Afrikakorps T2. Sous les traits d’Olivier Speltens pour nous plus grand plaisir avec ce second tome consacré à l’opération Crusader. Pour rappel, il s‘agit de suivre le leutnant Von Richter et ses hommes, embarqués dans leur Panzer III dans le sillage des opérations de l’Afrikakorps en Afrique entre 1941 et 1943. Rommel, les alliés italiens, les adversaires britanniques, le désert après le front de l’Est, le cadre choisi par l’artiste est clair et je vais l’être tout autant : ce second tome est une petite pépite.

Après les succès de l’Axe face à l’opération Battleaxe (Tome 1), les protagonistes s’accordent une pause de plusieurs mois pour retrouver des forces. Rommel est devenu le « renard du désert », le général Wavell a été remplacé par le général Auchinleck à la tête des forces alliées. Tobrouk est toujours entre leurs mains et Rommel s’apprête à lancer une nouvelle offensive lorsqu’il est surpris par le déclenchement de l’opération Crusader, à la mi-novembre 1941.

Outre le travail historique lié aux événements de ces affrontements, Olivier Speltens propose dans cet Afrikakorps T2 une plongée plus immersive dans le quotidien de ces hommes. De façon très claire, plus aboutie que lors du Tome 1 qui posait essentiellement des bases efficaces, Von Richter et Otto prennent de l’épaisseur. La dimension humaine est au cœur d’un récit qui commence avec la certitude des vainqueurs, du projet, du chef, avant, petit à petit, de basculer dans la réalité torride et meurtrière d’un combat incertain. Là, dans les entrailles du Panzer III, au bout de lunettes de visée, tourmentés par les vents torrides, l’homme est seul avec ses compagnons pour mener une mission qui se résume assez vite en une volonté de sauver sa peau. Par moment on pourrait presque voir l’ombre de August von Kageneck tant les situations sont détaillées avec justesse.

Je ne reviendrai pas sur le travail de fond de Olivier Speltens : le panel de matériel est parfait, les amateurs du genre seront comblés. Les détails techniques vont au-delà du dessin d’un Crusader II ou d’un Me 110. Par les dialogues, les échanges entre les protagonistes, on entre dans le détail des blindages rivetés, des filtres à air ou des canons longs de 50 mm.

C’est cependant tout à fait autre chose que je désire mettre en avant. Le scenario offre l’occasion, après une séquence initiale permettant de sonder les âmes reposées de nos héros, d’un cours de tactique avant que, telle le Typhon de Joseph Conrad, le tumulte emporte les combattants. Les duels de chars sont terribles, la mort permanente. Le chaos des combats est très bien rendu, toute comme la protection toute relative des blindages. Mention spéciale au dessin des impacts ; on peut sentir l’influence des derniers films sur les blindés, le  Fury de David Ayer ou  Le Tigre blanc de Karen Chakhnazarov ou encore le T34 de Aleksei Sidorov pour ne citer qu’eux.

L’odyssée nocturne est de toute beauté et les périples de retours, du moins les tentatives pour échapper au funeste destin, portent le sceau d’un travail d’atmosphère admirable. Le destin se fait facétieux, appuyé ici sur des faits réels, et petit à petit Von Richter et ses hommes sombrent dans une forme de mélancolie. La guerre dans le désert est terrible, même si tous sont heureux de ne point être devant Moscou. Les doutes sont là, car l’ennemi, tout chevaleresque qu’il soit par moment, est dur au mal. Pour ces hommes, la suite sera assurément terrible.

Aguerris, déterminés, usés aussi, c’est dans le regard du jeune Bruno Nolte, tout juste sorti des classes de l’école de panzer, que l’on saisi la suite. La peur face à un avenir incertain, dans un engin offrant autant la mort qu’il la redoute, auprès d’hommes qui, aguerris, n’ont plus d’illusions sur ce qui les attend, mais sont déterminés à se battre pour leurs camarades. Afrikakorps T2, Crusader, s’achève dans une atmosphère sombre et déterminée.