La musique a aussi sa géographie puisqu’elle se déploie dans un espace. Elle habite les lieux par l’ambiance qu’elle y crée. L’espace vécu d’une personne est aussi faite de lieux qui peuvent être marqués par la musique. Car la musique est partout. Elle a connu une sacrée « révolution » depuis l’époque de la partition jouée pour un cénacle aristocratique à sa diffusion sous forme enregistrée fin XIXème siècle jusqu’aux fichiers Mp3 aujourd’hui dématérialisés qui ont remplacé les mélodies populaires fredonnées. « Les musiciens s’intéressent à l’espace. Car la musique n’est pas qu’un objet esthétique, c’est la rencontre de personnes, de styles, d’instruments, de lieux, d’imaginaires. Elle nous parle de diffusion, de brassages, d’identités, de pouvoirs et d’émotions. » rappelle Claire Guiu (page 24). Olivier Lazzarotti ou Christian Montès, dans leurs travaux, insistent sur l’importance de la mobilité des musiciens et des compositeurs dans la création musicale. Philippe Bourdeau développe une étude de cas de cette mobilité autour de l’exemple de la tournée des Rolling Stones. La mondialisation musicale ne date pas d’aujourd’hui. Yves Raibaud montre comment les premières civilisations ont diffusé ce mode d’expression à travers la circulation des instruments. Aujourd’hui, la circulation s’intensifie.
Les interactions entre lieux et musique sont nombreuses. Les lieux influencent la création par la combinaison de logiques sociales et spatiales qu’ils créent. La musique participe au développement des territoires. C’est ainsi que Boris Grésillon montre dans un article consacré à Berlin que la division de la ville pendant la guerre froide a paradoxalement doté la ville d’un panel varié d’institutions nées dans le contexte de la rivalité Ouest / Est. Cette foison participe aujourd’hui à l’effervescence culturelle musicale de la ville.
La ville est un objet d’étude sonore à part entière. Le bruit n’est pas le même d’une ville à une autre. La recherche sur la qualité sonore des villes s’est développée à Grenoble depuis 1979 (voir les articles de Jean-François Augoyard et d’Henry Torgue) dans une approche interdisciplinaire « Sonorité, sociabilité, urbanité ».
La fête a une place centrale dans la géographie de la musique. Guy Di Méo et Marie Pendaux s’accordent pour montrer que la fête célèbre des lieux de vie. Le bal a participé à la structuration de l’espace local et à la construction de communautés. Pour le compositeur, metteur en scène et chercheur Pierre – Alain Jaffrennon comme pour les musiciens, l’espace est source d’inspiration, l’architecture et le paysage ses complices. La ville est un champ d’expérimentation. Cela va au-delà de l’investissement des lieux musicaux (salles de concert) par les artistes. Il suffit de penser aux rues et places envahies par la Love Parade.
La thématique musicale n’est toutefois pas développée tout au long du volume. Une trentaine de pages est consacrée à des thématiques variées telles le renouveau constaté des armoiries régionales à travers les nouvelles plaques minéralogiques ou Singapour comme modèle de réussite économique. Les fidèles lecteurs de la revue retrouveront les rubriques habituelles : la chronique gastronomique de Jean-Robert Pitte qui s’en prend, cette fois-ci, aux gargotes provençales « Evitez à tout prix le vieux village des Baux, triste amas de médiocres mangeries et de boutiquiers qui sont à la Provence ce que Mireille Mathieu est à Edith Piaf. » ; le billet d’humeur de Sylvie Brunel consacré aux biocarburants et à leur vertu. Un petit nouveau rejoint l’équipe : Sylvain Kahn. Le père de « Planète Terre » est beaucoup moins corrosif que les deux précédents. Nouveauté de l’exercice ou prudence de mise pour l’article qui ouvre la revue ? Les numéros prochains permettront d’en juger.
Un numéro à conseiller aux géographes, aux musiciens et aux historiens de l’art qui tous peuvent faire leur la phrase de John Cage : « Quand je veux écouter de la musique, j’ouvre la fenêtre. »
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