Benoît Cohen, un Français installé depuis un an à New York, vit son rêve américain avec Éléonore sa compagne. Il est confortablement installé à Brooklyn et poursuit ses activités de scénariste, réalisateur et producteur de films et de séries qu’il exerce depuis près de vingt ans. Mais la fatigue cumulée de ses derniers projets et la routine dans le métier lui font perdre l’enthousiasme de la création et l’imagination de nouvelles idées originales. Benoît cherche un nouveau souffle pour son inspiration. Il souhaiterait vivre pleinement son rêve américain en s’insérant dans la société new-yorkaise. Il se demande si un travail comme serveur, barman, chauffeur de bus ou encore vendeur de hotdog ne lui permettrait pas de s’immerger dans la culture du pays et de vivre une expérience qui aurait comme objectif final l’écriture d’un scénario. Et pourquoi pas chauffeur de taxi ?

Après quelques réflexions Benoit décide de devenir yellow cab driver à New York. Les voitures jaunes font d’ailleurs partie de la culture américaine. Les références aux yellow cabs sont nombreuses dans le cinéma, Taxi Driver de Martin Scorsese avec Robert De Niro étant certainement le plus emblématique. Il entreprend alors les démarches pour obtenir une licence. En apparence, cela ne paraît pas si compliqué. Il suffit de s’inscrire dans une école spécialisée, valider un minimum de 24 heures de cours, passer un examen et faire un test pour prouver que l’on ne consomme pas de produits stupéfiants, le tout pour une somme moyenne de 500 dollars.

Benoît entreprend les premières démarches le 9 juin 2015. Il comprend alors que cela ne va pas être aussi simple qu’il le pensait. Il s’agit même d’un véritable parcours du combattant qui débute. Entre les cours et les examens blancs, il doit faire face à des imprévus administratifs liés à son permis probatoire, à la présence de son deuxième prénom qui apparaît sur sa carte d’identité et est absent de son permis de conduire. Finalement avec les contretemps et les délais d’attente, il ne reçoit sa licence qu’au début du mois de janvier 2016.

Benoît débute alors son immersion comme chauffeur de taxi dans les rues de Manhattan, de Brooklyn et du Bronx. Il est le French man pour ses collègues migrants, eux aussi à la recherche du rêve américain. Il enchaîne les trajets, les expériences et les anecdotes. Ses clients comme ses collègues alimentent sans le savoir son projet de scénario dans lequel il imagine une héroïne caressant l’espoir de devenir actrice, mais qui est contrainte de conduire un yellow cab pour financer ses projets.

Benoît met fin à cette expérience un an après en avoir eu l’idée. Il a désormais réuni suffisamment de notes pour son projet de scénario. Mais en discutant avec Éléonore, il prend conscience qu’il a vécu l’envers du décor du rêve américain en se plaçant dans la peau d’un migrant qui, pour vivre dans cette mégapole, décide de devenir chauffeur de taxi, travail considéré comme un sous-métier. Le taxi est visible de tous mais le chauffeur est quant à lui très souvent invisible. Pour Benoît, cette immersion retranscrit « la lutte des classes, l’immigration, le déracinement, l’endurance, l’humilité, la tolérance, l’injustice, l’exile, la peur, la violence, la solidarité, la folie, la diversité, l’abondance, la pauvreté, la beauté, l’ivresse, l’ennui, le partage, l’époustouflante vitalité de [la ville de New York] ».

Finalement, Benoît Cohen n’a pas rédigé de scénario, mais écrit un récit paru en 2017 aux éditions Flammarion, dans lequel il raconte cette tranche de vie, avec le regard d’un passionné de cinéma. Il est installé sur le siège de son yellow cab comme dans le fauteuil d’une salle obscure, et observe le film qui se déroule sous ses yeux. Christophe Chabouté, en adaptant aux éditions Vents d’Ouest le texte de Benoît Cohen, retranscrit parfaitement les différentes ambiances. Son trait, toujours aussi reconnaissable, est une invitation au voyage dans les rues de New York. Cette promenade visuelle en noir et blanc de 162 planches se termine dans le taxi de Benoît sur la vue mythique du pont de Manhattan dans le quartier de Brooklyn, immortalisée par l’affiche du film de Sergio Leone, Once Upon a Time in America.

 

présentation sur le site de l’éditeur : Yellow Cab