Alexandre Sumpf est maître de conférences à l’université de Strasbourg. Il est également l’auteur de De Lénine à Gagarine. Une histoire sociale de l’Union soviétique, de Révolutions russes au cinéma. Naissance d’une nation, URSS 1917-1985 et d’une biographie remarquée de Raspoutine.

Dans cet ouvrage, cet historien met en valeur toutes les composantes des révolutions russes de 1917 ainsi que tous les acteurs. Il veut mettre en avant le peuple, grâce à de sources inédites notamment cinématographiques. Ce livre est composé de 3 parties.

Première partie Petrograd, creuset de la révolution
La révolution russe se déroule à Petrograd et uniquement dans la capitale. L’historien relate les années entre 1905 et la Grande Guerre puis l’entrée en guerre et la dégradation de l’image de la famille du tsar. Le tsar s’expose dès 1915 de plus en plus à la presse, à la vue de tous. L’historien retrace fidèlement les événements qui ont conduit à l’abdication de Nicolas II. La confirmation de la mort du tsar et de sa famille ne crée pas l’émoi dans ce contexte de guerre civile et de lutte pour le retour au régime issu de Février.
Petrograd est un personnage à part entière de la révolution. L’historien expose le décor politique et symbolique de la ville lors de la révolution. Les ouvriers de Petrograd deviennent des acteurs nouveaux politiques. La révolution de Février a d’abord été forgée par les ouvriers, qui tirent leur légitimité révolutionnaire d’un long cycle de grèves et de luttes. Les grèves de 1917 ne sont pas le fait d’une avant-garde conscientisée, mais un phénomène de masse. La protestation des ouvriers se démocratise.
L’historien nous expose les conséquences politiques de la révolution de Février : une amnistie générale de tous les révolutionnaires mais aussi la recomposition des classes politiques et des partis. En 1917, y a-t-il un double voire un triple pouvoir ? Cette année est celle d’un gouvernement provisoire de plus en plus conservateur et dictatorial, d’un Soviet de moins en moins socialiste, de relations fluctuantes entre les responsables politiques et leur base, entre les partis et le peuple.

Seconde partie Les révolutions du peuple russe
Il coexiste, dans la Russie de 1917, une révolution officielle et des mouvements révolutionnaires épars, souterrains, spontanés. Hors de Petrograd, le peuple russe continue la révolution tandis que le Gouvernement provisoire applique son programme de libéralisation citoyenne. Pour accompagner cette démocratisation accélérée est mise en œuvre une propagande importante qui ne date pas de février 1917. La projection du film en plein air est une initiative originale pour diffuser les idées de la révolution. Cette démocratisation passe par une année d’élections donc par la diffusion de nouveaux droits pour les Russes.
La population ouvrière et paysanne a pratiqué la démocratie imaginée par la capitale mais construit sa propre politique fondée sur l’égalitarisme. Ce rêve égalitaire est issu de l’expérience collective marquée par la solidarité de classe contre le patronat et inspirée par des pratiques ou grands textes. Quelle égalité pour les femmes par exemple ? La guerre a contraint les femmes à faire massivement leur entrée sur le marché du travail et à s’investir dans les affaires publiques. 6000 femmes s’engagent en tant que combattantes dans les unités spéciales de l’armée, ce qui dénote avec les nations belligérantes. La recherche de toutes les forces disponibles permet aux femmes d’avoir un peu plus de droits aux femmes. Cependant, elles ne rentrent pas au Soviet. La cause féminine progresse mais le statut social des femmes non. Les ouvriers, quant à eux, ne sont pas instrumentalisés par les bolcheviks mais ceux-ci ont dû composer avec. Composer avec les paysans n’a pas été une tâche facile. En 1917, les paysans ont participé aux révolutions mais ne sont pas dominés par les autorités de l’époque.
Le rôle de l’armée dans la révolution n’est pas homogène. Au plus haut niveau de l’état-major, se répand l’idée qu’il faut, dès 1916, changer de monarque. Certains sont indifférents, d’autres résistent en petit nombre, d’autres participent. L’Armée rouge est créée le 23 février 1918.

Troisième partie L’empire entre révolution et guerre civile
Les provinces réagissent différemment aux révolutions issues de Petrograd, en fonction de l’histoire locale, de la proximité de la capitale. En février 1917, suite à une crise alimentaire importante en 1916, la vague révolutionnaire se diffuse rapidement sur le territoire russe par les villes. Les pouvoirs locaux réagissent aux événements, de prime abord, de façon passive et seuls des petits groupes se manifestent, tels que les partis politiques. Mais, l’écart se creuse entre les pouvoirs locaux et le Gouvernement provisoire. Ce n’est pas un prompt succès du bolchévisme.
La Russie tsariste est composée d’une multitude de nationalités et de quasi-Etats indépendants (tels que le duché de Finlande). La Grande Guerre pèse lourdement sur l’équilibre impérial. Dès 1914, l’armée décide d’expulser les Juifs et l’historien détaille les différentes prises de décisions et les relations entre les différentes communautés et les révolutions de 1917. Il termine son ouvrage sur les événements de 1917 à 1921.

Conclusion:
C’est un excellent ouvrage pour qui cherche une nouvelle approche pour comprendre les révolutions en Russie en 1917.