Publié dans la collection « le fait guerrier », dirigée par Stéphane Audoin-Rouzeau, ce « journal d’une femme combattante » est un document historique d’un intérêt majeur. Les aventures guerrières de Maria Botchkareva, dite « Yashka », dont les propos avaient été recueillis par un journaliste américain en 1919, puis édités en 1923 en France, avait été depuis oubliées.
Aujourd’hui rééditées, elles apparaissent comme un témoignage exceptionnel dans le cadre du front de l’Est, pendant la Grande guerre. Yashka, femme soldat, créatrice et commandante du premier bataillon féminin de l’armée russe, est un exemple inédit et original d’expérience combattante pendant la première guerre mondiale.Son témoignage, allant de 1914 à 1917,est divisé en trois grandes parties, qui découpent l’ouvrage : « guerre », « révolution » et « terreur ».Le récit débute tout d’abord par l’engagement de Yashka, simple paysanne, abandonnant foyer et mari, par nationalisme et piété, afin de combattre au sein de l’armée russe. Après une incorporation difficile, Yashka s’impose au sein de son bataillon et partage avec ses camarades de tranchée les mêmes expériences de combat et les mêmes difficultés de la vie au front. Elle raconte alors ses actes de bravoure, lui valant honneurs et médailles mais aussi rapporte les violences produites par les gaz, les obus et les baïonnettes qu’elle affronte au combat.

Arrive alors l’année 1917 et le délitement du front de l’Est suite à la révolution de février. Une succession de scènes de guerre surréalistes sont alors évoquées. On assiste aux fraternisations entre soldats russes et allemands autour de verres de vodka ou bien aux meetings politiques pacifistes se tenant au cœur des tranchées, sur la ligne de front. Yashka, elle, atterrée par ce spectacle, veut continuer le combat. Devenue, au front et à l’arrière, une véritable célébrité, elle est alors chargée par l’état-major russe et par Kerensky, ministre de la guerre, de former et diriger un bataillon féminin. Il a pour rôle de montrer l’exemple aux combattants mâles et, par la honte qu’il susciterait chez eux, de les inciter à reprendre le combat.
Cette expérience inédite est cependant un échec lamentable. Le « Bataillon de la mort », exclusivement féminin se fait massacrer au cours de son premier assaut. Au même moment ses soutiens masculins, tenus par des comités révolutionnaires, débattent sur la possibilité ou non d’appuyer le bataillon, réglant la question par le débat et le vote, et laissant leurs camarades féminins se faire canarder.

Ce jusqu’auboutisme transforme Yashka en antibolchévique résolue, et à partir d’octobre 1917, en une antirévolutionnaire, suspecte à surveiller, aux yeux du pouvoir communiste. L’histoire se transforme alors en un récit d’aventures haletant et plein de rebondissements, amenant Yashka à rencontrer les leaders militaires de la contre-révolution, mais aussi à se confronter à Lénine et à Trotsky. Emprisonnée puis libérée, elle gagne finalement péniblement Vladivostok et s’embarque clandestinement vers les États – Unis afin d’y recueillir des fonds et des soutiens pour renverser le pouvoir bolchévique.

Excellemment introduit par Stéphane Audoin -Rouzeau et Nicolas Werth, contestant le caractère « féministe » de l’engagement de Yashka, ce témoignage est un document précieux pour tout collègue désireux de renouveler ses exemples et ses séquences en classe de troisième et surtout de première sur la Grande guerre. Le témoignage de Yashka est en effet une expérience combattante inédite et originale, changeant des exemples habituels tirés des lettres et carnets de nos chers poilus. De longs extraits de cet ouvrage peuvent être utilisés et articulés afin d’évoquer les combats de la première guerre mondiale. Cela permet alors d’établir des liens avec ceux de la seconde guerre mondiale, notamment sur le front de l’Est, où les combattantes russes se confrontent à nouveau à l’armée allemande dans un contexte historique différent, celui d’une guerre d’anéantissement.