Tania Lévy est diplômée de l’École du Louvre. Après sa thèse à Paris-Sorbonne, sous la direction de Fabienne Joubert, qui signe ici la préface, elle est aujourd’hui maîtresse de conférences en histoire de l’art moderne à l’université de Bretagne Occidentale, elle poursuit ses réflexions sur la peinture de la Renaissance, les arts éphémères et les fêtes.

L’auteur montre comment le développement économique de Lyon à la fin du Moyen Age a permis, au-delà du plus connu Jean Perréal, à des artistes de trouver des mécènes et une audience plus large que la cité. Elle replace les œuvres dans leur contexte économique et social.

Les nombreuses illustrations: vitraux, enluminures, peintures permettent de se familiariser avec les œuvres des peintres lyonnais.


Dans l’introduction l’auteure rappelle l’historiographie de l’histoire lyonnaise tant sur le plan économique, social que pour l’histoire des arts et constate les lacunes pour la période de la fin du XVe siècle.

Les peintres : pratiques artistiques et pratiques sociales

Cette première partie est une présentation du milieu professionnel des peintres, enlumineurs et verriers. L’étude, malgré les lacunes de la documentation, aborde la question de la transmission des savoirs, l’apprentissage dont sait peu de chose en dehors des » Statuts » de 1496 qui traient surtout des conditions de réalisation des œuvres. Si on ne constate pas de lignées d’artistes il semble que la ville attire malgré tout grâce à son activité économique, les foires et sa situation aux confins du Royaume et de l’Empire.
L’auteure dresse un portrait économique et social de la profession : niveau d’imposition, réseaux professionnels, faible représentation dans les fonctions municipales.

Parmi ses artistes on note la présence d’une communauté italienne mais aussi flamande.

Une place particulière est faite au plus connu des peintres lyonnais : Jean Perréal témoin des relations entre les peintres de la cité et Paris ou la Bresse, avec l’Italie (Milan 1501-1502), son rôle dans les « Entrées » [Les entrées solennelles sont des manifestations publiques festives ayant lieu lorsqu’un personnage important, un roi, fait son entrée dans la ville. Elles sont l’occasion de fêtes et de démonstrations symboliques de respect et de fidélité.]
Ce personnage est comme le prototype de la carrière des peintres lyonnais souvent appelés à exercer leur activité hors de la ville « de l’Auvergne au Dauphiné, de la Savoie à la Lorraine « (p. 54).
L’auteure présente quelques œuvres attribuées aux artistes lyonnais même si de nombreuses incertitudes demeurent.

Les commanditaires : notables, consuls, chanoines et rois de France

Tania Lévy consacre un chapitre aux commandes privées des bourgeois et marchands. A la suite des travaux d’Élisabeth Burin elle montre la place des enluminures commandées par les érudits comme Pierre Sala ou Symphorien Champier alors même que la ville a accueilli de façon précoce l’imprimerie dès 1470. Elle présente l’activité de trois ateliers : celui de Guillaume Lambert, celui des maîtres des Alarmes de Mars ou l’atelier de Guillaume II Le Roy.
L’étude porte ensuite sur les vitraux : Brou, St Martin D’Estréaux, St Jean-Baptiste de L’Arbresle.

Les commandes publiques sont celles du Consulat pour l’hôtel de ville ou lors de cérémonies publiques.
Le clergé de la cathédrale est également l’auteur de nombreuses commandes : vitraux ou peintures sur bois. L’auteure montre notamment le travail de Laurent Girardin ou de Jean Prévost sur les vitraux et aussi les bannières de la cathédrale. Elle étudie le rôle modeste de mécène des archevêques Charles II de Bourbon et André d’Espinay. Elle présente les réalisations de l’église St Nizier de Lyon.
Enfin un chapitre (pp. 137-147) est consacré aux relations entre Lyon, les rois et les peintres. La présence à plusieurs reprises du roi et sa cour est l’occasion de diverses œuvres. L’auteur montre à ce sujet les relations avec les seigneurs de Moulins, Pierre de Bourbon et Anne de France pour les « Entrées royales ».

La ville en fête

Les cérémonies bien documentées dans les archives et les œuvres commandées à cette occasion permettent de se faire une bonne idée de ces manifestations : thèmes, formes (tournois, feux de joie, théâtre). L’auteure montre le caractère double des Entrées : cérémonies à la fois royales et urbaines. Elle présente ce que l’on peut connaître des donneurs d’ordre, des artistes (tâches et salaires) et des thèmes représentés pour le roi : fleurs de lys, arbre de Jessé, représentations de Clovis ou d’Hercule et pour la ville : lion, les vertus mais aussi la cité elle-même.
Ces cérémonies avaient un caractère éphémère et pourtant de nombreuses traces existent comme les manuscrits d’entrées, objets de prestige comme celui de 1515 pour l’entrée de François Ier analysé ici en détail.

Un livre savant sur un corpus d’œuvres peu connues.