Dans la petite commune de Gentioux-Pigrolles, dans la Creuse, il existe un monument aux morts érigé en 1922. L’artiste y a représenté un jeune écolier brandissant le poing devant la logue liste des morts pour la France. L’enfant proclame comme le monument : « Maudite sois la guerre ». Le préfet de la Creuse de l’époque refusera de l’inaugurer. Il ne le sera officiellement qu’en 1985. Chaque année, le 11 novembre, des pacifistes s’y réunissent pour exprimer leur volonté de voir les humains en finir avec les armes.
Cet ouvrage est une réédition. La première édition avait été réalisée en 2014 et n’avait pas fait l’objet d’une recension. Cet album n’est pas la première collaboration entre Didier Daeninckx et le dessinateur PEF. Ainsi doit-on à ce duo de choc « Il faut désobéir » en 2002, » Un violon dans la nuit » et « Vive la liberté ! 1939-1945, la Résistance » en 2004. Le dernier en date est Papa, pourquoi t‘as voté Hitler ? en 2016.
Chez Daeninckx, qui se dit volontiers communiste libertaire, l’engagement est inébranlable. Il défend la liberté, la paix, l’humanité. Les récits cherchent toujours à montrer l’horreur de la guerre, du totalitarisme et de l’intolérance. Ils s’appuient sur l’histoire et sur une recherche documentaire sérieuse. Pef (Pierre-Élie Ferrier) apporte son trait enfantin et son ton humoristique. Illustrateur engagé, nourri dans le militantisme culturel et communiste, il n’a jamais cessé d’être à l’écoute des enfants.
L’idée de Daeninckx dans cet album pour la jeunesse est d’imaginer l’histoire de ce jeune écolier qu’il décide de doter d’une identité : « Je m’appelle Fulbert Delorge », écrit-il dès la première page. En avril 1917, le maître d’école demande à ses élèves de rédiger une lettre de soutien aux poilus. Fulbert décide d’aller porter lui-même cette lettre à son père qui se trouve dans les tranchées près du Chemin des Dames. Il quitte Gentioux et se lance dans une escapade périlleuse pour s’introduire dans le milieu hostile et inhumain du front. Il y constate les horreurs que vivent les soldats tous les jours. Fulbert a quand même le temps d’embrasser son père, qui pourra rentrer à la maison malgré ses blessures. En 1918, au village, tant d’amis à lui ont perdu leur père. « Maudite soit la guerre ! », dira l’enfant.