« Le mammouth laineux occupe une place à part dans nos représentations. Il est sans doute, avec les dinosaures, l’espèce disparue la plus célèbre et reste particulièrement vivant dans notre imaginaire » écrit Emilie Fouquet, commissaire de l’adaptation de l’exposition « Un temps de mammouth » dans le préambule du catalogue éponyme consacré à l’animal.
Il n’est qu’à voir le succès des différents « Ages de glace » pour souscrire à ce propos.
La publication Un temps de mammouth. Portrait d’un géant disparu est organisée autour de cinq grands axes : « Des mythes à la réalité », « Un froid de mammouth », « Une vie de mammouth », « Des mammouths et des hommes » et « La fin des mammouths ».
Le premier chapitre de l’ouvrage s’attache d’abord à mentionner les mythes tournants autour du mammifère.
Les légendes sibériennes en font un animal vivant sous terre ayant l’aspect d’un gros rongeur (ou d’une taupe géante) dont les défenses permettent de creuser des galeries. Responsable de tremblements de terre ou d’éboulements, il meurt une fois sorti du sous-sol au contact de l’air ou de la lumière.
L’animal « chthonien » n’en est pas moins paré de vertus apotropaïques par les chamanes.
Certains peuples sibériens en font « une divinité du dessous des eaux (p.17) » et, pour des savants chinois, il est responsable des tremblements de terre.
En Europe, les ossements de mammouth vont contribuer à alimenter le mythe des Géants et certains de ces restes vont être présentés comme des morceaux du corps de saints. La défense de mammouth deviendra même « corne de licorne ».
C’est à la fin du XVIIIe siècle qu’est découverte pour la première fois une carcasse de mammouth « momifiée » par le froid. Un premier mammouth laineux entier, le « mammouth d’Adams » est recueilli en 1806 par le botaniste Mikhail Adams et intégré à l’institut de zoologie de Saint-Pétersbourg.
Les découvertes vont se multiplier. En 2008, une première version du génome du mammouth a été publiée et c’est l’éléphant d’Asie qui apparaît comme le plus proche cousin du mammouth (p.27).
Deux encarts viennent clôturer cette première partie avec un propos consacré au Paléolithique dans le Val-d’Oise et la mention de la mise au jour, en 2017, d’un fragment d’omoplate de mammouth laineux à Roissy-en-France.
Le second chapitre s’intéresse à l’environnement du mammouth. Il est ainsi précisé (p.46) qu’ « en Eurasie durant la dernière glaciation, le mammouth laineux était inféodé à un climat rigoureux et un environnement particulier, sans équivalent actuel, dénommé « steppe à mammouths » ; vaste étendue composée principalement de graminées mais avec, le long des cours d’eau, des îlots forestiers composés de conifères et bouleaux. Elle était fréquentée par de grands mammifères ».
On compte, parmi ces derniers et outre le mammouth, le rhinocéros laineux, le bison des steppes, le renne, le bœuf musqué, le saïga (antilope), des chevaux sauvages…
Après une présentation circonstanciée des différents animaux ayant pu côtoyer le mammouth, un focus est consacré à la même thématique mais exclusivement en Île-de-France.
Le chapitre trois offre un portrait complet de cet animal fascinant. Démarrant sur l’ordre auquel se rattache le mammouth, celui des proboscidiens (« porteurs de trompes »), le propos se recentre ensuite sur les caractéristiques génétique et anatomique du mammouth laineux.
A la naissance, l’animal mesure 70 cm pour un poids de 70 kg ; arrivé au terme de sa vie, vers 60 ans, il mesure 3 m pour un poids de 5 tonnes. Il dispose d’une toison composée de trois sortes de poils et son « hémoglobine (…) pouvait continuer de fonctionner à des températures corporelles beaucoup plus basses que chez les éléphants (p.70) ». Sa robe avait des teintes pouvant varier du brun-roux clair au noir et ses défenses pouvaient atteindre 4 mètres de long.
Enfin, « le renouvellement des prémolaires et molaires (…) se fait six fois au cours de la vie de l’animal. Puis il meurt de faim, ses dernières dents abrasées (p.76) ».
Une mise au point complète sur les découvertes de mammouths en Île-de-France suit (la carte présentée page 78 fait état de 53 sites) avec, entre autres, des focus sur la mise au jour d’une dent de lait de bébé mammouth à Maisons-Alfort (p.82) et sur le crâne du mammouth laineux de Bonneuil-sur-Marne (p.84-89).
Le quatrième chapitre s’intéresse aux rapports hommes/mammouths. Homo sapiens a bien croisé le mammouth mais l’homme de Néandertal l’avait fait avant lui.
La chasse au mammouth devait être une chose exceptionnelle et il est vraisemblable que les hommes usaient du rabattage vers des pièges naturels ou du charognage à partir d’animaux décédés, blessés ou déjà piégés.
Les ressources fournies par le mammouth sont très diverses : couvertures à partir des peaux, combustible avec la graisse, objets d’art avec les défenses, contenants à partir des boyaux…
L’animal avait même des vertus architectoniques. En Ukraine et en Russie, des huttes, construites à partir de plusieurs centaines d’os et de défenses de mammouths, ont été découvertes. Il est ainsi précisé (p.96) que « sur le site toujours fouillé aujourd’hui de Mezhyrich (Ukraine), on dénombre les restes d’au moins 150 mammouths au sein de quatre huttes dont la plus grande occupe une surface de 42 m² » et que « ces constructions restent un phénomène exceptionnel qui interroge sur le statut de cet animal. Si certaines d’entre elles sont bien interprétées comme des habitations, d’autres ont pu accueillir des activités plus symboliques ou cultuelles ».
Le mammouth est également bien présent dans l’art pariétal (un demi-millier d’individus) et dans l’art mobilier (environ 200 individus. On notera la présence, p.114, fig.7, du superbe mammouth sculpté sur tête de propulseur en bois de renne trouvé à Montastruc et conservé au British Museum).
Deux articles consacrés respectivement à des fouilles menées à Montereau-sur-le-Jard et à Changis-sur-Marne (découverte de mammouths laineux) complètent ce quatrième axe.
Le cinquième et court dernier chapitre évoque l’extinction du mammouth.
Les derniers représentants de l’espèce se sont éteints sur l’île de Wrangel, dans l’océan Arctique, il y a -3800 ans.
La principale cause de sa disparition semble être celle du « réchauffement climatique qui sonne la fin de la dernière glaciation (p.120) ». Cette dernière partie se termine par la mention du dangereux fantasme d’une résurrection du mammouth laineux par certains…
Un temps de mammouth est un ouvrage d’une très grande qualité graphique et scientifique.
Particulièrement agréable à lire, ce beau catalogue d’exposition permettra, en outre, d’enrichir le contenu de séquences dévolues à la préhistoire en classe de sixième.
Grégoire Masson