Vous n’aurez pas les enfants reprend le titre d’un tract de la Résistance lyonnaise qui dénonce la tentative de la police française de reprendre 108 enfants juifs exfiltrés du camp de transit de Vénissieux dans la nuit de 28 au 29 août 1942. C’est également le titre d’un ouvrage de l’historienne Valérie Portheret dont est adapté cette bande dessinée, histoire d’un sauvetage administratif, d’un déchirement pour les familles juives vouées à la déportation mais aussi d’une chaîne de solidarité formée par les mouvements de Résistance, l’OSE (Oeuvre de secours aux Enfants Juifs) et un réseau chrétien d’entraide : l’Amitié chrétienne. La Cimade (Comité Intermouvements Auprès Des Evacués), créée en 1939, participe également à ce sauvetage.
C’est avant tout une « lutte de papier » qui est menée par l’étude des textes administratifs notamment de la liste d’exemptions prévues par Vichy : les individus ayant servi dans l’armée française ou ex-alliée et leurs familles, ceux qui ont des enfants ou un conjoint français, les « intransportables », les plus de 60 ans, les femmes enceintes, les pères et mères d’un enfant de moins de 5 ans, ceux qui sont incorporés dans un groupement de travailleurs étrangers, ceux qui se sont démarqués par leurs travaux artistiques, littéraires ou scientifiques, mais aussi les enfants de moins de 18 ans non accompagnés.
Deux hommes mettent au point le stratagème : Gilbert Lesage, chef du Service Social des Etrangers de Vichy, fonctionnaire de Vichy qui peut entrer dans le camp. Il s’est adressé à l’abbé Glasberg, fondateur de l’Amitié chrétienne pour procéder au tri des dossiers en essayant de sauver le maximum de personnes. Ils peuvent s’appuyer sur une oeuvre : ce sera l’Amitié chrétienne, qui mobiliser ses assistantes sociales pour aller chercher des justificatifs dans les consulats. La disposition qui exempte les enfants est annulée, mais Gilbert Lesage subtilise le télégramme qui l’annonce. Les résistants se livrent à une course contre la montre face à la déportation imminente mais aussi à la suppression des critères. La commission de criblage libère un nombre important d’internés, mais l’enjeu est de convaincre les familles qui ne peuvent être exemptés d’abandonner leurs enfants pour leur éviter la déportation. Ils sont confiés à l’Amitié chrétienne et donc sous la protection du cardinal Gerlier, connu comme un proche du maréchal Pétain. Le cardinal écrit une lettre, lue dans toutes les paroisses de son diocèse et au delà, pour dénoncer les déportations. Seuls 3 enfants sont repris et exterminés à Auschwitz. 132 adultes ont été sauvés par la commission de criblage. L’action du docteur Adam, médecin du camp, est aussi mise en valeur. Environ 70 personnes sont sorties du camp de Vénissieux après un passage dans son infirmerie.
Le livre s’achève par une postface de Valérie Portheret qui raconte le déroulement de ses recherches. Illustrée par des photographies d’époque, prises par un travailleur étranger interné au camp et par celles, récentes, de ses rencontres, son récit retrace la longue recherche des sources. Les archives sont aussi largement mises en avant dans le dessin de la bande dessinée, qui reproduit des sources et les intègre dans le dessin. L’ensemble est accessible à des élèves, pour travailler sur la Résistance mais aussi pour comprendre le travail d’historien.