Chloé Pince est une autrice, illustratrice et graphiste, diplômée de l’école des Beaux-Arts de Bruxelles. Elle est originaire de la Creuse, puis est partie pendant dix longues années de chez elle pour mieux y revenir et s’y installer. C’est aujourd’hui à Bénévent-l’Abbaye qu’elle travaille. Elle sort son premier album en avril 2022 chez Cotcotcot éditions, une maison d’éditions belge qui publie des textes « solidaires, drôles et non-violents ».

            Tant qu’on l’aura sous les pieds appartient à la collection « Les Randonnées Graphiques » conçue pour les 9-1 ans et qui a pour devise : « Combattre pour construire demain ». Odile Flament, fondatrice des éditions Cotcotcot a choisi de mettre en exergue de sa collection « Combat » une citation de Paul Vaillant-Couturier qui donne une bonne idée des intentions qui ont donné lieu à la création de cette collection : « Nous sommes la jeunesse ardente qui vient escalader le ciel ». La randonnée graphique que Chloé Pince nous offre à travers Tant qu’on l’aura sous les pieds aurait très bien pu figurer également dans la collection « Combat » tant elle semble avoir pour ambition de donner du grain à moudre aux générations futures pour imaginer leurs combats à venir et construire un monde meilleur.

            L’ouvrage, publié en décembre 2022, se présente sous la forme d’un album à l’italienne, à la manière d’un carnet de dessins réalisés au fusain. Il s’agit également d’une sorte de carnet de voyage dans le Larzac, à la recherche des protagonistes et des traces d’une lutte qui s’est passée trente ans plus tôt, entre 1971 et 1981. Le Larzac fut, à cette époque, le théâtre « d’un grand mouvement de désobéissance civile non violente contre l’extension d’un camp militaire » (p.5). L’ouvrage est un véritable témoignage, un reportage graphique, qui met en avant la théorie des « bactéries moutons ». Notre illustratrice construit son propos à partir d’une assertion d’un des participants à son week-end dans le Larzac dans un lieu de vie communautaire à la campagne.

« Les humains, c’est comme les bactéries dans le corps : disons qu’il y a 10% de bonnes bactéries, 10% de mauvaises, les 80% restantes sont des bactéries moutons. Dans l’absolu, c’est pas grave qu’il y ait 80% de bactéries moutons. Il suffit d’un petit peu plus de bonnes bactéries que de mauvaises – même 0,1%- pour faire basculer l’équilibre dans le positif »

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            En octobre 1971, Michel Debré, alors ministre de la Défense, annonce l’expropriation imminente de 107 paysans du Larzac pour agrandir le camp militaire de La Cavalerie. D’abord submergés par l’incompréhension et le sentiment d’injustice, les paysans décident par unir leur force pour résister et désobéir de manière non-violente. Ils sont vite rejoints par les curés, l’évêque du diocèse. Réagissant à l’autoritarisme du gouvernement, des dizaines de milliers de personnes convergent vers le Larzac pour soutenir les paysans. Près de 100 000 manifestants se réunissent en août 1973 au Rajal del Gorp, un immense cirque de pierres et d’herbes sèches.

            Chloé Pince enquête, retourne sur les lieux de la lutte, interroge les acteurs du mouvement, tente de comprendre comment le mouvement a pris de l’ampleur, a réussi se maintenir pendant dix ans. Les dessins, entre paysages, croquis et plans, rendent compte à merveille de cette randonnée-enquête qui témoigne du succès d’un combat non-violent, d’un exemple de désobéissance civile.

« Le Larzac, on l’a sous les pieds, et, tant qu’on l’aura sous les pieds, ils nous le prendront pas », dit Étienne Paloc, un paysan de la lutte.

            L’ouvrage de Chloé Pince est une œuvre originale qui rend compte d’une première prise de conscience de l’existence et de la nécessité de préserver son environnement. Il met en avant comment on peut lutte pacifiquement pour des idées en unissant des forces, en ralliant l’opinion publique et en mettant les compétences de chacun au service de la collectivité. Il montre comment une jeunesse ardente à tenter d’escalader le ciel.