Destiné aux étudiants et élèves qui préparent les concours et examens d’entrée aux instituts d’études politiques, cet ouvrage est largement utilisable par tous les publics qui ont besoin d’une approche rapide des relations internationales, récente et facile d’accès.
Les deux auteurs sont également des prescripteurs, puisqu’ils enseignent tous les deux dans des établissements où les sujets de relations internationales interviennent largement dans les cursus.
Comme la plupart des ouvrages de la collection, publiés chez un éditeur dont le catalogue est largement fourni de manuels et autres précis, les Relations internationales de Justine Faure et Yannick Prost se présente comme un gros volume que l’on peut lire éventuellement de façon linéaire, mais surtout destiné à la consultation ponctuelle.
Divisé en trois parties de taille quasiment identique, l’ouvrage est parfaitement documenté et répond largement aux attentes du public. Il souffre pourtant de l’absence de cartes plus précises permettant de localiser les espaces conflictuels actuels, souvent mouvants, et parfois mal situés. On y trouve toutefois des cartes générales également utiles.

Première partie

L’histoire des relations internationales de 1918 à nos jours

Cette première partie se présente comme un manuel de base, autonome du reste, sur l’histoire des relations internationales depuis 1918. Elle a vocation à se substituer aux grands classiques du genre, comme l’ histoires diplomatiques de Jean-Baptiste Duroselle, dont l’aspect austère fait souvent fuir les étudiants. La conceptions des relations internationales que les deux auteurs développent est tout à fait classique. Ils appartiennent à cette école réaliste qui a formé des générations de diplomates, de politologues et d’historiens. Cela est tout à fait compréhensible d’ailleurs, même si, pour l’histoire de la guerre froide par exemple, un renouvellement de la problématique aurait gagné à être intégré.

L’analyse de l’aventurisme soviétique au moment de la crise de Cuba aurait pu être examiné sous un angle différent, celui des contradictions internes de la nomenklatura conduisant Khrouchtchev à une impasse, que l’on peut également interpréter comme une victoire. Cuba reste aux portes des États-Unis comme une base au cœur de l’hémisphère américain.

Ces remarques qui ne sont absolument pas rédhibitoires visent surtout à montrer la difficile actualisation des concepts et des connaissances sur ces aspects de la guerre froide. Les archives soviétiques ont été largement ouvertes pour ne pas dire pillées et révèlent leurs lots de secrets. Pour en revenir à cette crise de Cuba, la révélation des informations croisées sur la méconnaissance réciproque des intentions des uns et des autres modifie forcément notre perceptions des événements. En effet Kennedy pensait que les missiles soviétiques n’étaient pas encore opérationnels et les soviétiques avaient déployé sur la zone du blocus trois sous marins dotés de torpilles nucléaires, dont la mise en œuvre ne pouvait dépendre que des commandants et de leur sang froid.

Chaque épisode de l’histoire générale des relations internationales est toutefois remis en perspective, de façon précise, y compris du point de vue de l’historiographie ce qui ne peut qu’ouvrir des pistes de réflexions aux lecteurs, si toutefois les enjeux des concours, leur en laissent le loisir.

La conclusion provisoire de cette partie est laissée à Raymond Aron : nous avons perdu le goût des prophéties, n’oublions pas le devoir d’espérance. Cette référence obligée à l’adversaire de Sartre très à la mode aujourd’hui ne s’imposait peut-être pas, même si la citation de cet auteur de référence fait partie du bagage minimum de tout candidat qui souhaite napper sa copie ou son intervention orale d’une dose de culture aux références devenues consensuelles.

Deuxième partie

Les questions régionales

Divisée en cinq grandes régions, cette partie fait le point des événements qui conduisent à une situation sans cesse mouvante et évolutive. La difficulté de l’exercice est évidente, avec le risque de voir l’actualité démentir les analyses proposées au moment de la rédaction de l’ouvrage. Il est évident que la possibilité d’un Non français au référendum sur la constitution européenne risque de remettre en cause le relatif optimisme qui traverse ce chapitre sur l’émergence d’une politique étrangère et de sécurité commune.

Sur cet aspect aussi, l’approche est également très classique, l’Europe est envisagée du point de vue franco-français ou européen, pas assez sans doute, du point de vue extérieur au continent. Après tout, que pensent nos partenaires d’autres pôles de puissance comme l’hémisphère américain ou l’Asie orientale des vicissitudes de la construction européenne ? Cet éclairage ne serait pourtant pas inutile aujourd’hui.

Sur le monde musulman, la perception est également classique mais suscite de ce fait une forme d’interrogation. Cette communauté des croyants, cette Umma fantasmée des islamistes actuels a-t-elle existé ? Le fait de traiter en tant que question régionale le monde arabo-musulman est-il vraiment pertinent ? Les différences ne l’emportent-elles pas sur les points communs dans cette écharpe verte qui entoure la planète au niveau des zones tropicales et subtropicales de l’hémisphère nord et qui marquent l’imaginaire ?

Pour autant, la présentation du conflit israélo-arabe est tout à fait utile, et surtout facilement accessible à des non spécialistes.
Les autres questions régionales sont également traitées avec peut-être un oubli. l’Asie Centrale aurait pu s’ajouter à la Région Asie Pacifique traitée de façon un peu dispersée.

Troisième partie

Les grands enjeux

Le choix des grands enjeux présentés ici obéit largement aux programmes des instituts de préparations aux grandes écoles, (Prépa-Ena). Pour autant, cette partie est extrêmement utile et ouvre de nombreuses pistes. Les limites de l’ouvrage apparaissent sans doute de ce fait. La complexité des questions soulevées, dans la partie consacrée au droit international ( droit de la mer, voies d’eau internationales par exemple), rend l’exercice de synthèse extrêmement difficile.

Il l’est d’ailleurs autant pour les auteurs que pour les candidats aux oraux de « questions internationales » pour le concours de l’ENA.

Sur les questions du droit international, les auteurs se situent clairement dans l’optique réaliste ce qui est en effet l’approche dominante, pour autant, des conceptions comme celles de Susan George ou James Rosenau sur la gouvernance mondiale auraient pu être d’avantage évoquées, d’autant qu’elles influencent largement des pans entiers d’autres questions de cette troisième partie de l’ouvrage, comme l’économie internationale, (chapitre 17).

Parmi les enjeux transversaux, le choix des thèmes est intéressant, comme les questions d’environnement, le pétrole ou la criminalité internationale, mais également, et ce n’est pas inutile aujourd’hui, la santé.
Sans doute une réflexion plus globale sur les enjeux de la financiarisation de l’économie aurait pu être traitée en tant que telle, dans la mesure où les enjeux sont devenu majeurs, eu égard aux conséquences qu’ils peuvent avoir sur
l’économie mondiale.

Ouvrage utile, et dont les approches sont très classiques du point de vue des problématiques et des débats en cours dans le domaine mouvant des relations internationales cette somme a toutes les chances de figurer en bonne place dans les bibliographies des concours.

Bruno Modica, copyright clionautes.