Toute la mer en un seul volume : une histoire millénaire qui relie environnement, hommes et animaux. Telle est l’accroche proposée par l’éditeur pour ce livre de plus de 500 pages. Les entrées sont multiples et entrainent le lecteur dans un tourbillon d’informations. L’auteur déroule son livre autour de la chronologie mais il insère au fur et à mesure des éclairages thématiques ou des approches sur des produits de la mer.

Alessandro Vanoli est historien, spécialiste de l’histoire méditerranéenne. Il a enseigné à l’université de Bologne et à l’université d’Etat de Milan. Plusieurs de ses livres ont connu le succès en Italie.

Géologie, milieux

L’auteur prend le temps de s’arrêter sur cet aspect car c’est un commencement très lent. Il évoque la Pangée et rappelle aussi que marcher dans les Alpes, c’est en réalité marcher sur le fond d’une mer tropicale vieille d’au moins 200 millions d’années. Il donne quelques fondamentaux comme le fait que les mers représentent 71 % du globe ou l’existence des dorsales sous marines. Cet espace ne peut se comprendre sans tenir compte de la salinité, de la température et de la pression. Arrivés à mille mètres de profondeur, l’eau autour de nous est d’un noir dense et impénétrable.

Quand l’homme rencontra la mer

Alessandro Vanoli évoque les Lapitas qui se lancèrent à la conquête du Pacifique. Les moyens de déplacement étaient alors très sommaires. Les archéologues ont démontré qu’au moins 40 000 ans avant J-C les Néandertaliens se nourrissaient de poissons et de fruits de mer pêchés dans l’Atlantique et la Méditerranée. On enchaine avec l’incontournable Odyssée, appelé le premier grand poème de la mer. L’auteur souligne le fait que de nombreuses civilisations, dans des contextes différents, possèdent des récits de déluge. Plus tard, la Méditerranée est devenue un espace romain où de nombreux produits circulaient dont le vin ou le garum.

Commerce, guerres et richesses de la mer

L’auteur évoque les rapports entre l’Islam et la mer et, fidèle à sa méthode, s’arrête parfois sur certains points comme le corail. C’est un bon exemple de l’équilibre subtil de la mer et du risque qu’il y a à abuser de ses dons. Les ports se différencient entre de simples débarcadères et des lieux devenus des villes. Il évoque évidemment les républiques maritimes dont Venise. Côté matériel, l’ouvrage évoque les portulans ou les roses des vents. La mer reste un lieu dangereux peuplé de monstres terribles. Le chapitre insiste aussi sur l’importance des Vikings mais aussi de la morue ou du hareng. Il faut se souvenir aussi que les bateaux qui empruntaient les routes de l’Océan Indien étaient très variés. Zheng He n’est pas oublié et, après lui, la Chine se détourna de la mer.

Les routes de l’Atlantique

L’ouverture de nouvelles routes atlantiques entraina l’adoption de nouvelles méthodes de navigation et de nouveaux navires mieux adaptés à l’océan. La mer ne fut plus pour les Européens une barrière mais une route. En quelques décennies, cette route allait changer le monde. L’auteur évoque les grands attendus comme le traité de Tordesillas, la découverte du Brésil ou l’importance de la Casa de Contratacion, héritière directe des maisons de commerce méditerranéennes. D’autres entrées portent sur les guerres et pirates en Extrême-Orient ou sur les rapports entre les Ottomans et la mer. Parmi les entrées originales un arrêt sur les perles ou encore sur le poulpe ! Reprenant le fil chronologique on voit apparaitre la puissance des Pays-Bas. Anvers était devenue au cours de la première moitié du XVI ème siècle la véritable capitale de l’Atlantique et, à partir de 1602, la Compagnie des Indes orientales devint le bras officiel du gouvernement des Provinces-Unies dans les Indes orientales. Peu après, Grotius tente en 1609 de régler l’épineuse question de savoir à qui appartient la mer. Le chapitre se poursuit avec l’évocation des guerres sur mer ou l’importance de la traite des esclaves. Alessandro Vanoli s’intéresse aussi à la mer dans la littérature moderne et contemporaine. Le récit entraine ensuite le lecteur sur les traces de James Cook ou relate la mutinerie du Bounty.

La possession de la mer

Aristote ne connaissait que 115 poissons et, pendant dix-huit siècles, cela suffit tout à fait. L’auteur narre la recherche du passage du Nord Ouest ainsi que la destinée tragique du bateau « L’Erebus ». Le roman « Moby Dick » incarne la mer comme frontière et défi à la nature. La connaissance de la mer et des océans se poursuit avec la pose des premiers câbles sous-marins vers 1850. Les bateaux sont désormais pour certains à vapeur. Il faut organiser un trafic qui s’intensifie d’où l’initiative britannique de 1857 de mettre en place des pavillons correspondant à des signaux codés. Le XIX ème siècle fut aussi le grand siècle des phares puis vient le temps des canaux incarnés notamment par Suez ou par Panama. L’océan devient également le symbole des grandes migrations de population. Il y a évidemment une entrée consacrée au Titanic ainsi qu’aux navires de guerre durant le premier conflit mondial. A l’époque, la marine conserve surtout un rôle de ravitaillement. Le récit enchaine sur le second conflit mondial et débouche sur l’importance des conteneurs.

La mer redécouverte

Le chapitre aborde l’océanographie et l’exploration des profondeurs. Celles-ci restent un mystère dont on n’a exploré que 5 %. Alessandro Vanoli en profite pour régler son compte au triangle des Bermudes et s’arrête sur le phénomène des vacances à la mer. Ce fut en Provence et en Côte d’Azur que naquirent les vacances d’été. Reprenant le fil de l’art, l’auteur montre aussi comment et par qui la mer fut peinte. Elle devient aussi le lieu du sport comme avec la Coupe de l’America créée en 1851. La question actuelle des migrants est abordée et notamment la localisation des trois routes actuelles en lien avec la Méditerranée.

La mer menacée

La Chine a désormais bâti une stratégie axée sur les océans, comme un tremplin vers l’économie mondiale. C’est le moment de faire le point sur quelques noeuds stratégiques actuels comme le détroit de Malacca qui sépare l’océan Indien de l’océan Pacifique. L’auteur insiste sur le fait que la mer est en danger. Elle a absorbé et absorbe trop de chaleur. Le problème de l’exploitation intensive des stocks de poissons ne concerne pas seulement les espèces d’intérêt commercial majeur. Dans la seule Méditerranée, le pourcentage de poissons rejetés est de 70 % ! Il faut également ajouter à ce triste tableau la question du plastique. L’auteur conclut son ouvrage par une bibliographie commentée pour orienter le lecteur selon ses centres d’intérêt.

Après 500 pages, le lecteur arrive à quai après avoir traversé moults époques et sillonné de nombreux lieux sur la planète. L’auteur a l’intelligence de ménager quelques haltes sous formes d’entrées consacrées à des produits tout en n’oubliant pas les grands attendus sur un tel sujet. Une synthèse utile et qui pourra servir également dans le cadre du thème de géographie de terminale sur les mers et les océans.