La première guerre mondiale a transformé le monde. Les empires européens sont tombés, les populations ont été marquées en profondeur. Cent ans après l’armistice, cette exposition « A l’Est, la guerre n’est pas finie, 1918 – 1923 », rappelle ce passé tragique. Grâce à 250 œuvres commentées issues de 15 pays, ce catalogue propose de redécouvrir cette période méconnue et de comprendre comment se sont recomposés les territoires après le premier conflit mondial.

Cet ouvrage se compose de quatre parties :  une série de 14 articles de grands spécialistes à la fois thématiques et géographiques, un atlas de 25 pays touchés par les conséquences de la Grande Guerre, ce qui nous permet de comprendre l’évolution des frontières à l’Est de 1918 à 1923, une série de portraits de protagonistes influents et enfin le commentaire du parcours de l’exposition avec les documents largement commentés.

I) La dissolution des empires

Quatre grands empires dominent l’Europe centrale et orientale en 1914 : l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Russie et, dans une moindre mesure, l’Empire ottoman. Ce dernier conserve le contrôle du levant. Ces empires sont des constructions complexes multinationales. La Grande Guerre commence par une crise diplomatique orientale. L’acharnement et la durée du conflit affectent durement les empires qui chacun entre en crise. La Russie est marquée par la révolution dès 1917. L’Autriche-Hongrie et l’Empire ottoman connaissent des revers en 1918 , provoquant leur éclatement. En Allemagne, l’empereur est destitué. Les populations diverses ont accru leurs aspirations nationales et elles doivent s’adapter à une situation inédite marquée par la violence et l’instabilité.

2) La fabrique des traités

Après l’annonce des cessez-le-feu et la signature des armistices, vient le temps de l’organisation de la paix. La conférence de la Paix ouvre à Paris le 18 janvier 1919. Les délégations des pays belligérants représentent les revendications de leur pays après les dures années de guerre, qui ont exacerbé les tensions nationales. Les attentes des peuples sont fortes, parfois irréalistes et les ambitions des vainqueurs souvent démesurées. Malgré les efforts des diplomates, les traités sont élaborés dans des conditions difficiles surtout en Europe centrale où les nations dominées cherchent leur indépendance alors que les vaincus et la Russie révolutionnaire sont tenus à l’écart. Occasionnellement, les populations sont consultées (comme en Autriche) mais les résultats sont parfois faussés. Rien d’étonnant à ce que les traités soient critiqués voire contestés.

3) Les marches de l’Est

Après l’éclatement des Empires allemand et russe, en 1917-1918, se créent ou se recréent, sur ces immenses territoires, des entités politiques moins étendues mais plus nombreuses : outre la Russie et l’Allemagne, isolées, diminuées par les défaites et par les troubles intérieurs, il faut compter avec la Finlande, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et l’Ukraine… Ces régions sont fortement déstabilisées par les répercussions de la révolution russe : guerre civile en Russie mais aussi en Allemagne où apparaissent les redoutables corps francs reconnaissables avec leur casque à tête de mort. Dans ces violences, les populations civiles sont prises à parties surtout les minorités, notamment les Juifs déjà victimes de pogroms. Dans ce contexte, la France intervient de multiples manières, y compris militaire, se posant en garant des traités de la stabilité politique ( Voir le képi du général Weygand envoyé en Pologne au moment où elle est menacée par l’armée rouge, ou la liste des officiers français décorés par ce pays dont le capitaine De Gaulle ou le bâton de maréchal de Pologne accordé à Foch)

4) L’Europe médiane

Certains pays balkaniques ont accédé à l’indépendance avant la guerre : le Grèce, la Serbie, le Monténégro, la Roumanie, la Bulgarie et l’Albanie. La désintégration de l’Autriche-Hongrie en 1918 et la quasi-disparition de la Turquie d’Europe bouleversent la région. Si les traités officialisent les vastes remaniements, le problème des minorités subsiste. La France présente militairement dans la région, pèse activement sur le règlement des conflits. Elle contribue à former les armées des États dont elle soutient l’action comme la Tchécoslovaquie, le royaume des Serbes, Croates, et Slovènes, la Roumanie.

5) Le Levant

Le traité de Sèvres, signé le 10 août 1920, réduit l’Empire ottoman à une peau de chagrin et provoque un vaste mouvement de résistance armée en Anatolie conduit par Mustapha Kemal Pacha, le futur Atatürk. Les victoires militaires remportées par les troupes nationalistes turques en 1920 sur les Arméniens, en 1921 sur les Français et en 1922 sur le Grecs renversent la donne et rendent possible l’élaboration du nouveau traité de Lausanne (14 juillet 1923) qui anéantit les espoirs d’autonomie des entités nationales, arabes, arménienne, et kurdes, d’autant que la France et la Grande Bretagne imposent sous l’égide de la SDN, leur autorité sur la Syrie, le Liban, la Palestine et l’Irak. Le seul État-nation du Levant est né : la République turque.

CONCLUSION

1923 paraît un temps oublié. Pourtant la somme des conflits plus ou moins juxtaposés, des mouvements révolutionnaires ou des guerres civiles, constitue des épreuves terribles notamment pour les populations civiles, parfois déplacées. En Europe médiane ou au Levant, un certain calme revient. Sur les marches de l’Est, l’Allemagne et la Russie sont contenues. La Pologne, alliée de la France s’affirme comme une puissance régionale. La SDN commençante, se préoccupe avec des résultats inégaux du sort des minorités et des réfugiés. Beaucoup de problèmes n’ont pas reçu de solution satisfaisante. Certains demeurent encore aujourd’hui.

Cet ouvrage passionnant offre aux passionnés de nombreux documents commentés qui peuvent nourrir des cours plus originaux, non plus centrés sur l’Europe occidentale mais aussi vers les frontières orientales bien souvent délaissées.

Christine Valdois pour les Clionautes (Voir le commentaire sur l’exposition, également publié sur ce site)