Rempart à la crise ? Évolution des centres d’intérêts ? Effet de mode ? Les études liées au genre, à la sexualité ou encore à l’amour intéressent nombre croissant d’auteurs, notamment sous l’angle de l’espace.

La mode est aussi aux Atlas, Autrement l’a bien compris d’ailleurs, mais cette fois l’opus signé Philippe Thureau-Dangin n’entre pas dans le cadrage habituel de la collection mais constitue plutôt une sorte de « beau livre », au format plus grand et aux illustrations plus variées.

Après un planisphère introductif présentant les différentes façons de dire « je t’aime » de par le monde, l’ouvrage entame une partie « Emois » qui nous présente quelques cartes anciennes (la carte de « Tendre » en 1654, le royaume de « coquetterie » en 1654, le royaume « d’amour » en 1777) ou parfois le dit-amour se doit d’être protégé par des forteresses telles celles de Vauban (« les attaques de l’amour », 1730). Mademoiselle de Scudéry, femme de lettres, chef de file du « mouvement précieux » est ici citée comme inspiratrice principale de ces réalisations.

Quelques graphiques colorés complètent cette première partie en y décrivant l’amour comme une « science des sentiments », laquelle pourrait se modéliser à l’image des « étapes de cristallisation » montrant des pics de productivité dans la relation amoureuse.

Dans un deuxième temps, « Chairs » recense les explications biologiques de l’amour, phéromones et stimuli, cartographiant, par exemple, les zones érogènes chez l’homme et la femme dans une géographie des corps…et les différences sont finalement assez minimes…

S’ensuit un peu de démographie avec le comparatif de la taille du pénis selon le pourcentage de la population mondiale. Et si les chercheurs de cette étude montrent que, comparativement à d’autres espèces animales, l’homme est plutôt bien pourvu en proportion de la taille globale de son corps, d’autres scientifiques italiens précisent que le dit-engin aurait perdu 1 cm en 50 ans alors que, dans le même temps, les bras et les pieds devenaient plus grands ! Inversement, les poitrines de ces dames auraient gagné en volume…mais la chirurgie est ici de la partie.

Pour les historiens, on précisera que le premier godemiché daterait de 28000 avant J-C et aurait été taillé dans de la pierre polie…et qu’aujourd’hui, on n’arrête pas le progrès, on pourrait même activer les vibromasseurs à distance via son smartphone.

La troisième partie, « Carrières », retrace divers itinéraires cartographiques connus ou méconnus : des conquêtes méditerranéennes de Zeus (fussent-elles avec des déesses, des nymphes ou de simples mortelles) aux séductrices plus récentes comme Mata Hari ou Sarah Bernhart (et puis Hollywood…) en passant par les pérégrinations de Casanova ou encore Lola Montez. Sous forme de « schéma réticulaire », l’auteur expose le réseau des courtisanes du Second Empire à la Belle Epoque et, sous forme de graphique circulaire, il détaille la couleur de peau de 5000 actrice de cinéma porno (70% sont blanches).

La quatrième partie, « Conjugaisons » présente les théories et analyses des nombreuses combinaisons de l’aimer, duo en tête de file. Ici, de sont plutôt des photographies qui sont mobilisées ou encore des gravures anciennes (scènes érotiques des fresques romaines), des affiches de film (Anna Karenine), voire quelques graphiques dont celui des droits des homosexuels aux Etats-Unis par état.

Enfin, dans un cinquième volet « Passions », Philippe Thureau-Dangin tente d’expliquer comme l’amour peut devenir fou ou plutôt comment il se voit utilisé, manipulé pour arriver à diverses fins. Des rites de passage (maquillage, habillement) semblent incontournables mais l’on dévie parfois assez vite vers la chirurgie (injections de Botox ou encore implants mammaires – sympathiques graphiques, au passage, représentant les injections par des seringues et les cercles démographiques des femmes ayant reçu des implants par des seins). La carte des produits aphrodisiaques semble équilibrée mondialement et d’inspiration plutôt végétale même si certains recourent à la corne de rhinocéros, voire au pénis de cerf. D’autres formes d’art terminent l’ouvrage (inventaire des chansons d’amour des années 30 à aujourd’hui ou calculs de l’occurrence des mots relatifs à l’amour dans quelques grands romans classiques).

Au final, un voyage détendant et somme toute complet dans ce mystérieux univers de l’amour. Les thèmes abordés sont nombreux et les illustrations de qualité. Toutefois, on pourra reprocher, outre une certaine banalisation du concept d’atlas qui finalement se rapproche parfois autant du dictionnaire et de l’encyclopédie et autorise les auteurs à ne pas toujours proposer des sujets relatifs à l’espace, une convocation un peu trop systématique des documents de l’atlas mondial des sexualités paru il y a peu : 9 graphiques et cartes y sont prélevés, ce qui constitue tout de même un gros chiffre pour un ouvrage d’un peu plus de 100 pages seulement. Certes le sujet apparait récent et peu étudié mais où pourra s’interroger sur la stratégie de l’éditeur sur cette question : n’y-a-t-il pas comme une petite redite ?