La revue Parlement[s]

Créée en 2003 sous le titre Parlement[s], Histoire et politique, la revue du CHPP change de sous-titre en 2007 pour affirmer sa vocation à couvrir tous les domaines de l’histoire politique. Chaque volume est constitué pour l’essentiel d’un dossier thématique (partie Recherche), composé d’articles originaux soumis à un comité de lecture, qu’ils soient issus d’une journée d’études, commandés par la rédaction ou qu’ils proviennent de propositions spontanées. Quelques varia complètent régulièrement cette partie. La séquence (Sources) approfondit le thème du numéro en offrant au lecteur une sélection de sources écrites commentées et/ou les transcriptions d’entretiens réalisés pour l’occasion. Enfin, une rubrique (Lectures) regroupe les comptes rendus de lecture critiques d’ouvrages récents. Enfin, la revue se termine systématiquement par des résumés des contributions écrits en français et en anglais (suivis de mots-clés).

La revue Parlement[s] n° 28 a pour thème : Une juste violence ? Violences et radicalités militantes depuis les années 1970. Ce vingt-huitième dossier est coordonné par la sociologue Caroline GUIBET-LAFAYE. Comme d’habitude, le dossier se compose de deux éléments distincts : une première partie consacrée aux Conceptions du juste dans la lutte armée englobant à la fois la section Recherche (avec la contribution de 3 chercheurs, jeunes ou confirmées) et la seconde à des Sources commentées (au nombre de 6) ; une deuxième partie dédiée Autour de l’ANR VIORAMIL : Recherches et méthodes (avec 3 contributions). De plus, dans ce numéro, nous trouvons à nouveau une partie consacrée à des Varia (au nombre de 2) et à des Lectures (au nombre de 9 ayant pour critique 9 historiens différents).

 

  • Conception du juste dans la lutte armée :

Pour ce numéro consacré à « Une juste violence ? Violences et radicalités militantes depuis les années 1970, Caroline GUIBET-LAFAYE (Directrice de recherche au CNRS, Centre Émile-Durkheim) rédige l’introduction : Depuis les années soixante, l’Occident a connu d’importantes vagues de protestations sociales, ouvrières ou raciales, symbolisées par Mai 68. Elles ont conduit parfois à la constitution de groupes qui ont embrassé la violence, voire la lutte armée, dans les années 1970. Ce dossier envisage cette radicalisation sous deux angles. D’abord, comment les auteurs de violences radicales légitiment-ils leurs pratiques grâce à leurs interprétations du juste et à leur sentiment d’injustice ? Trois études de cas (l’indigénisme en Bolivie, I’ETA en Espagne et l’anarchisme en Grèce), analysent leurs productions normatives et leurs discours de justification. Des commentaires de sources – presse, affiche, enregistrement audio, bande dessinée et vidéo – élargissent la perspective aux violences radicales en France, Italie et aux États-Unis. Ensuite, la présentation d’une vaste enquête sur les violences militantes commises en France depuis les années quatre-vingt, illustrée par l’exemple du néo-nazisme, donne des pistes sur les démarches innovantes mises en œuvre pour saisir un phénomène qui, des mobilisations altermondialistes lors des G8 au carnage d’Utøya en Norvège, est toujours d’actualité.

[RECHERCHE]

* Anastassia TSOUKALA (Maître de conférences HDR, université Paris-Sud, Laboratoire éthique, politique et santé (EA 4569), université Paris Descartes)

Au nom de quelle justice ? L’image contradictoire de l’actuelle guérilla urbaine grecque

Appuyé sur une analyse de contenu thématique du discours public des actuels guérilleros urbains grecs (2010-2011 et 2016-2017), cet article propose une étude des objectifs et motifs de cette guérilla urbaine en se focalisant sur le positionnement idéologique, les relations à la société et les relations à l’État de ses courants anarchiste individualiste, antifasciste, anarcho-communiste et éco-anarchiste.

 

* Barbara LOYER (Institut français de géopolitique, université Paris 8)

Le juste en son reflet : l’injuste. Réflexion sur 1’ETA

L’article étudie l’usage des concepts de « juste » et d’« injuste » dans des stratégies de pouvoir et d’influence. L’ETA avait besoin de provoquer une répression pour susciter un sentiment d’injustice favorable à son image. Aujourd’hui, les nationalistes basques ont une stratégie discursive sur le fran­quisme afin de faire apparaître un « peuple basque » globalement victime de cette injustice. De leur côté, les associations de victimes de l’ETA s’opposent à la phraséologie nationaliste sur le juste et l’injuste en se fondant sur des cas concrets. Ils réclament justice devant les tribunaux au nom des droits de la personne.

 

* Sergiu MISCOIU (Professeur à l’université Babes-Bolyai de Cluj-Napoca, Roumanie)

À la recherche d’une nation critique naissante : Indianisme et justification de la lutte armée dans le cas du mouvement bolivien Tupac Katari

La justification de la lutte armée se présente sous la forme d’un éventail de thèmes, de stratégies et de discours. Étudier l’évolution de la mouvance « guérillero-plateformiste » Tupac Katari (EGTK) permet de révéler les insuffi­sances des explications déterministes du phénomène de la contestation radicale et de l’action politique violente. L’auteur se penche ici sur le contexte de la création de I’EGTK et les contradictions de la société bolivienne des années 1980. Puis, il analyse synthétiquement la création, l’idéologie et l’action de 1’EGTK pour mettre en exergue la manière dont cette mouvance a étayé la justification du recours à la lutte armée à travers un argumentaire ethno-so­cio-économique. Enfin, il étudie, à travers les résultats d’une recherche de type focus-groupe, quelques opinions des militants de base de I’EGTK pour souligner la motivation de leur combat.

[SOURCES]

* 1970 : l’été indien de la révolution, commentaire de la couverture de La Cause du Peuple, n° 27, août 1970 : présenté par Gilles FERRAGU (Maître de conférences en histoire, université Paris Nanterre, Institut des Sciences sociales du Politique – ISP)

En août 1970, dans le n° 27 de La Cause du Peuple, l’organe de presse de la Gauche Prolétarienne (GP) soit du principal mouvement maoïste français, publie à sa Une « Alain Geismar est partout ! », dévoilant le nouveau spectre qui hante la France pompidolienne et post-soixante-huitarde. Le message envoyé par cette Une est clair : elle met en scène, dans un photomontage, des manifestants face à des CRS en pleine reculade avec, en premier plan, la silhouette d’un étudiant – en train de lancer un cocktail Molotov. Si la France n’a pas connu d’années de plomb, au contraire de la RFA et de l’Italie, ses « gauchistes » français n’en ont pas moins été tentés par la violence politique, suivant une dynamique qui se met en place au cours de l’été 1970. Depuis le printemps 1969, la GP se fait connaître par des bagarres, sabotages et autres opérations coups de poing jusqu’au 27 mai 1970, jour du procès des deux directeurs de La Cause du Peuple, la GP est dissoute en conseil des ministres à la demande du ministre de l’Intérieur, Raymond Marcellin. Le jour même, à l’instigation des maos, le quartier latin s’enflamme. Dès le 30 mai, un mandat d’arrêt vise Alain Geismar qui se cache : il est finalement appréhendé le 25 juin et inculpé dans la foulée. En octobre 1970, le procès d’Alain Geismar a lieu et ce dernier est condamné à 18 mois de prison ferme. De l’hiver 1970 à celui de 1972, les actions menées par l’extrême-gauche française se multiplient jusqu’au 25 février 1972, jour de la mort du jeune ouvrier et militant maoïste Pierre Overney qui joue le rôle d’un électrochoc pour la majeure partie de l’extrême gauche qui refuse de céder au vertige de la violence politique. Seule une infime minorité, tardivement constituée autour du groupe Action directe, persiste dans le choix de la lutte armée. L’expérience de mai 1968 fut peut-être, selon Olivier Rolin, la raison d’une politique clairvoyante, ou prudente de l’État (comparable à celle qui permit à la France, en 1894, de sortir de la violence anarchiste) et, finalement, le « moment Geismar » constitua peut-être, en France, l’alternative aux années de plomb des années 1970 qui n’épargna ni l’Italie avec les BR et ni la RFA avec la FAR.

 

* « Contre l’État policier », article publié dans le journal Pour un ordre nouveau (n° 1, 1971) : présenté par Olivier BERUBE-SASSEVILLE (Doctorant en histoire, université du Québec à Montréal)

Cette idée selon laquelle les gauchistes bénéficieraient de la protec­tion de la part des forces de l’ordre est mise à l’épreuve par Ordre Nouveau (ON) qui ne cesse de réclamer l’interdiction de la Ligue commu­niste (LC) et d’autres groupuscules d’extrême gauche en invoquant la loi du 10 janvier 1936 à l’origine de la dissolution des ligues. Ironiquement, la LC et ON seront dissout par décret de l’État français en juin 1973. Par ailleurs, la stratégie de victimisation qu’adoptent les dirigeants d’Ordre Nouveau face à l’extrême gauche est rendue possible par un climat particulier qui se développe en France dans la foulée des événements de mai 1968. Une partie importante de l’opinion publique semble basculer dans le camp de la contre-subversion.

En définitive, l’article commenté constitue l’une des pièces permettant d’analyser le complexe rapport à la violence développé par l’extrême droite dans la foulée des événements de mai 1968. Combinée à l’analyse des sources internes au mouvement et aux rapports des forces de l’ordre, son étude permet de mettre en lumière les dynamiques contradictoires qui traversent le mouvement Ordre Nouveau. La quête de légitimité dans laquelle s’engage le mouvement nationaliste à la fin des années 1960 suggère une atténuation de l’utilisation de cette violence politique et une volonté de la repousser dans le camp de l’extrême gauche.

 

* La bande dessinée comme support de propagande : l’exemple des Groupes d’Action Révolutionnaires Internationales (GARI), 1975 : présenté par Aurélien DUBUISSON (Doctorant, Centre d’histoire de Sciences Po, Sciences Po Paris)

Cette brochure intitulée Rapto en Paris, est composée de 28 pages dans lesquelles sont insérés des textes politiques produits par la coordination ainsi que des coupures de presse. On la retrouve assez régulièrement dans les archives privées des militants qui ont été mêlés à cette histoire. Il est difficile d’évaluer son niveau de diffusion car rien n’indique dans quelles conditions elle a été produite. Les militants ont détourné une célèbre bande dessinée espagnole de la période franquiste qui s’intitule Roberto Alcazar y Pedrin. Celle-ci est connue pour son style réactionnaire et c’est vraisemblablement l’une des raisons qui a encouragé les GARI à la détourner. Cependant, l’auteur n’a trouvé aucune version espagnole de ce document, ce qui laisse penser qu’il a été diffusé uniquement en France. Les auteurs de la brochure établissent une chronologie des GARI et insistent sur plusieurs points qui leur paraissent essentiels. Comme ils le soulignent, l’objectif est avant tout de rappeler les raisons pour lesquelles ils ont commis des attentats. L’autre but qu’ils se donnent, et qui jalonne l’ensemble du récit, est de mettre en exergue la coopération des polices françaises et espagnoles. Une coopération qui a permis l’arrestation de militants antifranquistes des deux côtés de la frontière. Enfin, il s’agit aussi de mettre en accusation la presse qui, selon eux, a alimenté la campagne de désinformation dont ils ont été les victimes. C’est un document qui prétend donc retranscrire avec fidélité l’histoire des GARI dans un contexte où de nombreux militants ont été incarcérés après la libération de Balthazar Suarez, le 22 mai 1974. Il s’agit avant tout de donner la parole aux militants pour qu’ils soient tous disculpés. Cet élément ne doit pas être négligé si l’on désire appréhender avec justesse l’objectif d’une telle publication. Cette brochure se caractérise par son ton humoristique qui s’ins­crit tout à fait dans le contexte de l’après 68 ; un style corrélé à la pratique du détournement utilisée ici par les militants. Cette techn­ique reste courante dans les sphères gauchistes et reflète bien l’époque.

 

* Aldo Moro : la gêne de l’assassin : présenté par Guillaume ORIGONI (Doctorant en histoire contemporaine à l’université Paris Ouest Nanterre, CRPPM)

La séquestration et l’assassinat d’Aldo Moro par les Brigades Rouges (BR) constituent le traumatisme national majeur de la Première République italienne. Le leader démocrate-chrétien représentait non seulement l’une des figures tutélaires de ce Parti-État, mais également l’incarnation de son aile centre-gauche. L’image de cadavre recroquevillé à l’arrière d’une Renault 4 rouge dans la Via Caetani de Rome demeure une blessure profonde de la société italienne ainsi que le symbole des forces contradictoires qui ont conduit à cet assassinat, le 9 mai 1978, après 55 jours de séquestration. Le document qui est commenté est l’échange téléphonique par lequel les Brigades Rouges revendiquent l’exécution d’Aldo Moro en indiquant le lieu où a été déposé son corps. L’enregistrement de l’appel téléphonique visant à revendiquer l’exécution d’Aldo Moro par les Brigades Rouges fut réalisé par les services de sécurité italiens et rendu public par voie de presse.

L’opération Moro, conduite par les Brigades Rouges, a constitué le point d’orgue de l’influence que le groupe terroriste a pu avoir sur l’ensemble de l’extrême gauche italienne et européenne. La puissance exprimée par cette attaque au cœur de l’État a pourtant amorcé leur déclin. En effet, si des passerelles idéologiques, des sympathies pouvaient encore exister entre la gauche traditionnelle et les BR avant l’affaire Moro, elles déclinent ensuite pour être réduites à néant lorsque la colonne génoise des BR assassine un ouvrier syndicaliste. Cette fracture a rendu impossible toute velléité de massification du mouvement révolutionnaire. Les repentis, les dissociés et le travail des services de sécurité achèveront l’isolement des Brigades Rouges.

 

* Tension et rapport de force politico-médiatique : usages de la violence dans une affiche autonome « pro-situ » : présenté par Hugo PATINAUX (Doctorant en histoire à l’université de Rouen, GRHis)

Cette affiche, datée des années 1980, émane des milieux « pro-situ ». Elle fut depuis régulièrement réimprimée et diffusée sous forme de tracts, d’autocollants, en raison de l’écho qu’elle put trouver dans les périodes de fortes tensions politiques ou lors des mouvements sociaux. Ce document est, par exemple, présent dans les milieux autonomes parisiens, rouennais, ou encore au Centre culturel libertaire de Lille. Il vise à définir et à légitimer le rôle et l’utilisation de la violence autonome à des fins politiques. Il entend également dénoncer la violence réelle (selon les acteurs de l’autonomie) et non symbolique des rapports sociaux et économiques présente dans les sociétés néolibérales, et induite par ce système.

Dans ce document, la légitimation de la violence à des fins politiques laisse deviner d’autres facettes de l’autonomie. Le spectacle de Guy Debord, la dénonciation d’une société marchande ou de l’esclavagisme salarial ainsi que le sabotage, permettent aussi de traiter le sujet à travers une histoire des idées politiques. Ces références laissent imaginer un ancrage du document dans des héritages politiques idéologiques anciens, lesquels font partie de la construction et de l’évolu­tion des luttes autonomes.

 

* L’agression du nationaliste blanc Richard Spencer lors de l’investiture de Donald Trump à la Maison Blanche, le 20 janvier 2017 : présenté par Charlotte THOMAS-HEBERT (Doctorante en science politique, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / CESSP)

La vidéo présentée montre le nationaliste blanc Richard Spencer recevoir un coup de poing à la figure par une personne masquée de noir lors d’une interview donnée à des correspondants de la chaîne de télévision australienne ABC à l’angle des rues K et 14 dans le centre de Washington. Spencer, président du think tank National Policy Institute, incarne le visage du néofascisme américain depuis que son discours, au lendemain de l’élection présidentielle, a fuité dans la presse et est devenu viral. En effet, c’est lui qui, en 2008, a inventé le terme de droite « alternative », afin de remodeler l’image du mouvement suprémaciste et de construire les Blancs américains en tant que catégorie raciale opprimée et en voie d’extinction. Cette mouvance a réellement pris de l’ampleur lors des élections de 2016 en se caractérisant par la coalition de diverses sous-cultures intellectuelles et numérique ultra-conservatrices ainsi que nationalistes qui se sont unies par l’intermédiaire d’internet dans le but de faire élire Donald Trump. Bien que la violence contre les personnes soit devenue taboue pour la gauche américaine depuis la fin des années 1970, les groupes antifascistes peuvent s’appuyer sur la puissance du récit national lié au combat contre l’Allemagne nazie. Bien que la Seconde mondiale ait été construite a posteriori dans la mémoire nationale comme pinacle de vertu et preuve de l’exceptionnalisme améri­cain, l’engagement des États-Unis dans le conflit a, dès le début, été présenté comme une nécessité pour protéger la démocratie libérale. Le coup de poing reçu par Richard Spencer s’inscrit dans une longue tradition artistique, qui relève essentiellement de la pop culture et qui dépeint un citoyen américain cognant un personnage nazi au visage. La vidéo de l’agression de Spencer et les mêmes auxquels elle a donné lieu bénéficient ainsi de l’iconographie antina­zie, ce qui explique sans doute pourquoi elle est devenue, au fil des mois, la principale référence visuelle à la résistance antifasciste sous l’ère Donald Trump.

  • Autour de l’ANR VIORAMIL : Recherches et méthodes

* François AUDIGIER (Professeur d’histoire contemporaine, université de Lorraine (Metz) CRULH)

Une expertise interdisciplinaire en sciences humaines et sociales sur les violences militantes commises en France depuis le milieu des années 1980 : I’ANR Vioramil

L’article présente un bilan à mi-parcours d’un programme de recherche interdisciplinaire de type ANR le programme ANR Vioramil. Celui-ci, qui réunit des historiens, politistes, sociologues, juristes et spécialistes d’info-com, s’intéresse aux violences militantes commises en France depuis le milieu des années 1980. Il s’agit de porter un regard croisé sur le fonctionnement des organisations militantes radicales, les processus de radicalisation, la manière dont la société et notamment les médias perçoivent cette violence et, enfin, la façon dont les autorités traitent cette menace en amont (prévention) et en aval (réponse policière et judiciaire). L’article présente la base de données inédite qui a été élaborée dans une logique quantitative par l’équipe et le cycle de colloques et journées d’étude qui a été organisé dans une approche qualitative complémentaire.

 

Nicolas LEBOURG (Chercheur associé au CEPEL : Centre d’Études Politiques de l’Europe Latine, UMR 5112 CNRS-université de Montpellier)

* Agir et penser en néo-nazi

Le néo-nazisme français est un rhizome de groupuscules activistes. À côté d’eux s’est développée une scène skinhead qui fonctionne en groupes affini­taires. Méprisée socialement, la mouvance néo-nazie a pourtant contribué à la structuration idéologique de la Nouvelle droite et a joué son rôle conséquent dans le mouvement nationaliste breton. L’objet est aussi globalisé, son racisme comme ses modalités violentes ayant connu l’influence américaine.

 

Nicolas LEBOURG (Chercheur associé au CEPEL : Centre d’Études Politiques de l’Europe Latine, UMR 5112 CNRS-université de Montpellier)

* Quels matériaux et quelle démarche pour l’étude d’une marge violente ?

Si l’étude de l’extrême droite radicale est chiche dans le monde académique, le néo-nazisme est sans doute le sujet le moins traité. L’article de Nicolas Lebourg « Agir et penser en néo-nazi » témoigne que les matériaux sont nombreux, mais spécifiques. Si l’historien parle de ses « sources », et le sociologue de ses « terrains », il s’avère que la collecte de données exige ici les deux, d’où l’usage du terme de « matériaux ». L’article dont il est question mobilise des archives internes de mouvements politiques, des archives des services de l’État, des témoignages, un corpus de sources impri­mées telles que la presse, les brochures idéologiques, les autocollants et tracts qui sont reclassées de manière pratique entre publications indigènes, archives, témoignages et état de l’art (sources académiques).

 

[VARIA]

* Jean-François FIGEAC (Doctorant à Paris-Sorbonne, Centre d’histoire du XIXe siècle)

La crise de 1839-1840 : question d’Orient ou question française ?

La deuxième guerre turco-égyptienne (1839-1841) entre Méhémet-Ali et le sultan ottoman entraîne une mobilisation de l’opinion publique française en faveur du pacha d’Égypte. Cette question d’Orient est ainsi indissociable des tensions intérieures qui traversent la Monarchie de Juillet et de l’instabi­lité parlementaire et sociale latente. Lorsque cette crise atteint son acmé à l’été 1840, suite au traité de Londres rédigé sans la France, Louis-Philippe doit choi­sir entre deux options de politique étrangère comme de politique intérieure. La première est héritière de la tradition révolutionnaire et impériale tandis que la seconde, incarnée par Guizot, est plus conservatrice.

 

* Olivier SERRA (Professeur d’histoire du droit à l’université de Rennes 1 / Centre d’Histoire du droit, IODE, UMR CNRS 6262)

Vin et hygiénisme dans le discours parlementaire au temps de l’agrarisme triomphant

Le Parlement de la Troisième République demeure le creuset privilégié des réflexions ayant donné au vin naturel une dimension hygiénique. Cette dernière apparaît, plus précisément, comme le dénominateur commun de la filière viticole et du monde médical. Tous deux y voient effectivement un moyen de lutter contre les boissons nuisibles au consommateur, ainsi qu’un aliment susceptible d’améliorer la santé humaine. Plus que jamais, le breuvage national fait figure d’antidote à la fois économique et médical.

 

[LECTURES]

* Jean-Marie Constant, Pierre Gatulle (dir.), Gaston d’Orléans, prince rebelle et mécène, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017, 288 p., par Gérard HURPIN

Cet ouvrage a été publié à l’occasion de l’exposition Gaston d’Orléans, prince rebelle et mécène, présentée au château de Blois du ler juillet au 15 octobre 2017. La quatrième partie de ce livre en est le catalogue ; les trois premières traitent de Gaston d’Orléans (1608-­1660), la première en tant que « rebelle », la seconde porte sur son action dans le comté de Blois qui lui avait été donné en apanage et la troisième sur le mécénat de ce prince. On doit louer l’équilibre des quatre parties ainsi que la grande homogénéité de ton et de qualité des contribu­tions apportées par les collaborateurs de ce livre. Quant à l’illustra­tion, elle a la qualité à laquelle les lecteurs de catalogues de grandes expositions sont désormais habitués : excellente.

Gaston d’Orléans, fils puîné d’Henri IV et de Marie de Médicis, a une réputation détestable chez la plupart des historiens : celle d’un prince qui trahit maintes fois son frère, le roi Louis XIII, puis, sur le point d’être découvert, dénonça ses complices pour obtenir grâce et l’obtint en effet ; de fait, la liste de ceux qui montèrent sur l’échafaud sur dénonciation du duc d’Orléans est longue : Chalais, Montmorency et Cinq-Mars. Le duc de Lorraine perdit ses États par suite d’intri­gues avortées du duc d’Orléans, son gendre. Jean-Marie Constant qui traite spécialement des aspects politiques du sujet, sans mini­miser ces faits, rappelle les circonstances particulières et générales qui l’éclairent et en indique la portée. Si Gaston d’Orléans, « Monsieur, frère unique du roi » s’est si souvent rebellé, c’est qu’il espérait par ce moyen s’affranchir de la surveillance malveillante et humiliante que lui faisait subir Louis XIII. Le roi l’écartait des affaires pour les confier, au moins partiellement, à ses favoris et surtout au cardi­nal de Richelieu, objet de la détestation de Gaston d’Orléans. De là intrigues, complots et trahisons inséparables à la vérité de toute organisation monarchique.

 

* Nicolas Leroux et Martin Wrede (dir.), Noblesse oblige. Identités et engagements aristocratiques à l’époque moderne, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017, 200 p., par Isaure BOITEL

La conception selon laquelle la naissance impose aux nobles un éthos vertueux se trouve au cœur de l’idéologie aristocratique depuis la Renaissance. Les grands auteurs classiques, à l’image d’un Molière ou d’un Boileau, rappellent à leur public aristocratique que la recherche zélée de l’honneur doit dicter leur conduite sous peine de diffamer une longue lignée d’aïeux. Afin d’appréhender les obligations morales qui pèsent sur le second ordre, Nicolas Leroux et Martin Wrede ont rassemblé 9 analyses portant sur les valeurs et les pratiques identitaires de la noblesse depuis le XVe jusqu’au du XIXe siècle.

La première partie consacrée aux identités mouvantes se focalise sur la constitution de l’ordre aristocratique de part et d’autre du Rhin (Élie Hadad et Martin Wrede), une deuxième apporte 3 regards différents sur les liens personnels se constituant au sein de la société nobiliaire (Anne Motta, Nicolas Leroux et Sébastien Schick). Enfin, une troisième et dernière partie s’intéresse à l’honneur et l’engagement de la noblesse (Laurent Vissière, Aubrée David-Chapy, Stéphane Gal et Paul Vo-Ha). Ces 9 études de cas composent ainsi un panorama foison­nant et varié de parcours individuels et d’expériences collectives. Elles forment autant d’éclairages divers contribuant à une anthro­pologie sociale et culturelle d’une caste prééminente en mal de renouvellement.

 

* Pierre Serna, Comme des bêtes. Histoire politique de l’animal en Révolution (1750-1840), Paris, Fayard, collection « L’épreuve de l’histoire », 2017, 444 p., par Laurent BOURQUIN

            Avec cet ouvrage, Pierre Sema ouvre un champ historique très novateur. Son constat de départ est pourtant simple, et son évidence s’impose à nous : au cours du « siècle des révolutions », l’animal est partout, et se retrouve dans de très nombreuses sources (actes nota­riés, rapports de police, traités d’agriculture, littérature, etc…). Cet ouvrage montre aussi que les classifications opérées dans le monde du vivant ont conduit à repenser les limites entre humanité et animalité. Cette pensée a permis de prétendre à l’infériorité de certaines populations, et notamment de légitimer l’esclavage des populations africaines, au moment même où Bonaparte le rétablissait dans les colonies françaises. Autrement dit, le nouveau regard porté sur les animaux depuis le milieu du XVIIIe siècle a servi à justifier l’oppression dont était victime une partie de l’humanité. La figure de l’animal a donc été utilisée, particulièrement de 1789 à 1802, pour remettre en question l’égalité entre tous les hommes, qui faisait pourtant partie des principes fondateurs de la Révolution française.

En ce sens, le livre de Pierre Serna est un très grand livre d’his­toire politique. À travers l’animal en révolution, il débouche sur une réflexion très profonde et de long terme sur les soubassements des théories racialistes qui ont fait florès au XIXe siècle et qui ont conduit au racisme politique du XXe siècle. Ce travail, qui s’appuie sur une rigoureuse analyse des sources, suscitera de nouvelles études dans ce champ très prometteur.

 

* Julie d’Andurain, Colonialisme ou impérialisme ? Le Parti colonial en pensée et en action, Paris, Hémisphères éditions, Zellige, 2017, 439 p., par Elodie SALMON

Professeure à l’université de Lorraine (Metz) et spécialiste d’histoire militaire et des expériences combattantes, Julie d’Andurain poursuit les travaux de l’historien français, Charles-Robert Ageron (1923-2008), grand spécialiste de la colonisation française en Algérie. En effet, avec cet ouvrage, elle continue l’exploration des réseaux politiques et les grands noms du fait colonial français, en synthétisant et actualisant les biographies d’acteurs incontournables du « parti colonial », dont les protagonistes sont répartis en 3 catégories – doctrinaires, politiques et militaires – aux frontières parfois poreuses. S’il n’existe pas de plan préconçu pour la conquête du domaine ultramarin, ces différents parcours permettent de dessiner les contours d’une stratégie impériale française. C’est une politique de prestige revancharde et nationaliste avant d’être économique. L’auteure pose la question de l’efficacité de ce « lobby colonial » sur le long terme et met en évidence sa fragilité. Cet ouvrage est donc un précieux support pour les chercheurs spécialistes des réseaux coloniaux ainsi qu’un tableau éclairant de la vie politique et intellectuelle de la IIIe République.

 

* Éric Anceau, Jacques-Olivier Boudon et Olivier Dard, Histoire des internationales. Europe, XIXe-XXIe, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2017, 304 p., par Gilles RICHARD

Dans ce premier volume – d’autres sont annoncés – issu d’un séminaire de recherche dans le cadre du Labex « EHNE », 11 contributions permettent d’amorcer l’analyse des internationales dans un cadre temporel étendu et d’aborder des aspects peu ou pas connus tout en posant les bases d’une problématique géné­rale, une internationale ne pouvant se réduire au modèle que chacun a en tête (celui de l’Internationale Communiste fondée, en 1919, à Moscou) et renvoyant à une histoire à la fois transnationale, connec­tée et globale. On voit là plus largement comment une histoire des interna­tionales élargit les horizons d’une histoire sociale et politique encore trop souvent envisagée dans le seul cadre national qui ne disparaît pas pour autant. Si les Nouvelles Équipes interna­tionales (NET) créées en 1948 furent efficaces pour amorcer « la construction européenne », elles restèrent avant tout un lieu de juxtaposition et d’accommodation des logiques nationales de chacune de ses compo­santes : démocrates-chrétiens allemands, français, italiens, etc. L’absolue nécessité d’articuler le national et l’international est donc la principale leçon de l’ouvrage.

 

* Annick Asso, Héléna Demirdjian, Patrick Louvier (dir.), Exprimer le génocide des Arméniens. Connaissance, arts et engagements, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2016, 266 p., par François ROBINET

Ce livre est la publication tirée des actes du colloque international « Discours et représentations du génocide des Arméniens 1915-­2015 » qui s’est tenu les 5 et 6 février 2015 à l’université Paul-Valéry Montpellier 3 à la veille des commémorations du centième anniversaire du génocide des Arméniens de 1915 qui entraîna l’extermination de près d’1,5 million d’Arméniens d’Anatolie et d’Arménie occidentale. Organisé par le régime des « Jeunes Turcs », dans le contexte de l’en­gagement de l’Empire ottoman dans la Première Guerre mondiale, ce génocide et ses différentes dimensions (déportations, massacres, famines…) bénéficie, depuis une vingtaine d’années, d’un dynamisme générateur de travaux de référence. Aussi, le génocide est-il désormais bien documenté, largement reconnu politiquement (malgré le né­gationnisme d’État du pouvoir turc) et régulièrement commémoré dans de nombreux pays dans le monde. Les trois codirecteurs de l’ouvrage, avec une vingtaine d’auteurs français et étrangers (historiens, littéraires, psychanalystes…), offrent un large panorama des acquis de la recherche scientifique sur le génocide, sur l’étude de ses représentations littéraires et artistiques ainsi que sur les constructions rivalités mémorielles en cours. La première partie intitulée, « Recherche et enseignement du génocide des Arméniens », regroupe 4 textes permettant de dresser un paysage assez riche des réseaux intellectuels et savants mobilisés à l’époque en France et en Europe sur la question arménienne, de l’état de leurs savoirs et de leur échec à mobiliser largement les États européens pour prévenir les massacres et les persécutions de cette population. Titrées « Représentations et écriture littéraires du génocide des Arméniens » et « Représentations et créations artistiques du génocide des Arméniens », les deuxième et troisième parties offrent une dizaine de contributions analysant des exemples de récits et de représenta­tions du génocide dans les domaines de la littérature, de la chanson, du théâtre, des cinémas documentaires et de fiction, les arts plastiques et visuels. La quatrième et dernière partie livre 5 contributions sur les constructions mémorielles qui se sont opérées sur le génocide, titrée « Quête & mémoire et recherche de sens en Turquie », elle interroge le processus de mémorialisation depuis le contexte très spécifique des commémorations de 2015. L’intérêt de l’ouvrage réside bien sûr dans la pluralité des regards livrés et la diversité des compétences mobilisées mais aussi et surtout la capacité à mettre en relation les singularités de la nature de l’évènement génocidaire et les spécificités des processus de mémorialisation sur celui-ci.

 

* Noëlline Castagnez, Frédéric Cépède, Gilles Morin et Anne-Laure Ollivier (dir.), Les socialistes français à l’heure de la Libération. Perspectives française et européenne (1943-1947), Paris, L’Ours, 2016, 328 p., par Roberto COLOZZA

            L’ouvrage a été réalisé à partir d’un colloque tenu en novembre 2014 à Paris sous la houlette de plusieurs centres de recherche – le Centre d’histoire sociale du XXe siècle de l’université Paris 1, la Fondation Jean Jaurès et l’Office universitaire de Recherche socialiste (OURS) – et supporters – Mairie de Paris, Groupe socialiste du Sénat, mission du 70e anniversaire de la Libération du territoire. Il s’agit d’un projet d’envergure, qui a impliqué la participation de dizaines de chercheurs d’universités françaises et étrangères. Ce colloque a bien restitué au socialisme français toute la centralité qu’il eut dans la reconstruction de la France et de l’Europe d’après-guerre. Par ailleurs, il ne cache pas les inaptitudes théoriques, stratégiques ou politiques qui l’empêchèrent de s’ériger en « maître de l’heure », alors que la SFIO sentait avoir le présent et encore plus l’avenir entre ses mains. De ce point de vue, la description des « cinq rendez-vous manqués » par lesquelles Nicolas Roussellier clôture l’ouvrage montre clairement les défaillances de la SFIO face aux défis majeurs de cette époque cruciale : l’hégémonie dans la Résistance ; l’élan réformateur ; le leadership international ; la culture institution­nelle et constitutionnelle ; l’attrait électoral. Au-delà d’une certaine hétérogénéité, la cohérence de l’approche méthodologique ainsi que la qualité générale des contributions font de cet ouvrage un point de repère dans la production historio­graphique sur la SFIO des années 1940, ainsi qu’un outil précieux pour l’étude de l’histoire nationale et transnationale tout court, vue sa richesse thématique et son envergure géographique.

 

* François Audigier (dir.), Histoires des services d’ordre en France du XIXe siècle à nos jours, Paris, Riveneuve éditions, 2017, 263 p., par Philippe NIVET

Sous la direction de François Audigier (professeur d’histoire contemporaine à l’université de Lorraine), ce livre sur l’étude des services d’ordre des partis politiques est issu d’un colloque tenu à Metz, les 11 et 12 juin 2015. Ces actes de colloque sont riches de douze communications, réparties dans deux ensembles chronologiques : « De la fin du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale : élaboration d’un modèle de service d’ordre militant et première utilisation des appareils de sécurité dans un contexte de tension politique » et « De l’après-­guerre à nos jours : vers la professionnalisation et la pacification des appareils de sécurité militants ? ». On y trouve des études sur les services d’ordre de syndicats, de ligues, de partis politiques de droite, d’extrême-droite, de gauche et d’extrême-gauche. L’étude des services d’ordre a de multiples intérêts car il s’agit d’abord d’une histoire « par le bas » de la politique, d’une histoire des pratiques de ces organisations théoriquement chargées de l’en­cadrement de la foule, du maintien de l’ordre dans les rangs de la manifestation, de la protection de meetings, de la sauvegarde de lieux de réunion. L’analyse de la structuration, des pratiques, du personnel et de la manière dont sont perçus les services d’ordre permet d’éclairer les cultures politiques. L’ouvrage s’interroge également sur le degré de militarisation des services d’ordre. L’étude de ces derniers participe aussi d’une histoire sociale du politique et elle induit également une étude de la violence en politique. En bref, il faut donc lire cet ouvrage qui contribue au renouvellement de l’histoire des partis politiques.

 

* Jean-Noël Jeanneney, Le moment Macron, Paris, Le Seuil, 2017, 160 p., par Pierre ALLORANT

Jean-Noël Jeanneney, 76 ans, agrégé d’histoire en 1965 et professeur des universités depuis 1977, a été par deux fois secrétaire d’État (sans discontinuer) au Commerce extérieur du gouvernement Cresson (1991-1992) puis à la Communication sous le gouvernement Bérégovoy (1992-1993). Ce rappel permet de comprendre pourquoi Jean-Noël Jeanneney livre dans ce court mais stimulant essai ses premières impressions sur le plus jeune président de la République depuis Louis-Napoléon Bonaparte (futur Napoléon III). Ni adversaire, ni proche ou confident d’Emmanuel Macron, l’historien se situe à bonne distance de son sujet pour repérer les précédents et l’aspect inédit du phénomène Macron. L’auteur doute que le macronisme puisse se référer « en même temps » au réformisme progressiste de Michel Rocard et de Pierre Mendès-France tout en risquant de pencher à droite, du côté du « président des riches ». Un gouvernement par les centres est possible mais en déduire la mort définitive de la bipolarisation de la Ve République reviendrait à réduire la gauche aux postures verbales de Jean-Luc Mélenchon (leader de la France Insoumise), et la droite au discours de Laurent Wauquiez, président de LR. A la faveur de la lecture éclairée de Machiavel et grâce au compagnonnage de Paul Ricœur, l’auteur souhaite que le président de la République ait acquis non seulement la mesure du temps long et de la mémoire nationale, mais, au surplus, la capacité à déplaire au peuple si l’intérêt général l’exige.

 

© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)