L’objectif de l’ouvrage n’est pas de traiter de la guerre d’Espagne en tant que telle mais d’évoquer le sort des civils, l’organisation de massacres de masse, les exécutions sommaires, les viols, les procès truqués, etc. A l’arrivée, un livre dense, précis, monumental, qui réclame du lecteur une attention maximale et quelques connaissances préalables.
Pour Paul Preston, la violence durant cette guerre est une transposition de celle pratiquée en milieu colonial: c’est tout le passé africain des généraux qui est ainsi mis en accusation. L’usage de l’expression « guerre d’extermination » se justifie par la volonté de relier les crimes commis en Espagne à ceux perpétrés ensuite en Europe occupée et en Russie. L’idée d’une dictature douce de Franco, qui a pu avoir ses adeptes, est intenable.
Un tel sujet n’est pas sans poser de problèmes méthodologiques à l’historien. En effet, à partir de 1965, quand on comprit que le Caudillo n’était pas éternel, des millions de documents furent détruits : documents du parti unique, la Phalange fasciste, documents des postes de commande de la police provinciale, documents des prisons, documents des gouverneurs civils, etc. Il fallut attendre 1975 pour que des chercheurs aient la possibilité de s’approcher de ce qui restait, sans compter le mutisme des témoins survivants, l’obstruction persistante des services d’état-civil en certains endroits, etc. La chose se complique encore quand on songe aux réfugiés qui moururent loin de chez eux, assassinés dans les champs par les brigades phalangistes à cheval et des carlistes. Ces personnes, sans papiers, n’ont laissé ni leur nom, ni leur lieu d’origine. Les compter relève de la gageure. L’historien en est donc réduit à des estimations. On peut cependant affirmer que la répression menée par les rebelles fut trois fois plus importante que celle de la zone républicaine. Elle s’établit autour de 130 199 morts.La première partie du livre entend expliquer les origines de la haine et de la violence. Quatre chapitres se succèdent, sur les conflits sociaux dans l’Espagne du début des années 1930, sur les théoriciens de l’extermination qui, au nom de leur antisémitisme paranoïaque alimenté par Les Protocoles des Sages de Sion, justifient leur extrême sévérité à l’encontre de la gauche, sur la victoire électorale de la droite en novembre 1933 en pleine crise économique, et enfin sur les années de tournant entre 1934 et 1936. Franco était convaincu de défendre la véritable Espagne, catholique et traditionnelle, en combattant la démocratie, le communisme, les francs-maçons, les syndicalistes, etc.
La seconde partie étudie la violence institutionnelle dans la zone rebelle. Deux chapitres recensent les violences menées par les généraux Queipo dans le Sud, et Mola en Navarre, Galice, Castille et Leon. La partie suivante étudie les conséquences du coup d’État et la violence spontanée observée en zone républicaine, loin du front d’abord, et à Madrid ensuite. Madrid assiégée occupe la partie 4.
La partie 5 oppose deux conceptions de la guerre et articule deux chapitres, l’un consacré à la défense de la République contre l’ennemi intérieur qui dressa les uns contre les autres communistes et trotskistes, anarchistes et républicains, et un autre sur Franco et sa « lente guerre d’annihilation ». La partie 6, qui commence en avril 1939, au moment où toute l’Espagne est dans la main de Franco, place la terreur au cœur de l’État. Il ne s’agit plus de gagner des batailles mais de poursuivre devant les tribunaux les adversaires du régime, de les enfermer et de les traquer jusque dans l’exil, de leur extorquer leurs biens, etc.
Le livre se clôt par une centaine de pages de notes qui sont autant de renvois bibliographiques utiles, puis par un recueil de cartes, une chronologie et un glossaire.