Il s’agit du catalogue officiel d’une exposition présentée au Musée de l’Armée entre février et juin 2025. Richement illustré, l’ouvrage alterne donc articles et partie documentaire. Cette exposition s’inscrit dans le cadre des commémorations nationales des 80 ans de la Libération.
Le thème
L’exposition s’intéresse à l’action menée par « la pensée française » depuis ses différentes formes d’exil pour faire connaître et reconnaître à ses alliés les combats de la France libre. Celle-ci donne à voir une idée de la France en évolution permanente. Elle montre aussi que cette ouverture du champ des possibles fut porteuse de création en tout genre sous de nouveaux horizons. Cinq entrées sont proposées dont quatre sous forme d’une approche géographique et une en portraits. Chaque partie géographique est organisée avec des articles à l’intérieur.
Londres et la Grande-Bretagne
Les ralliés et évadés représentent avec les « coloniaux » et les adhérents civiles des comités, une communauté d’environ 62 000 personnes. On retrouve parmi les noms célèbres René Cassin, commissaire à l’instruction publique. Il est le légiste de la France libre.
Cette dernière se caractérise par sa propension à mener le combat des cœurs et des esprits malgré la défaite. Cette politique éducative se renforce d’une action visant à défendre le rayonnement intellectuel français dans tous les domaines y compris scientifique. Le catalogue aborde à la fois des aspects attendus comme la musique avec le chant des partisans ou plus inattendus comme les créations Cartier au diapason de la France libre.
Les territoires ralliés
L’AEF et le Cameroun ont servi de point de départ, de base fiscale, de socle, de source de légitimité et de gigantesque réservoir de main-d’œuvre et de troupes à la France libre. Un article est consacré à Brazzaville, capitale de la France libre. Dès son arrivée le 24 octobre 1940, le général de Gaulle prend possession des lieux et le fait savoir. Les anciens lieux de pouvoir sont transformés pour accueillir la nouvelle organisation politique. Jacques Cantier consacre un article à Alger, capitale de la renaissance culturelle française au temps du CFLN. L’Algérie musulmane reste à l’écart de la fermentation intellectuelle française car elle a ses propres lieux de sociabilité. L’ouvrage donne à voir des tableaux très colorés d’Henry Valensi.
Fanny Pascual aborde les créations artistiques de Nouvelle-Calédonie pendant la guerre. Le territoire se rallie à la France libre grâce à son gouverneur Henri Sautot dès le 19 septembre 1940. Côté littérature, on joue des pièces de théâtre métropolitaines d’avant-guerre comme « Les jours heureux ».
Portraits
Une quinzaine de pages est ensuite consacrée à des portraits de personnalités qui ont fait vivre le combat de la France en exil. A chaque fois, on trouve une image et une rapide biographie. On peut citer pêle-mêle André Breton, Roger Caillois, Pierre Dac ou encore Pierre Lazareff.
Cette partie permet aussi et surtout de mettre en avant des figures moins connues peut-être comme Anna Marly. Elle arrive à Londres avec son mari en juin 1941. Elle improvise à la guitare une chanson qui va inspirer Le chant des partisans. On peut mentionner également Jean Starchy. Ce prêtre catholique s’illustra en Italie pendant les combats du Garigliano en allant au péril de sa vie assister spirituellement un soldat allemand agonisant entre les lignes ennemies.
L’Amérique du Nord
Pour définir les réfugiés français aux États-Unis, on peut dire qu’il s’agit d’un exil restreint et élitiste. Entre 1940 et 1942, 8 à 9 000 Français trouvent refuge aux États-Unis alors que 35 000 y sont déjà installés. Dépourvue de moyens financiers, humains et matériels, la France libre se voit très tôt confrontée à la nécessité de déléguer et de recycler des initiatives extrinsèques.
Laurent Jeanpierre s’intéresse à l’École libre des hautes études à New-York qu’il qualifie de creuset oublié de l’essor des sciences humaines après la guerre. Le même auteur s’attache ensuite à caractériser l’édition et les écrivains en Amérique du Nord. Hormis les souvenirs et essais d’actualité, il n’y a pas de thème dominant dans la création littéraire en Amérique du Nord à cette époque. Les écrivains exilés se distinguent surtout en fonction de leur rapport plus ou moins fort à leur passé, de leur dépendance à l’aura de la littérature française, à la tradition intellectuelle nationale.
Le livre s’arrête sur Jean Carlu et Pierre Chareau comme designers et scénographes de la France libre ou sur le cas singulier de John Hasey, premier Américain Compagnon de la Libération. On ne peut qu’insister sur la qualité de reproduction et le choix des documents présentés qui permettent une approche renouvelée de la période. A titre d’exemple, on peut citer ce foulard patriotique réalisé et vendu au profit de la France libre à New York.
De l’Amérique latine à l’Orient : une ambition mondiale
Environ cinq cents comités ont été formés par des Français et des étrangers dans une cinquantaine de pays pour soutenir la France libre par l’envoi de fonds et de volontaires ainsi que par la propagande. Pour incarner une autre France face à Vichy, ils convoquent des figures patrimoniales comme Jeanne d’Arc, Georges Clémenceau ou encore Victor Hugo. En Amérique latine, il s’agit de renouveler l’adhésion au rayonnement culturel d’une France républicaine tandis qu’en Afrique et en Asie, il est davantage question de maintenir l’influence française dans son aire coloniale.
Ce catalogue d’exposition permet d’aborder autrement la Seconde Guerre mondiale et montre surtout comment la lutte s’est menée également du point de vue intellectuel et artistique.