Voici un ouvrage XXL qui permet de découvrir des images de la France vers 1900 : que ce soit Paris, Bordeaux, Marseille, ou de plus petites villes, elles sont présentées ici selon une technique appelée photochromes qui permet d’avoir une vision en couleurs.

Un ouvrage colossal et une technique particulière

C’est effectivement l’adjectif colossal qui s’impose pour décrire extérieurement l’ouvrage que proposent les éditions Taschen. Ses mensurations parlent pour lui :  environ 40 centimètres sur 30 et un poids de 6,5 kilogrammes. Composé de 800 photochromes, cartes postales ou affiches d’époque, il fait partie d’une collection qui comprend un volume sur « L’Italie vers 1900 » et un autre sur  « L’Allemagne vers 1900 ». Le présent ouvrage comprend une introduction, six essais et des commentaires plus ou moins détaillés. L’approche est géographique et correspond à de grands espaces français. Précisons également que le texte de l’ouvrage est en trois langues : français, anglais et allemand.

Les couleurs de la Belle époque

Les photochromes s’adressent initialement aux touristes : ce ne sont pas des photographies en couleurs mais le fruit d’un procédé d’impression à plat, à mi-chemin entre photographies et lithographies. Ce procédé a été inventé en 1888. Il fut très utilisé avant d’être dépassé par les cartes postales puis par la photographie en couleurs. Les sujets étaient clairement orientés vers le tourisme. Les premiers syndicats d’initiative ouvrent, les casinos et les hôtels se développent. Néanmoins, on peut pointer çà et là des manques dans les images mais qui peuvent notamment s’expliquer par le fait qu’un endroit pouvait alors être mal desservi par le chemin de fer, moyen alors privilégié de déplacement.

Paris et ses environs

L’ouvrage propose un tour de France qui commence par la capitale et ses alentours. Un texte général de présentation rappelle à la fois les transformations urbaines récentes, mais s’appuie aussi sur des témoignages de grands écrivains qui y ont vécu, ou qui ne furent que de passage. Ensuite, et comme pour tous les autres chapitres, c’est le plaisir de la découverte ou de la comparaison selon que l’on connait tel ou tel endroit. Chaque photochrome est accompagné d’un rapide commentaire qui aide à le situer et à le dater. Quelques clichés ont droit à une double-page. On découvre plusieurs images de Notre-Dame ou du Panthéon. Tous les grands endroits de la capitale sont passés en revue, que ce soit le jardin du Luxembourg, le dôme des Invalides ou encore l’Opéra Garnier. On n’en finirait pas de citer tous les lieux illustrés. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est de repérer l’emprise des transports ou les costumes et habits d’époque. Quelques doubles-pages apparaissent sur fond doré et se focalisent sur des thèmes comme l’Exposition universelle de 1889 ou encore le Louvre. On peut s’attarder, par exemple, sur cette vue très vivante page 81 de la place de Clichy. Versailles n’est pas oublié avec de nombreuses images. 

Le Nord et la Normandie

Ces côtes furent les premières en France à être « colonisées » par le tourisme. La proximité parisienne et de l’Angleterre expliquent cela. Les villas fleurissent en bord de mer ainsi que les distractions avec les casinos. La vogue des bains de mer dynamise encore plus le secteur touristique. Dans ce périple on passe donc par Amiens et sa cathédrale, on découvre la Grand-Place d’Arras un jour de marché mais aussi Le Tréport. L’ouvrage propose également la reproduction d’affiches de publicité de l’époque, mettant en avant le bienfait des bains de mer. On découvre aussi les plages d’Etretat à la fin du XIXe siècle mais aussi Cherbourg, Saint-Lô ou le Mont Saint-Michel : le restaurant de la mère Poulard est déjà là !

La côte atlantique et les Pyrénées

A la fin du XIXe siècle, la Bretagne s’ouvre au tourisme, mais de façon globale, c’est toute la côte française qui change. Ce chapitre n’oublie pas non plus la montagne avec le cirque de Gavarnie ou l’observatoire du Pic du Midi de Bigorre. Le périple se poursuit par Saint-Malo, passe par Dinard mais montre aussi une France plus industrielle avec Brest ou Lorient. Des publicités d’époque témoignent du lien déjà souligné entre chemin de fer et tourisme. On a droit également à de très beaux panoramiques de Bordeaux. Une double-page s’arrête sur Lourdes puisqu’entre 1878 et 1903 la ville a déjà reçu plus de 3 millions de fidèles. 

Le Val de Loire, l’Auvergne et le pays d’Oc

Les châteaux d’Amboise ou de Blois font l’objet, dès la deuxième moitié du XIXe siècle, de visites organisées par la compagnie du chemin de fer d’Orléans. La pénétration en direction du Massif Central est plus tardive et plus difficile. Le voyage nous emmène à Chartres et à Orléans. On peut noter plusieurs clichés sur le château de Blois, de très belles vues de Bourges ou encore de Vichy. Il existait dans la ville des bains de première, deuxième et troisième classes. On profite également de vues de La Bourboule, du viaduc de Garabit ou encore de panoramas sur Toulouse. 

La Champagne, les Vosges et les Alpes

C’est un ensemble très composite qui est ici rassemblé. En 1900, l’Alsace et le nord-est de la Lorraine sont rattachés à l’Empire allemand et les photochromes que propose ici l’ouvrage sont issus de la partie Allemagne du catalogue de la société Photoglob. Les auteurs ont choisi de les faire apparaître dans l’ouvrage. Le tourisme se développa aussi dans l’Est, que ce soit pour aller visiter les caves de Champagne ou arpenter les bords du Léman. Les sports d’hiver sont également une alternative possible. Le périple nous entraîne à Nancy et sa célèbre place Stanislas, Colmar, Mulhouse ou Besançon, mais donne aussi à voir des skieurs à Gerardmer. La vallée de Chamonix et le Mont Blanc sont l’objet de nombreux clichés. Le livre s’arrête aussi sur la construction du chemin de fer du Montenvers qui constitua à l’époque une véritable prouesse technique. Chambéry et Grenoble complètent cette partie du voyage.

La vallée du Rhône et la côte d’Azur

En 1859, il faut dix-neuf heures pour aller de Paris à Marseille ; il n’en faudra plus que neuf à la veille de la Seconde Guerre mondiale. L’expression « Côte d’Azur » ne date que de 1887 car on lui préférait avant celle de « Riviera ». Mais avant d’arriver jusqu’au sud de la France, le livre propose des étapes comme Fontainebleau, Dijon ou Lyon sous de multiples angles, dont le parc de la Tête d’or. Les attraits ne manquent pas sur le chemin, que ce soit Nîmes, Arles ou Aix-en-Provence. Après Marseille, le voyageur se dirige à Toulon, Cannes ou encore Nice avec un très beau panorama sur la Baie des Anges. La Corse n’est pas oubliée, ni Monaco. 

En annexe, on trouve la liste des lieux cités avec le renvoi vers les pages concernées ainsi qu’une rapide bibliographie. Un tel ouvrage est donc fait pour être feuilleté au gré de ses envies, de ses connaissances de tel ou tel lieu. Son format et son poids conséquent imposent une lecture confortablement installé.

Pour en découvrir quelques images, c’est ici.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes