L’influence chinoise en Afrique vue d’en bas

Professeur de français à Jinan en Chine, Vincent Robin-Gazsity est marié à Bao, une chinoise rencontrée dans la province du Shandong. Récemment diplômée en langue française, sa femme lui propose de passer des entretiens afin de travailler en Afrique, comme environ 70% des étudiants chinois en langue française à la fin de leurs études. En s’arrangeant pour réussir les tests, l’auteur parvient à se faire embaucher. Direction l’Afrique.

De juillet 2012 à mars 2014, Vincent Robin-Gazsity travaille donc comme « employé de bureau » pour le compte de la CFHEC (China First Highway Engineering Company) au Gabon. Officiellement engagé comme traducteur français-chinois, il est en charge des relations entre l’entreprise chinoise et les sous-traitants pour la construction de routes. On fait également appel à lui lorsque son statut d’européen s’y prête. Français dans une entreprise chinoise, son itinéraire intrigue ses collègues, gabonais comme chinois.

Dans son livre, l’auteur raconte les méandres de l’administration gabonaise, la corruption inhérente, la place accordée aux locaux et la vie des intermédiaires sur place. Entre deux documents à faire tamponner pour que les marchandises puissent être déchargées du port de Libreville, l’auteur et sa femme en profite pour découvrir la campagne gabonaise, notamment à travers la pratique du bwiti, un rite semblable à celui du vaudou, dans le village de Nkok. Vu du ciel, le village abrite désormais un immense entrepôt de bois, l’une des principales exportations du Gabon. Souvent à destination de la Chine.

Vincent Robin-Gazsity et Bao travaillent pour le compte d’une entreprise publique, chargée de construire de nouveaux axes de communication à un prix défiant toute concurrence. Certains passages du livre sont particulièrement éclairants sur le rôle des étrangers au Gabon. Européens, Ouest-Africains, Libanais, Chinois, ils sont nombreux à travailler dans le pays, en raison de salaires relativement élevés. Par exemple, l’aide-cuisinier et homme de ménage, Saïdou, est un sans-papier originaire du Burkina Faso. Accusé d’un vol au sein de l’entreprise et renvoyé par le directeur chinois, Monsieur Zhang, il sera fortement soupçonné d’être le commanditaire d’une attaque à main armée après son renvoi.

Nous sommes huit à habiter dans la villa rose. Chacun a sa place et son statut.

Monsieur Zhang, le directeur, loge et travaille au premier étage, dans une pièce mystérieuse protégée par une porte toujours fermée d’où s’échappe une fumée âcre et une forte odeur de tabac froid. Il ne sort de son domaine que pour les repas et pour aller voir le ministère.

Les autres employés ont leur chambre à l’étage et travaillent avec nous dans le bureau du rez-de-chaussée. Nous sommes sans doute à peu près sur un pied d’égalité puisque nous nous appelons pa nos nom et prénom, sans ajouter de particule. Il y a Fan Fang, mon instructrice ; Li Kuai qui transmet son savoir à Bao ; Gao Yun, un grand échalas à la peau blanche et au visage fermé en charge d’un projet en Guinée équatoriale ; et xiao He arrivée depuis plus de trois ans, mais qu’on appelle toujours petit parce qu’elle est réellement petite. J’ignore le nom du cuisinier parce qu’on l’appelle toujours Dachu, c’est-à-dire grand cuisinier. Il a installé son lit dans un réduit entre les sacs de farine et les réserves de riz. J’en déduis que son statut est légèrement inférieure au nôtre.

En dessous du cuisinier, on trouve les employés locaux que l’on appelle les heigong, ou travailleurs noirs. Ils ne logent pas avec nous. Je ne sais même pas si je dois les compter parmi les employés de bureau parce qu’ils ne sont pas vraiment autorisés à entrer dans ledit bureau.

Un français en Chinafrique, Max Milo, 2021, page 83

En conclusion, un récit vivant, parfois sarcastique, qui a le mérite de montrer les rouages des relations sino-africaines, à travers les yeux d’un Français travaillant pour le compte d’une entreprise publique chinoise.

Pour aller plus loin :

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Antoine BARONNET @ Clionautes