des concours internationaux, des projets en cours ou des projets réalisés. Si la France est très présente dans leurs travaux, l’international n’est pas en reste. Cet ouvrage est construit selon le même principe que l’exposition Perrault qui s’est tenue à Beaubourg en 2008. Une double page, au minimum, est consacrée à chaque projet. Le contexte et l’espace y sont présentés ainsi que le projet avec simulation à la clé, accompagnés, dans le cas des projets réalisés, de plusieurs pages de photographies du lieu actuel.

Le paysage, selon Thomas Sieverts (professeur émérite d’architecture et d’urbanisme à Stuttgart, Liverpool et Berlin) qui signe l’introduction de cet ouvrage, dissipe le flou de l’entre-ville. Ce qui fait la particularité de notre époque est qu’il n’est plus question de croissance de la ville. Il faut désormais transformer l’environnement. Les architectes paysagistes doivent aussi penser l’évolution de leur œuvre dans le temps. La manière de voir le paysage et la ville (pour l’agence TER) va dans le sens de la fin de la distinction ville – campagne. L’appropriation du lieu par les usagers est la meilleure des récompenses pour le paysagiste. Lisa Diedrich (éditrice de revues professionnelles de paysagisme, professeur d’architecture et de paysagisme) date des années 1980 l’introduction du paysage dans la ville avec notamment le concours du parc de la Villette et le développement de l’école du paysage de Versailles ainsi que les travaux de Gilles Clément autour de l’idée du « jardin planétaire ».

L’agence TER est d’origine française. Elle a été créée en 1986. Elle a aujourd’hui des bureaux en Guyane et en Allemagne en plus de son siège à Paris. Elle a reçu le Grand prix national du paysage 2007 pour le projet : la plage verte du parc des Cormailles à Ivry sur Seine, installée sur une friche industrielle. Elle fait partie des finalistes du Prix européen du paysage Rosa Barba, 2008. L’agence a participé à de grands concours internationaux : La rénovation des Halles, l’aménagement du parking du Mont Saint-Michel. Elle a proposé la création d’espaces ex-nihilo (ex : jardin flottant de Canary Wharf).

On retiendra parmi les réalisations de l’agence TER la création d’un paysage souterrain dans le cadre de l’aménagement du parc aqua-magica à Bad Oeynhausen – Löhne en Allemagne visant à mettre en valeur les eaux souterraines thermales. Les paysagistes de l’Agence TER ont fait le choix de faire descendre les visiteurs dans un cratère afin d’aller au pied du geyser d’eaux thermales. Les visiteurs ont l’impression de pénétrer dans les entrailles de la terre et d’aller à la source de ces eaux bienfaisantes.

La réflexion sur les flux dans la ville est aussi au cœur des travaux de l’agence. L’idée qui prévaut est qu’au-delà de la gestion des flux d’eau, l’espace créé doit être utile. Ce n’est pas parce que le terrain est inondable que l’on ne peut rien faire. Ainsi, pour ne retenir qu’un exemple, ils ont crée un parking réservoir en amont de la plage du Verdon à Martigues. Le bassin – réservoir fait fonction, en surface, de parking.

Le travail de l’Agence ne se fait pas toujours seul. Ses paysagistes participent à des projets initiés par les « grandes vedettes » de l’architecture. Ainsi, ils ont accompagné la construction du pont de Millau pour mettre en scène son insertion paysagère (jeu de cache – cache entre le pont et la route afin de ne pas tout révéler à l’automobiliste d’un coup mais de lui faire découvrir petit à petit l’architecture du pont). Ils ont travaillé avec Rem Koolhaas sur le parvis de la mine réhabilité de Zollverein par celui-ci. Le travail des paysagistes n’apparaît pas central pour le citadin alors que toute architecture a besoin d’une insertion paysagère pour être mise en valeur et appropriée par la population, même si celle-ci n’en a pas conscience.

L’agence travaille aussi sur la perméabilité entre la ville et les espaces verts. Pour elle, il n’y a pas de clôture. De même, il est nécessaire de changer d’échelle et de ne pas se cantonner aux limites administratives de la ville. C’est ainsi que les paysagistes de l’Agence TER ont travaillé sur la Métropole Verte (projet transfrontalier Allemagne – Belgique – Pays-Bas) visant à créer une « ceinture verte » entre des villes situées sur la même nappe de charbon souterraine. L’espace de circulation du Grand Paris doit, pour l’Agence, être le vecteur de la réconciliation entre Paris et son espace environnant : création de ponts de verdure (recouvrement du périphérique) entre Paris intra-muros et les communes de la Petite Couronne. Les non-lieux sont les champs de travail de TER. La dimension patrimoniale est centrale dans l’approche de l’agence. Ainsi, le projet TER d’aménagement d’un quartier sur l’Ile Saint Denis prend racine dans l’histoire de l’art. Manet y ayant peint le déjeuner sur l’herbe, c’est dans cette optique que l’agence développe le concept d’un écoquartier entre ville et campagne où la nature est très présente. Le concept de développement durable est central dans leur travail.

Cet ouvrage, véritable « book », donne un aperçu de la ville de demain sous nos latitudes et bien ailleurs puisque l’agence est engagée dans la réalisation du nouveau centre d’affaires de Casablanca, en lieu et place de la piste de l’ancien aéroport : le Central Park d’Anfa ou bien encore dans celle d’un archipel urbain de Bahreïn. Ce livre, présenté selon une grande cohérence, est une invitation à la promenade, à la découverte des nouveaux lieux de vie urbains. C’est une expérience à recommander à tous. Un voyage immobile, comme nous le propose Nogo Voyages.

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