Les forêts tropicales sont en danger alors qu’elles jouent un rôle majeur en matière de climat, de biodiversité mais aussi de ressources économiques. Cet ouvrage, le troisième d’une sérieLes deux premiers titres ont été publiés chez L’Harmattan en 2016 Vivre et travailler en forêt tropicale, Jean-Claude Bengonzini, Jean-Paul Lanly et en 2019 Vivre et travailler en forêt au Maghbreb, Jean-Paul Lanly, Abdelhamid Khaldi montre les expériences diverses de forestiers ayant travaillé dans les forêts tropicales pour des organismes nationaux, internationaux comme dans des entreprises privées. Leurs contributions sont réunies en deux parties inégales : d’abord deux exemples d’aménagement forestier au Niger et en Guyane puis dans la seconde partie : 18 témoignages de forestiers français et étrangers sur leur vécu, leurs perceptions et leurs expériences variées.

Aménagement forestier sous les Tropiques

Sous la plume d’Aboubacar Ichaou, on aborde L’aménagement des brousses tigrées du Niger. Son terrain d’exercice et de thèseDynamique et productivité des structures forestières contractées des plateaux de l’Ouest nigérien. Ichaou Aboubacar. 2000. Toulouse : Université Paul Sabatier, 231 p. Thèse de doctorat : Ecologie végétale tropicale : Université Paul Sabatier ce sont les forêts sèches d’Afrique de l’Ouest. Les enjeux sont à la fois la fourniture de bois (énergie et service) et l’agropastoralisme. Les aménagements s’inscrivent dans une politique initiées dans les années 1970. Le choix a porté sur des plans de gestion simples pour être à la portée des populations locales avec l’aide d’un agent forestier.

Olivier Soulères est plus familier des forêts humides d’Amazonie. Dans L’aménagement des forêts de Guyane française, il rappelle la politique forestière française depuis le XIXe siècle. La démarche de l’ONF en Guyane vise une exploitation à faible impact écologique, avec des rotations longues (65 ans) et malgré tout économiquement équilibrée.

Témoignages

Les nombreuses contributions témoignent des relations de partenariat entre forestiers des différents pays. Elles s’inscrivent dans un hommage à deux forestiers le Français Jean-Claude Bengonzini et le Sénégalais El Hadjii Sène Biographies p. 9.

Ballé Pity, dans Un forestier des tropiques, un Noir fou au milieu des Blancs décrit sa carrière en Côte d’Ivoire. Il a bénéficié de la politique de formation de chercheurs africain dans les années 1970. Il a ainsi, contrairement à la tradition incarnée par son grand-père, découvert qu’on pouvait cultiver des arbres. Il rappelle son parcours de formation à Abidjan et à Montpellier puis sa carrière de chercheur dans l’inventaire des forêts du nord du pays, d’autant plus urgent dans les années 1980 que c’est aussi le boum de l’expansion des plantations de cacaoyers et de caféiers. Il exprime son grand regret : l’abandon du projet de recherche en agroforesterie en 1999.

Du fayard à l’okoumé ou le parcours d’un Franc-Comtois au Gabon. C’est l’aventure de Bernard Dufay, forestier de terrain engagé dans l’inventaire forestier de la Côte-d’Ivoire, puis en Centrafrique et au Gabon. Il a travaillé pour l’Office des bois d’Afrique équatoriale qui avait le monopole du commerce de l’okoumé et de l’orizo dont il décrit les mécanismes et les grands opérateurs. Il évoque les essais d’amélioration de l’okoumé, la gestion forestière et les débuts de l’industrie en aval (déroulage pour le plaquage). S’il aborde l’évolution des marchés des bois tropicaux il ne parle pas de ce qu’on peut appeler le pillage des forêts africaines.

L’expérience d’un forestier tropical novice et itinérant. C’est le récit de Guy Fradin, un fonctionnaire au service de la forêt de l’ONF à la FAO. Ce parcours l’a amené à des expériences variées d’Haïti au Rwanda, en passant par Madagascar, le Sénégal, la Mauritanie et quelques autres contrées notamment comme expert associé du PAM (Programme Alimentaire Mondial). Il a travaillé aussi bien à la lutte contre l’érosion, la conservation des sols qu’à un inventaire forestier et à la réflexion sur le bois énergie.

Le Sénégalais Moumar Guèye est un Forestier spécialiste de la faune devenu écrivain. Sa vocation est née de l’observation de la nature dans les parcs de Hann (Dakar) et du Niokolo-Koba. Auteur d’un Livre blanc pour dénoncer les dérives politico-financières du projet agro-forestier de Djourbel, il relate ses rencontres avec Senghor.

D’une jeunesse sur les rives du Fleuve au métier de forestier », Pape Djiby Koné, originaire de Richard-Toll, évoque les chasses avec son père dans le Ferlo qui ont influencé ses choix professionnels. Forestier dans la même région, il a ainsi pu mesurer la déforestation de la savane et les menaces sur la biodiversité terrestre comme aquatique. Il décrit son parcours professionnel au service de l’administration sénégalaise puis de la FAO.

Lamélioration génétique et de la sylviculture du limba (Terminalia superba) en République du Congo ». Jean Prosper Koyo, qui depuis sa retraite en 2010 gère son exploitation sylvvo-pastorale proche de Pointe-Noire, explique ces travaux de recherche génétique sur le Limba, surexploité dans le sud du Congo dans les années 1950. Il montre les campagnes de replantation, une monoculture aujourd’hui critiquée.

Jean-Paul Lanly présente La saga du plan d’action forestier tropical 1985-1995. Il rappelle le contexte à la fin des années 1970 : déforestation et érosion de la biodiversité. On a envie de dire : « Déjà ! » Après la prise de conscience au Sommet de la terre (1992), des réunions internationalesUne première à Strasbourg en 1990 imaginent des plans d’action pour la forêt tropicale dont l’auteur montre les limites entre intérêts divergents des pays industrialisés et des pays en développement, le refus de tout instrument juridique contraignant et les oppositions entre « développeurs » et protecteurs de la nature.

Claude Lebahy revient sur les Premiers pas d’un jeune forestier au Congo. Ce Breton se retrouve à 23 ans à Pointe-Noire comme VSNVolontaire du Service National avant une carrière africaine (République du Congo, Togo, Côte d’Ivoire, Cameroun, Mali) et française (Bretagne, Bourgogne, Haute-Savoie). Il se remémore cette première expérience professionnelle, l’étude du développement de la sylviculture de l’eucalyptus au sein du CTFTCentre Technique Forestier Tropical.

Michel Malagnoux, spécialiste de la protection des végétaux, rapporte son expérience en entomologie et pathologie forestière en Côte d’Ivoire. Il commence sa carrière en 1971 au CTFT, lui aussi comme VSN. Il a étudié les ravageurs de l’acajou et l’intérêt du samba.

Avec Jorge Malleux, le lecteur quitte l’Afrique pour l’Amérique latine. Dans son article Cinquante ans d’éducation forestière au Pérou et en Amérique Latine il évoque ses souvenir comme formateur de forestiers. Pour lui leur travail doit se situer, au-delà de la gestion forestière, dans une approche plus globale du développement. Il propose une vision transversale de la foresterie pour une conservation des écosystèmes forestiers et des services rendus par la forêt dans la lutte contre le changement climatique et la pauvreté.

Dans Quelques morceaux choisis d’une carrière de Forestier : de la formation à l’exercice de la profession, Raphaël Njoukam, agronome et forestier Camerounais, spécialiste des relations du sol avec les essences forestières, présente sa formation et ses recherches sur les forêts humides d’altitude au Nord-Ouest du Cameroun pour la production de bois et la prévention des feux de brousse. Dans sa description d’un projet de reboisement communal il montre l’importance d’associer les populations locales.

Bernard Rollet se remémore ses Souvenirs des premières années d’Indochine, comme jeune ingénieur, dans les années 1950, tout juste sorti de l’école nationale des Eaux et ForêtsAujourd d’hui ENGREF, Ecole Nationale Du Génie Rural, Des Eaux Et Des Forêts, Nancy.

Le parcours d’un forestier, du pays des mille collines à l’Aventino, une des sept collines de la cité éternelle (Rome). C’est celui de Dan Rugabira, de son pays le Rwanda, sa formation en Tanzanie puis au Pays-Bas jusqu’à ses fonctions à la FAO dont le siège est à Rome. Il rapporte ses actions dans son pays natal en matière de reboisement, succès et échec et son rôle au Cap-Vert et au Kenya pour le compte de l’organisation internationale.

L’homme qui parlait aux arbres de sa terre, c’est El Hadji Sène, originaire de Sine-Saloum, aujourd’hui disparu. Il décrit des débuts professionnels dans la région de Dakar, son action de protection et de conservation des sols et des eaux notamment dans la lutte contre l’érosion côtière qui menace la zone agricole des Niayes malgré les menaces de l’urbanisation. Il développe la notion de foresterie communautaire avec la participation des populations par exemple dans des projets en Casamance. Son expérience lui a valu de rejoindre la FAO pour de nouvelles expériences.

Dans l’urgence au Cambodge », Thirong Patrick So évoque sa participation à une programme du HCR pour la réinstallation des réfugiés dans la province de Batambang, une terre ruinée et minée à l’époque de Pol Pot. Il décrit l’état des forêts au début des années 1990.

Olivier Soulères se rappelle Cinq années inoubliables … Zoreille forestier à La Réunion. Il en décrit les différents écosystèmes.

Bernard Vannière, dans son article : Comment j’ai été amené à m’occuper d’aménagement de la forêt tropicale ombrophile, aborde la question de la gestion des mangroves du Venezuela, le difficile aménagement des forêts ombrophiles et l’application des techniques expérimentées au Venezuela dans les forêts d’okoumé au Gabon.

Il est dangereux de se pencher au dehors, ce titre plein d’humour annonce la dernière contribution de Jean Werquin qui narre la création de l’Inspection Générale des Chasses coloniales françaises et présente son étonnant son chef, le colonel Pierre-Louis Bourgoin, lui-même grand chasseur.

Ces regards croisés, annoncés en sous titre, offrent une lecture agréable de textes courts, abordables pour des non spécialistes.