Ce recueil de contributions, comme l’écrit Fabien Arnaud , directeur du laboratoire EDYTEM1, a pour ambition de suivre les empreintes laissées par les Paléoalpins que les chercheurs, archéologues ont pu trouver en 50 ans de recherche, elles ont été présentées en 2016 au colloque « L’Homme dans les Alpes, de la pierre au métal » organisé à Villard-de-Lans par l’AVDPA2.
L’ouvrage est organisé en deux parties thématiques : Environnement et exploitation des ressources naturelles – Séquences chronoculturelles, suivies de trois parties chronologiques : Paléolithique et Mésolithique – Noé lithique – Age des métaux et Antiquité.
Cet ouvrage très technique est cependant abordable et riche de cartes, croquis, photographies.
Environnement et exploitation des ressources naturelles
Ce thème est traité dans cinq contributions.
C’est d’abord une description de l’évolution du paléoenvironnement au Nord-Vercors du tardiglaciaire à l’holocène, rendue possible par l’étude des pollens présents dans la couche profonde de la tourbière du Peuil à Claix (Isère) et celle du lac du Lauzet à Villard-de-Lans (Isère). L’étude a permis de dater les débuts de la déglaciation entre 20 000 et 16 000 BP. Le site du Peuil a aussi livré quelques traces d’occupation humaine au Mésolithique, sans doute un bivouac de chasseurs.
Dans la seconde contribution, les auteurs dresse un bilan du programme OURSALP : inventaire daté des ours fossiles du Jura et des Alpes et des conditions écologiques de leur présence. L’étude de l’ours brun trouvé au scialet de la décroissance à Corrrençon-en-Vercors (Isère) a permis de montrer qu’il était plus carnivore que l’ours des cavernes qui le précède et mieux adapté à la chaleur. Sa disparition est sans doute à mettre en relation avec les activités humaines, la présence des restes d’un ourson « apprivoisé » sur le site de la Grande Rivoire (Sassenage – Isère) au Castelnovien atteste d’une relation homme-ours.
Après le Vercors le troisième article conduit en Chartreuse à la grotte Tempiette (Entremont-le-Vieux – Savoie). Cette cavité du Mont Granier a été un piège et renferme les restes de nombreux animaux, sans doute attirés par les dépôts de sel sur la paroi : bouquetins, chamois mais aussi trois ours bruns… Ces restes ont permis aux chercheurs d’élaborer une chronologie du fonctionnement du piège et un référentiel pour l’étude de la fossilisation des ossements.
Le site des Baigneurs à Charavines (Isère), sur les bords du lac de Paladru, a livré une série de silex dont l’étude pétroarchéologique a révélé l’origine locale ou régionale du matériau utilisé et des échanges à longue distance puisque certains silex viennent de Touraine (Grand Pressigny), du Mont Ventoux et même du nord de l’Italie.
La dernière contribution aborde, pour une période plus récente (Néolithique, Age du Bonze), des restes osseux et des bois de cerfs sur le site du Pas de l’Échelle (Rovon – Isère) qui attestent d’une utilisation humaine de ces matières, travaillées avec des outils de pierre : manches, outils biseautés.
Séquences chronoculturelles
Trois des quatre articles de cette seconde partie concernent le même site du Pas de l’Échelle, un abri sous roche du Vercors. Ce site comporte quatre niveaux archéologiques du Mésolithique à l’Antiquité.
Le premier article traite de la période de transition Mésolithtique-Néolithique, une période de rupture paléoenvironnementale. Le site est resitué dans un contexte régional plus large.
Les analyses polliniques et anthracologiques permettent de montrer l’évolution du couvert végétal sur une longue période.
L’étude de la faune sur plus de 3700 restes osseux et dentaires montre quelles viandes étaient consommées, de la chasse à l’élevage en estive dès la protohistoire puisque le site est à plus de 900 m. Des sangliers et des bouquetins très fréquents au Mésolithique puis petit à petit le cerf domine et enfin apparaissent des animaux domestiques, caprins et bovins surtout à l’Age du Bronze.
Pour une étude plus montagnarde, ce dernier article porte sur le site de l’abri Faravel ( Freissinières – Parc des Ecrins) à plus de 2 000 m.quia été fouillé entre 2011 et 2015. Les traces découvertes vont du Mésolithique à l’époque contemporaine. Cet un abri original par son altitude et ses peintures rupestres (représentation de cerf) atteste d’une fréquentation par l’Homme des hautes altitudes. Les auteurs dressent un inventaire des différentes périodes d’occupation, des structures bâties des débuts du second millénaire BC et des mobiliers archéologiques mis au jour. Cette étude pluridisciplinaire permet de reconstituer l’environnement de ce site qui fut sans doute une halte de chasse, un campement temporaire, un lieu de passage voire un espace symbolique. Sa longue utilisation le rend particulièrement intéressant.
Paléolithique et Mésolithique
La grotte de Prélétang à Presles (Isère) fut un camp de chasse moustérien, on y a trouvé des ossements de marmottes, d’ours, des outils lithiques sans lieu de débitage, ce qui montre un abri temporaire pour la chasse sur le plateau des Coulmes (Vercors).
Toujours en Vercors mais aussi en Chartreuse les auteurs tentent une approche de l’industrie lithique du premier et second Mésolothique, un thème de recherche au cours des 50 dernières années qui s’est enrichi des fouilles de la Grande Rivoire (Sassenage – Isère). Les auteurs décrivent cinq phases chronologiques distinctes entre l’émergence du Mésolithique vers 9500 BC qui reste à confirmer et 6050 BC. L’article ouvre de nouvelles perspectives de recherche sur l’occupation du territoire et la mobilité des groupes humains.
Sur les hauteurs de la Chartreuse, le site de fouille de l’ALP2 à 1720m d’altitude montre une occupation mésolithique de chasseurs de chamois et de bouquetins.
Néolithique
Pour cette période trois contributions en dehors de la zone préalpine privilégiée jusque-là.
La première traite de l’occupation des versants du Col de Petit-Saint-Bernard à partir de onze sites répartis de l’aval de Bourg-Saint-Maurice à l’aval de La Thuile (Italie). Ces sites évoquent une exploitation agropastorale de l’espace qui est aussi un lieu de passage comme en témoignant les artefacts en roches vertes d’origine italiennes.
Les restes humains trouvés dans les Alpes des Baronnies au Jura (carte p. 258) permettent une étude sur la longue durée des pratiques funéraires, du Paléolithique à l’Age du Bronze, on passe de sépultures individuelles à des tombes collectives avec apparition de la crémation, fréquente à l’Age du Bronze. Cette étude renseigne sur les sociétés des premiers Alpins.
Le dernier article reprend les conclusions des fouilles d’archéologie préventive conduites en 2014 lors des travaux du contournement routier de La Mure (Isère). Elles ont mis au jour différents niveaux et tout particulièrement les traces d’un bâtiment de l’Age du Bronze. L’intérêt de ce site est d’apporter des informations sur un territoire pauvre, jusqu’à maintenant, en données archéologiques.
Age des métaux et Antiquité
Retour au Pas de l’Échelle, déjà évoqué en seconde partie, cet abri sous roche a fourni aux chercheurs des artefacts du néolithique, du Bronze ancien et final notamment des céramiques à cannelures. Les auteurs avancent l’hypothèse de dépôts consécutifs au passage de population entre vallée de l’Isère et pâturage du plateau du Vercors.
Thonon à l’Age des métaux : la contribution associe des données récentes d’archéologie préventive et des données plus anciennes pour proposer une synthèse documentaire. Elle montre un étagement des sites occupés des bords du Léman au versant jusque vers 600 m à l’Age du Bronze et ouvre des pistes de recherche sur les relations entre habitat et sites funéraires.
C’est à un habitat de Saint-Marcel du Pègue (Drôme) qu’est consacré l’article suivant. Ce site fouillé par Charles Lagrand et Jean-Jacques Hatt (1985) est réinterprété à l’aide des données récentes de la recherche. L’auteur observe particulièrement la céramique du Bronze final.
Sur les rives du lac du Bourget on a prélevé d’importants matériaux de l’Age du Bronze, dès le IXe siècle. Les fouilles subaquatiques actuelles, notamment dans la Baie de Brison et à Chatillon, permettent de revoir leur interprétation. Il en ressort un schéma d’occupation du rivage avec des espaces spécialisés. L’auteur évoque les causes multifactorielles de l’abandon des sites lacustres. Ces sites d’une grande richesse sont inscrits depuis 2011 au patrimoine mondial de l’UNESCO au sein de l’ensemble des stations palafittiques de l’arc alpin.
Retour en Vercors avec les tumulus protohistoriques de Combe Bossue (Villard-de-Lans- Isère) mis au jour en 2014. Il s’agit de deux tumulus accolés antérieurs au VIe siècle BC dont une sépulture de femme riche e »n parures (7 bracelets du Hallstatt). Les auteurs regrettent le mauvais état de conservation des éléments alors que c’est la seule trace de tertre funéraire en Vercors.
Ubaye, Guillestrois, pratiques funéraires, genre et parures sont les mots clés de cette contribution qui tente une synthèse des nombreuses sépultures découverte dans cette région du sud des Alpes datées de l’Age du Fer (carte p. 345). Les deux auteures se posent la question des influences extérieures.
Une ultime et courte contribution porte sur un jeune archéologue Florian Vallentin, disparu prématurément en 1883 et sur son questionnaire sur l’archéologie en Dauphiné dont les réponses restent à étudier.
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1 Environnements DYnamiques et TErritoires de la Montagne de l’Université de Savoie Mont Blanc
2 L’Association pour la Valorisation et la Diffusion de la Préhistoire Alpine