Dans ce numéro de La Documentation Photographique, Mathilde Larrère maître de conférence à l’université Paris-Est-Marne-La-Vallée et chargée de cours à l’IEP de Paris, s’intéresse à l’histoire du vote en France depuis 1789. Cette histoire politique, faite de soubresauts et de rebondissements, de « tâtonnements et de débats [ayant conduit] au vote tel que nous le pratiquons aujourd’hui » (p. 1) sert ainsi d’appui aux nouveaux programmes du secondaire. En effet, avec une question consacrée au vote de 1815 à 1870, le troisième thème du programme d’histoire de la classe de Quatrième, est largement dominé par cette histoire politique (BOEN du 11 septembre 2015). Au-delà de cet objectif pédagogique affirmé, le travail de Mathilde Larrère apporte également une mise en perspective aux remises en cause renouvelées ces dernières années, de la démocratie représentative grâce à une réflexion historique. En 1992, Pierre Rosanvallon, dans Le sacre du citoyen, offrait déjà un renouvellement de l’histoire du suffrage universel en France au XIXe siècle, en insistant sur les différentes conceptions de la citoyenneté électorale qui s’étaient affrontées. Les approches de P. Rosanvallon comme de M. Larrère permettent d’inspirer une large réflexion et d’éviter une lecture simpliste de l’évènement de la démocratie politique.

Le sommaire permet d’abord de définir le vote comme le « moment de la transformation de l’individu en citoyen » (p. 2) tout en relevant son importance dans le processus d’ « apprentissage de la citoyenneté et de la démocratie » (p. 2). Puis, le choix d’un découpage chrono-thématique permet de mettre en évidence l’évolution du vote depuis 1789 :

LE VOTE A L’OMBRE DES MONARCHIES CENSITAIRES
LE TEMPS DU SUFFRAGE « UNIVERSEL »
MORALISATION, OUVERTURES ET MODERNISATION : LE LONG CHEMIN DE LA REPUBLIQUE

Cette approche montre comment le modèle de l’élection libre et concurrentielle s’est imposée en France, au grès des luttes entre les partisans d’un suffrage censitaire plus ou moins élargi. Le corps électoral est particulièrement réduit notamment avec la loi Lainé (1817) ou encore durant la monarchie de Juillet (exclusion de plus de 95% des hommes en âge de voter), mais cette période est l’occasion d’un apprentissage du vote, d’une part par la répétitions des scrutins et plus spécifiquement par participation aux « petites urnes » (p. 6) (conseil municipal et officiers de la Garde nationale), ouvertes aux moins fortunés.
Le suffrage universel masculin établi par le décret du 5 mars 1848, porte à 9 millions le nombre d’électeurs. Mais le vote des « classes laborieuses » effraie et une capacité domiciliaire (loi du 31 mai 1850) remplace la condition financière qui prévalait avec le suffrage censitaire. La finalité est identique puisque « un tiers du corps électoral est ainsi privé de son droit » (p. 11). Considéré comme « une dangereuse énigme, imprévisible » (p. 12) ce suffrage universel, qui porte d’ailleurs au pouvoir une majorité monarchiste en février 1871, finit par s’imposer sous la IIIe République. Devenu une « conquête définitive » (p. 13), le vote entame ensuite une phase de moralisation avec l’introduction d’un secret du vote (l’isoloir et l’enveloppe sont adoptés à l’issu de débats entre 1889 et 1913), avec un réglementation qui touche la fraude, l’affichage électoral…
« Conquête définitive » (p. 13), le vote s’ouvre enfin progressivement, aux habitants des colonies les plus anciennes d’abord (1848), aux femmes (1944), aux « indigènes » qui obtiennent le droit de vote dans un collège séparé de celui des colons en 1946 (le double collège n’est supprimé en Algérie qu’en 1958).

Le dossier qui suit, est découpé en cinq thématiques, composées de documents de diverses natures et d’un texte de l’auteure.

LES ELECTEURS
Cette entrée s’intéresse aux acteurs progressivement politisés, et intégrés au corps électoral depuis 1789.
– Les paysans
– Les ouvriers
– Les femmes
– Les étrangers
– Les militaires
– Les jeunes

LE MOMENT DU VOTE
– Le vote en assemblée
– Le vote individuel
– L’isoloir
– L’urne et la carte d’électeur

AVANT ET APRES LE VOTE
Le vote ne correspond en fait qu’à un moment des opérations électorales. Les pratiques électorales sont bien plus large et ce qui se déroule avant comme ce qui se déroule après le vote, est analysé dans cette thématique.
– Les listes électorales
– Le découpage et la carte électorale
– La campagne électorale au XIXe siècle
– La campagne électorale au XXe siècle
– Décompte et publication des résultats

PERTURBATIONS ET DEVIANCES
– Violence symbolique, violence réelle
– L’abstention et ses multiples significations
– Le refus du choix : votes nuls, votes blancs
– La fraude électorale

DES ELECTIONS EMBLEMATIQUES
– 1848 : l’année suffragière
– Le plébiscite impérial
– De « petites » élections
– Une présidentielle sous la Ve République : 1981

 

Article Christelle Teissier