Le premier article de Frédéric Charillon, la logique du chaos, résume dans son titre la situation de cette zone. Entre poussée islamiste et persistance du conflit israélo-palestinien, entre maintien de l’insécurité en Irak et tensions avec l’Iran, le Moyen Orient reste bien compliqué, d’autant plus qu’la date de parution de ces « Études », pas plus qu’aujourd’hui, des perspectives qui peuvent inciter à l’optimisme ne semblent se dessiner. En effet, les grands acteurs internationaux comme l’Europe et les Etats-Unis dont l’action est évoquée dans les articles de Frédéric Charillon et Jean Hénardt ne disposent de véritables moyens d’intervention.
Le fardeau irakien pèse de plus lourd et le projet de nouveau Moyen-Orient présenté par le Président Bush lors de son discours sur l’état de l’Union reste bien utopique. La démocratie sous forme d’élections libres à laquelle les États-Unis sont attachés, reste bien lointaine et même ne donne pas les résultats espérés. Le Hamas est sorti des urnes, tout comme le Front islamique du salut en Algérie en 1989 et cela a conduit dans ces deux cas à de violents affrontements et à une longue interruption du processus démocratique. L’idée de Condoleeza Rice reste tout de même, à partir de la déstabilisation des régimes autoritaires ou corrompus de provoque un printemps des peuples, sorte de réédition des révolutions colorées d’Ukraine ou de Géorgie et de voir arriver au pouvoir une nouvelle génération de dirigeants convertis aux vertus de la libre entreprise. Le seul problème, c’est que les problèmes sociaux forment avec l’affirmation identitaire et religieuse captée par les fondamentalistes un cocktail explosif.
Pour l’Europe, même si elle est membre en tant que telle du quartet, représenté désormais par Tony Blair, la situation est également bloquée. Trop de désaccords entre États membres empêchent l’élaboration d’une diplomatie commune. De ce fait, l’Union européenne a développé une politique d’accompagnement sur des objectifs limités, mais fondamentaux qui s’inscrit dans le cadre de la PESD.
Dans le Liban meurtri par une longue guerre civile, de 1975 à 1987, dans ce pays du Cèdre où les hommes et les femmes avaient recommencé à vivre avec une présence syrienne qui peu à peu faisait partie du décor, de nouvelles tensions se sont développées. Le puissant protecteur a dû, sous la pression se retire mais en même temps a conservé sa capacité de nuisance, tandis que le Hezbollah, du fait de la puissance démographique des Chiites se renforçait. Cela justifiait pour les israéliens une intervention militaire provoquée par des tirs de roquettes, avec le déclenchement d’ne guerre que l’État hébreu n’a pas gagnée. L’État libanais en sort mal en point, une partie de ses infrastructures ont été détruites, et la sécurité loin d’être assurée à la frontière nord d’Israël. Dans le cas du Liban également, avec Bernard Rougier on peut parler de la victoire du chaos.
Pour l’Irak, traité par Myriam Benraad , sous l’angle de la transition, la situation est également difficile. Certes des élections ont eu lieu, mais les sunnites qui représentent entre 30 et 40 % de la population sont sortis du processus électoral. Les forces séculières déclinenet et le communautarisme s’enracine. La question qui se pose néanmoins et celel du retrait des troupes étrangères. L’Irak y survivrait-il ?
Pour ce qui concerne le pétrole, Valérie Marcel traite les conséquences de la hausse des prix en 2005 et 2006, ainsi que du maintien de prix élevés en 2007. La question posée est celle de la dépendance de ces pays mono-exportateurs et de leur reconversion. Le Moyen-Orient pourra-t-il supporter la création de plusieurs Dubaï ? De plus, les États pétroliers ou gaziers, comme l’Algérie peuvent être tentés d’acheter la paix sociale avec ces revenus inespérés sans forcément conduire des projets de développement à long terme.
On retrouve ces questions dans l’article très complet de Camille Ammoun consacré à l’Arabie saoudite et à la réforme de son système politique. Certes des changements y compris politiques ont été annoncés depuis 1990, mais les problèmes de fond demeurent. Les trois sources de légitimité demeurent et restent contradictoires, entre la famille royale et les religieux qui font face tout en s’opposant entre elles aux courant libéral, proche des milieux économiques.
L’article de Didier François, consacré à la victoire électorale du Hamas en janvier 2006 évoquait tous les dangers que celle-ci représentait. Force est de constater que l’auteur ne s’est pas trompé, loin de là. La bande de Gaza est devenue une enclave de fait, deux légitimités s’affrontent et les retournements récents de l’État hébreu s’inscrivent davantage dans l’espérance des bénéfices des affrontements inter palestiniens que dans la recherche d’une normalisation des relations.
Dans son article sur Israël Alain Diechkoff rappelle d’ailleurs à quel point le processus de paix demeure bloqué malgré la petite recomposition de la scène politique israélienne entraînée par la disparition d’Ariel Sharon et les élections de 2006.
© Les Clionautes – Bruno Modica