Raconter la Révolution française en images mais aussi en s’appuyant sur des interrogations de jeunes adultes : tel est le projet de Sophie Wahnich. Spécialiste de la Révolution française et auteure d’une thèse sur la notion d’étranger dans le discours de la Révolution française, elle veut ici répondre aux interrogations sur cette période incroyablement féconde qui va de 1789 à 1794.
Des questions et de l’iconographie
L’ouvrage se caractérise par le choix de présenter des questions-réponses sur la Révolution française, mais aussi par l’accent mis sur l’iconographie. L’auteure s’appuie sur des questions posées par ses enfants, qui sont aujourd’hui de jeunes adultes. Ce choix de construction rend la lecture de l’ensemble plutôt dynamique car cela permet parfois à l’auteur de préciser tel ou tel aspect de sa réponse précédente. Il peut donc s’agir de quelques lignes ou d’un long développement. L’autre choix de l’ouvrage est l’accent mis sur l’iconographie et le format du livre permet d’en profiter pleinement. Les images retenues font l’objet d’un commentaire de quelques lignes. L’ouvrage fait aussi le choix de varier la taille des caractères et des polices.
Pourquoi étudier la Révolution française ?
Dans l’avant-propos, Sophie Wahnich choisit de ne pas faire l’impasse sur cette interrogation. Elle insiste sur l’aspect fondateur de cet événement. Comme le demande un de ses enfants, « tu n’es pas lasse de l’étudier ? ». Elle répond qu’elle est fascinée de voir des hommes et des femmes « inventer un nouvel art politique ». De plus, pour elle, la Révolution française a certes une « part d’inactualité mais elle reste porteuse d’un idéal à reconquérir ». En ce sens, ce « n’est pas un héritage mais une exemplarité à interroger ». Elle ajoute qu’un « évènement inachevé comme celui-là peut nous rendre plus intelligents. »
Comment nait une Révolution ?
Dans ce chapitre, l’auteure insiste sur l’idée d’imprévisibilité et elle rappelle, par exemple, que les Etats Généraux sont à l’origine réclamés par l’aristocratie et pas par le Tiers-Etat. On trouve parfois à l’issue d’une de ses réponses une autre question qui n’hésite pas à dire : « je ne comprends pas, précise ». Sophie Wahnich décortique par exemple la fiscalité de l’époque. Elle explique ensuite les rapports entre le Roi et la noblesse et insiste sur l’idée d’une révolte aristocratique. Elle relate également cette période qui a vu l’alphabétisation augmenter et les livres de religion moins se vendre. Elle raconte enfin un épisode important comme l’émeute à la manufacture Réveillon en avril 1789. Les questions et les réponses portent à la fois sur des évènements, le déroulement des faits mais aussi sur l’interprétation qu’on peut en faire. Ainsi, à un moment, une des interrogations porte sur le fait de savoir si on peut qualifier la Révolution française de « révolution bourgeoise ».
1789 : la métamorphose du souverain : Tiers état, nation, peuple
La deuxième partie déroule les évènements de l’année 1789 et l’auteure évoque les incontournables comme le serment du Jeu de Paume. Elle rappelle que la Bastille a été prise en quatre heures, qu’il y eut environ cent morts, et elle dresse aussi le portrait-robot des assaillants. Plusieurs reproductions des dessins de Jean-Louis Prieur accompagnent ces pages. Sophie Wahnich raconte aussi la Grande Peur et souligne que la Révolution fut à la fois « bourgeoise et populaire, urbaine et paysanne ». Elle s’arrête aussi sur la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et montre que rédiger un tel texte alors permet de « donner une légitimité et une direction à la Révolution ». Elle insiste sur le fait que les groupes de l’époque défendent des intérêts et des idéaux qui peuvent être divergents. Elle consacre aussi plusieurs pages au rôle des femmes et notamment sur l’épisode des journées du 5 et 6 octobre 1789.
La course d’obstacles révolutionnaire, 1790-1792
Les femmes sont aussi à l’honneur dans la troisième partie avec Théroigne de Méricourt. L’auteure revient également sur la question de l’esclavage avec notamment une gravure qui tente de rendre compte d’un débat à ce propos à l’Assemblée. Les questions permettent de faire progresser la compréhension des évènements comme lorsque l’une d’elles demande « En quoi l’Eglise a-t-elle été révolutionnaire ? » L’auteure souligne la division préalable du clergé et montre qu’au départ, il n’y eut que quelques curés impliqués, mais que ceux-ci enclenchent le processus de la réunion des trois ordres. Sophie Wahnich répond ensuite aux questions sur Varennes. On signalera à ce propos la reproduction d’une caricature anglaise avec une belle double-page commentée. Il y a également, quelques pages plus loin, un jeu de l’oie réinventé pour fabriquer une propagande en faveur du Roi.
Insurrections, vengeance, terreur
Dans cette partie, l’auteure examine plusieurs figures comme celle de Robespierre ou de Saint Just. Les évènements incontournables comme le jugement du Roi, la guerre de Vendée ou la mort de Marat sont abordés. Sophie Wahnich aborde également la question de la « Terreur ». Parmi les beaux documents de l’ouvrage, on trouve un découpage d’ombres chinoises qui met en scène la famille Roland dans son « bonheur bourgeois ». Signalons aussi ces faïences qui montrent l’exécution de Louis XVI.
Sillages révolutionnaires
Sophie Wahnich propose un pas de côté et quitte l’histoire factuelle de la Révolution pour aborder le phénomène révolutionnaire à d’autres époques. Elle revient notamment sur 1848 et sur la Commune de Paris. Elle montre aussi comment la Troisième République parla de la Révolution française. C’est une partie qui aborde donc l’historiographie d’un tel événement. Si la période connait des moments de discussion plus ou moins intenses, elle appartient en tout cas à l’imaginaire national. L’auteure conclut son propos en évoquant des exemples de films dont le récent « Un peuple et son roi » de Pierre Schoeller.
En cent-cinquante pages environ, Sophie Wahnich raconte donc la Révolution française de 1789 à 1794 de façon dynamique grâce au procédé des questions-réponses. C’est aussi un bel ouvrage qui permet d’entrer dans cette période foisonnante par l’image. Elle choisit de terminer par cette phrase : « nombre de révolutionnaires des XXe et XXIe siècles ont encore dans leur imaginaire cette exemplarité pour leur donner du courage et pour réfléchir ».
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes