Encore un must have que ce nouveau titre de la collection Géopolitique. Adèle Sutre, grande spécialiste hexagonale des trajectoires migratoires et autres mobilités, livre en effet ici un panorama à la profondeur à la fois historique, sociologique et spatial des sociétés tsiganes.
Premier cliché interrogé par ce bel ouvrage de la géographe Adèle Sutre : la mobilité supposée intrinsèque des Tsiganes, qu’ils soient de Scandinavie, d’Europe orientale ou d’Amérique du Sud. Faux. La majorité des Tsiganes sont sédentaires, comme nous le rappelle le topos du bohémien ou de la bohémienne, installés sinon dans une commune, à tout le moins dans une région d’un Etat, comme en France par exemple.
Trois temps se déploient dans le livre : le premier a trait aux images des tsiganes, le deuxième scrute leurs flux et le dernier se focalise sur leurs « façons d’être au monde », par ailleurs sous-titre de l’ouvrage. Les XIXè et XXè siècles fournissent la matière première de cette étude à l’écriture vivante, reflet de l’enthousiasme de la chercheuse.
Adèle Sutre montre que ces groupes humains sont fortement ancrés dans leurs territoires, comme signalé plus haut, et ce depuis des générations. La question des représentations (bidonvilles, caravanes, quartiers gitans…) est donc primordiale pour appréhender des trajectoires historiques très différenciées selon les territoires occupés et/ou parcourus.
Diversité, migrations et adaptations
Les manouches (du sanskrit « manu », soit l’homme), les Roms d’Europe centrale et orientale, les Gitans d’Espagne, les Gypsies d’Angleterre ou de Chine (à Shanghaï précisément) illustrent une part de cette diversité culturelle et géographique propre à ces groupes humains.
Groupe humain passionnant à étudier, tant pour le sociologue (avec la question des stéréotypes, tel le vol d’enfants ou la musique…) que pour l’historien (comprendre les raisons de certains flux migratoires, même récents) ou le géographe, pour qui il représente à la fois des points parsemés sur la planète et des lignes de flux humains, témoins de vastes et longues migrations, qui adoptent des moyens de transport variés, du cheval à l’avion, et des activités variées, de la vannerie à la chaudronnerie en passant par la musique ou le cinéma ambulant au Mexique au début du XXè siècle.
Quelques trajectoires familiales au XIXè sont exhumées par Adèle Sutre (p. 89), qui fait alors apparaître des groupes originaires de Russie avec les Maximoff, d’Iran ou d’Europe centrale, et dévoile des migrations transcontinentales (Europe – Asie – Amériques), caractéristiques du bouclage du monde au XIXè et de son corollaire, la mondialisation.
Culture de contact oscillant entre visibilité et invisibilité, le monde manouche est riche de ses différences, de sa profondeur historique et de sa puissante capacité à s’adapter.
La présentation de l’éditeur :
http://www.lecavalierbleu.com/livre/geopolitique-des-tsiganes/