« Le XXIe siècle sera maritime »

Ainsi commence l’ouvrage de Pierre Royer, historien, et auteur de Géopolitique des mers et des océans. Qui tient la mer tient le monde paru en 2012 (PUF). Pour lui, « la mer est […] devenue indispensable à l’essence même de la puissance : la création de richesses et la projection de forces ». En une centaine de pages actualisées, claires et très accessibles, la collection Repères (La Découverte) fait une fois de plus la preuve de son intérêt pour les enseignants. Et ce en trois grands axes qui structurent cet ouvrage.

Une histoire des puissances maritimes

               Les chapitres un, « La vague de la mondialisation », et deux, « La galaxie Raleigh », proposent une histoire des différentes puissances maritimes de l’Antiquité à nos jours. Comment sont nées les premières thalassocraties dans les « Méditerranées » (appellation empruntée à Élisée Reclus désignant outre le bassin qu’on connaît bien, celui des Caraïbes, les mers de Chine et la mer Baltique) ? Qu’ont changé les « explorations européennes » (expression préférée à celle de « Grandes découvertes ») ? Comment le Royaume-Uni au 19ème puis les États-Unis au 20ème siècle sont-ils devenus de grandes puissances maritimes ? Enfin, quelles ont été les transformations induites par le développement des échanges après 1945 puis par la nouvelle phase de la mondialisation ouverte depuis les années 1990 ?

Mers et océans, les outils de la puissance militaire

                Le chapitre trois, « Le trident de Neptune », est centré sur la question de la puissance militaire. Pour l’auteur, la « projection de la puissance passe aujourd’hui par les mers » et les marines de guerre les plus puissantes possèdent de nos jours une capacité d’action militaire « infiniment supérieure à celle dont disposaient leurs devancières ». Ce dont témoigne l’envoi par les EU du plus gros porte-avions du monde en Méditerranée orientale en octobre 2023[1], après l’attaque terroriste du Hamas et les bombardements israéliens sur la bande de Gaza. Et l’auteur de passer en revue les différents types de navires de guerre : porte-avions, frégates, sous-marins… ainsi que la puissance nucléaire portée par certains de ces navires. Sont ensuite présentées les principales puissances navales : États-Unis de loin les plus puissants, Asie et en, particulier Chine qui cherche à développer rapidement sa marine de guerre, et les pays européens, essentiellement, le Royaume-Uni, la France et la Russie. Ces puissances évidemment cherchent à étendre leur influence sur les mers, d’où des tensions et parfois des conflits.

Mers et océans, tensions et conflits

               Le quatrième chapitre, « Des eaux froides aux eaux chaudes, une conflictualité variable », donnera en quelques pages aux enseignants, comme aux élèves intéressés, des informations précises et claires. Les principaux espaces maritimes et les acteurs qui y sont présents sont étudiés et le degré de conflictualité de ces espaces est analysé. C’est ici que les ambitions de la Chine sur les mers qui la longent et les raisons de celles-ci sont présentées. L’importance, souvent oubliée, de l’océan Indien, « plaque-tournante de la mondialisation », est rappelée. Enfin, le basculement du monde de l’Atlantique vers le Pacifique est expliqué ainsi que les enjeux en cours dans cet océan dans lequel est-il souligné, la France est présente.

Mers, océans et… programmes des lycées

Un ouvrage bien écrit, bien organisé, très utile pour les professeurs d’histoire-géographie qui enseignent en lycée. Il permet d’aborder, de développer ou d’enrichir le thème 1 de la classe de Terminales (« Mers et océans : au cœur de la mondialisation »). Voir les passages consacrés à la mer de Chine méridionale, à l’océan Indien ou au détroit de Malacca. Il favorise aussi le travail sur le thème 1 en HGGSP intitulé : « De nouveaux espaces de conquête ». Par ailleurs, et ce n’est pas la moindre de ses qualités, très lisibles, certains chapitres peuvent tout à fait être lus avec profit par des élèves de lycée.

[1] Voir entre autres, Avec deux porte-avions, l’armée américaine veut constituer une « bulle » navale autour d’Israël. « Après l’envoi de l’« USS Gerald R. Ford », les Etats-Unis ont annoncé l’arrivée d’ici quelques jours de l’« USS Dwight D. Eisenhower » en Méditerranée. Une force de plus de 15 000 marins, principalement destinée à dissuader une escalade régionale avec l’Iran.