De cet essai, il ne faut point attendre de révélations fracassantes mais l’historien nous invite à suivre au jour le jour, heure par heure les soubresauts des derniers échanges, des dernières négociations entre les futurs belligérants. Qu’elles soient directes et officielles ou indirectes et avalisées par les gouvernements à l’instar des initiatives prises par Birger Dahlerus, un suédois, homme d’affaires devenu durant quelques jours un intermédiaire entre Hermann Göring et le Royaume-Uni, toutes étaient porteuses d’espoirs.
Mais lesquels? Espoir d’éviter la guerre pour Britanniques, Français et bien entendu Polonais; espoir d’une guerre localisée pour l’Allemagne qui la verrait aux prises avec le voisin Polonais, sans avoir à affronter les Occidentaux, et pour crever définitivement l’abscès versaillais.
Espoirs certes mais d’une maigreur qui n’a d’égale que la quasi-certitude britannique et française, depuis Munich en septembre 38 et surtout l’absorption de la défunte Tchécoslovaquie, de l’impossibilité de réfréner les envies belliqueuses du Führer.
Espoirs vains par l’intransigeance des différents protagonistes: une Allemagne désirant en découdre pour « reprendre sa marche vers l’Est », une Pologne refusant toute remise en cause de son intégrité territoriale, un Royaume-Uni et une France réaffirmant à plusieurs reprises la garantie donnée à la Pologne.
Tout semblait donc écrit. Mais à la lecture du récit que Richard Overy fait de ces derniers jours interminables et intenses en émotions, on surprend les regains d’enthousiasme et les déceptions se succédant à grande vitesse: enthousiasme devant la possibilité entrevue d’un accord avec Hitler les 27-28-29 août, espérance soutenue par des rapports d’origines diverses et variées; en effet, Hitler n’avait-il pas ajourné une première fois l’invasion de la Pologne le 25 août!
Déception immense et colère de Neville Henderson, ambassadeur anglais à Berlin, devant les 16 irrecevables points martelés par Ribbentrop au soir du 30 août qui sonnèrent comme une fin de jeu.
Le corps des négociations encore chaud, les troupes de la Wehrmacht occupèrent leurs positions de départ, choisies dans le plan blanc, suite à la publication de la « directive n°1 pour la conduite de la guerre ».
A 4h45, l’Allemagne lançait ses troupes contre la Pologne prétextant l’attaque d’un émetteur radio à Gleiwitz. Ce ne fut que trois heures plus tard que la nouvelle parvint à Londres. Il fallut attendre Le 3 septembre, 11 heures pour que le Royaume-Uni, puis bientôt la France, déclara la guerre à l’Allemagne. Pourquoi un tel laps de temps? Les franco-anglais eurent-ils dans l’idée d’abandonner la Pologne? Il semble que non selon l’auteur et qu’il faille envisager d’autres explications parmi lesquels la vérification de la réalité de l’invasion, les délais sollicités par les militaires français pour évacuer les régions situées en zones de guerre, l’idée soumise par Mussolini d’une conférence de la dernière chance, la rédaction et l’envoi de l’ultimatum à l’Allemagne, l’attente de la réponse.
En tous les cas, Richard Overy n’envisage pas la responsabilité de Chamberlain et de Daladier chez qui il ne détecte pas de volonté de retarder l’échéance de la guerre mais plutôt la volonté d’exploiter jusqu’à la dernière minute l’option diplomatique. Peut-être, peut-on leur reprocher d’avoir trop crû les rapports leur signalant un affaiblissement de la position de Hitler au sein de son parti, auprès de l’armée et de la population.
Une fois la guerre déclarée, il ne se passa …rien du côté des occidentaux du moins rien qui put venir en aide à une Pologne débordée par les premières flèches de la blitzkrieg.
Le compte-rendu de ces journées de l’été 39 n’omet pas une mise en perpective des évènements rappelant ici la situation de Dantzig, là la conférence de Munich, le pacte germano-soviétique.
De même, si cette histoire est celles des décideurs, une histoire par le haut, et qu’elle nous permet d’entrapercevoir les processus décisionnels des diplomaties et des dirigeants (mais en bien moins volumineux que ce que Ian Kershaw a entrepris dans « Choix fatidiques, dix décisions qui ont changé le monde »), elle laisse apparaître au second plan, furtivement, les millions d’hommes et de femmes qui furent jetés dans une nouvelle guerre mondiale: les premières troupes mobilisées, la foule acclamant Chamberlain après la déclaration de guerre, ce soldat allemand signifiant à son camarade de chambrée le 28 que »dans une semaine, on est à Varsovie puis c’est le tour de l’Est », les réflexions d’une anglaise imaginant ses amis morts, le départ des personnels d’ambassade signe de la « continuation de la politique par d’autres moyens ».
De lecture aisée et rapide, ce livre court mais dense ravira le passionné de ces moments qui virent le monde basculer dans une nouvelle guerre, suite à la décision d’Adolf Hitler d’attaquer la Pologne, malgré les soutiens britannique et français. Peut-être est-ce là d’ailleurs La décision qui a changé le monde au XXème siècle.
Copyright Clionautes