La Documentation Photographique nous fait le plaisir de sortir un numéro portant sur l’une des périodes majeures du XXe siècle : la Première Guerre mondiale.
Il ne s’agit pas d’étudier uniquement la période de la guerre, c’est-à-dire les années allant de 1914 à 1918, mais commence quelques années avant et se termine quelques années après : 1912-1923. Une période de onze années durant laquelle la société a changé. Il faut ainsi y voir « le monde d’avant » et « le monde d’après » guerre.
Le Centenaire de la Première Guerre Mondiale a révélé que le souvenir de celle-ci est toujours fort et présent dans la mémoire collective. De nombreux articles et publications de tout types ont montré les causes de la guerre, ses conséquences géopolitiques, le vécu des familles, les conséquences environnementales dans les espaces concernés par le conflit ou plus loin.
Nicolas Beaupré rappelle les avancées de la recherche et fait un point sur l’historiographie depuis les années 2000, aussi bien en France qu’à l’étranger ; les différents mémoriaux, les cérémonies commémoratives, les actions symboliques telles que le Blood Swept Lands and Seas of Red : les artistes installèrent à la Tour de Londres entre juillet et novembre 2014 888 246 coquelicots en céramique pour rendre hommage aux soldats britanniques morts pendant la guerre. Ensuite, l’auteur nous montre les débats historiographiques qui ont lieu depuis plusieurs dizaines d’années autour de la cause de cette guerre. On bouscule alors les dates de la période et on parle de « désenclavement chronologique« , puis vient le « désenclavement géographique » pour souligner que le conflit est assez européo-centré et dénonce le fait qu’à la lecture de certains auteurs, le lecteur est induit en erreur en pensant que le conflit se résume à une guerre franco-allemande.
Ensuite, un désenclavement thématique prend place par l’élargissement des thématiques de recherche. En effet, l’exemple Kanak est traité tout comme les lieux de mémoire, les mémoires des colonisés, etc… Enfin, un désenclavement académique car « la connaissance historique de la Grande Guerre est une coproduction entre de multiples acteurs comme les artistes, cinéastes, écrivains qui proposent de nouvelles visions et interprétations de la période » ; également les particuliers qui mettent à disposition leurs archives.
Combattre
- 1912 : les Balkans, premiers fronts de la Grande Guerre
- L’échec des plans (Tannenberg et la Marne)
- L’échec des batailles de matériel : l’exemple de la Somme
- La mondialisation de la guerre
- Les armes nouvelles
- Le front : expériences du temps et de l’espace
- Les échecs allemands et la reprise de la guerre de mouvement en 1918
Sociétés en guerre, sociétés de guerre
- Produire
- Nourrir les populations en guerre
- Contrôler et mobiliser
- Secourir
- Protester
- Témoigner de l’extermination
Une longue sortie de guerre
- La grande pandémie dans la Grande Guerre
- Des traités ambigus
- Les États-Unis au cœur d’un nouvel ordre mondial
- L’Europe de l’Est à feu et à sang
- Le Moyen-Orient bouleversé
Mémoires de la guerre
- Commémorer
- Militer
- S’approprier
Écrire l’Histoire autrement
- L’historial de la Grande Guerre
- L’histoire environnementale de la Grande Guerre
Encore une fois, ce numéro est riche en informations, exemples et références. Les illustrations sont de qualité : cartes, dessins, affiches, tableaux, photographies… De quoi attirer l’œil du lecteur et inspirer les professeurs quant aux supports à montrer aux élèves ainsi qu’à leur faire travailler sur des documents d’archives.
Il faut souligner aussi le rapport régulier à l’actualité ou en tout cas aux conséquences sur le reste du XXe siècle et qui peut, pour certains cas, perdurer aujourd’hui. Ce numéro se clôture ainsi par les dernières publications de la recherche concernant l’impact de la Grande Guerre sur l’environnement, notamment à travers la pollution des sols liés aux éclats d’obus, aux balles etc. Cependant, cet intérêt ne date pas d’aujourd’hui comme on peut le découvrir dans l’article. Dès le début des années 1920, des citoyens s’intéressent aux conséquences environnementales des nouvelles armes de guerre.
Juste un point à souligner, une erreur d’orthographe à Libye, écrit p. 7 Lybie (un peu regrettable pour une revue faite par des historiens et géographes). Cependant c’est une parenthèse au regard de la qualité des sujets traités !