Cet ouvrage est le fruit d’une collaboration entre la région Nouvelle Aquitaine et la région de Fatick au Sénégal dans la cadre du programme PRODETOUR (Programme de développement de l’écotourisme). Il se veut une synthèse des recherches scientifiques menées sur le Sine-Saloum et rédigée par une équipe pluridisciplinaire sous la direction en Aquitaine de Mickaël Augeron, maître de conférence en histoire moderne et contemporaine à l’Université de La Rochelle et Fabrice Bonnifait, conservateur régional de l’inventaire et à Dakar d’Amade Faye, professeur de littérature à l’Université Cheikh Anta Diop et Raphaël Ndiaye, directeur général de la fondation Léopold Sédar Senghor.

Un beau livre, incontournable pour qui veut séjourner au Sine-Saloum et comprendre ses habitants les Seereer.

D’entrée de jeu la question est posée : Quel tourisme pour un développement économique qui irrigue toute la région et en lien avec la réserve internationale de biosphère du delta du Saloum crée en 1981?
Un patrimoine entre préservation et valorisation et développement de l’activité touristique.
Cette région est un vaste espace où les richesses naturelles et culturelles sont nombreuses et en cours de valorisation (écomusée de Diakhao inauguré en 2014). C’est le berceau de la culture seereer ou sérère, j’adopte la transcription sénégalaise comme dans l’ouvrage, riche d’une longue histoire, aujourd’hui assez bien documentée notamment pour la période guelwaar voir Dominique Sarr, L’ombre des Guelwaars, L’Harmattan, 2016, [https://clio-cr.clionautes.org/l-ombre-des-guelwaars-5891.html->https://clio-cr.clionautes.org/l-ombre-des-guelwaars-5891.html].
Cette richesse historique donne lieu à un inventaire patrimonial pour un tourisme culturel à développer même si la dimension « monumentale » habituelle en Europe est ici plus ténue (arbres sacrés, fontaines) et menacée (feux de brousse, urbanisation, changement climatique) mais aussi par la « muséification », la folklorisation des pratiques culturelles.

Entre terre et mer – Les paysages d’hier à aujourd’hui

Cette première partie offre à divers auteurs l’occasion en de courts articles de décrire la géologie et géomorphologie de cette zone côtière basse de l’estuaire du Saloum, d’inventorier les ressources en eaux: fleuves, cours d’eau temporaires, eaux souterraines, de synthétiser les risques et mutations actuelles : salinisation des sols agricoles, érosion côtière, dégradation de la mangrove.
Une place est faite à une ressource ancienne et toujours actuelle: les salines. Les impacts écologiques et socio-culturels de l’évolution des zones humides sont présentés de même que les conséquences du changement climatique à partir de l’exemple de la communauté rurale de Palmarin Facao, une étude de cas potentiel à utiliser en classe.
Les paysages urbains et leur évolution ne sont pas oubliés : Fatick, concurrence sur l’espace agricole en périphérie; Foundiougne, ville portuaire.

Les Seereer : entre mythes, histoires et traditions

Cette région est le berceau du peuple seereer, produit d’une longue histoire qui selon la légende viendrait de l’Est, peut-être même de l’Egypte ancienne.
Cette seconde partie présente la mise en place du peuplement depuis le néolithique avec les vestiges des tumuli coquilliers et de sable, souvent de découverte récente, cette dénomination occidentale est-elle appropriée?
L’existence des cercles mégalithiques invite à découvrir leur interprétation par la tradition seereer.
Une place importante est consacrée à l’islamisation de la région par les Tukulërs : cheminement, épopée d’El Hadji Umar Seydou Tall, opposant à la pénétration française.
L’évocation de Bure Damaan introduit la question de l’initiation traditionnelle, ses rapports à l’histoire et avec l’organisation sociale: autorité royale, guerriers, hommes castes (forgerons, cordonniers…), griots.
Tout un chapitre est consacré aux cinq fonctions du pouvoir spirituel qui rappelle qu’en dépit de l’islamisation ou la christianisation les Seereer, comme d’autres peuples au Sénégal, demeurent très attachés aux traditions animistes qui jouent un grand rôle dans le système agraire et ses rites: rôle des griots, organisation foncière d’hier et d’aujourd’hui Sur ce point on pourra se reporter à la thèse de Paul Pelissier : les paysans du Sénégal, soutenue en 1966 elle est disponible en ligne : [http://data.over-blog-kiwi.com/0/47/01/11/201306/ob_d9ab16_pelissier-les-paysans-du-senegal.pdf->http://data.over-blog-kiwi.com/0/47/01/11/201306/ob_d9ab16_pelissier-les-paysans-du-senegal.pdf].
Quelques pages invitent à une réflexion sur le patrimoine bâti colonial : écoles, édifices religieux, bâtiments administratifs et commerciaux en particulier en lien avec la « mémoire » de la culture de l’arachide.

L’exploitation des ressources régionales

Quatorze courts articles pour tirer un bilan de la riziculture dans la région de Fatick, la question de l’accaparement des terres, la situation et les activités des femmes, les ressources halieutiques côtières, le tourisme et les transports.

Une culture seereer encore bien présente

Il s’agit de percevoir les données fondamentales de la culture : structure communautaire, force de l’initiation, poids de la lignée maternelle et son évolution récente dans le cadre légal contemporain, un sport national très vivant : la lutte, les lieux et moments de la socialisation des jeunes, la place et le rôle de la forêt (religion, pharmacopée), quelques pages botaniques très instructives pour le promeneur.

Un très beau livre, un vrai voyage dans un beau pays, un moment de dépaysement.