La dernière enquête d’Albert Londres

1931. Le célèbre journaliste Albert Londres est sur le point de retourner en Chine, dix ans après son premier voyage. Que va-t-il faire là-bas ? Est-il chargé d’une mission ?

Ses heures de gloire sont derrière lui : entre les années 1920 et 1930, Albert Londres a dénoncé l’inhumanité du bagne de Cayenne comme celle des asiles d’aliénés, est allé le premier dans la Russie des Soviets, a documenté la terrible construction du chemin de fer Congo-océan. Son nom est connu de tous, et ses rivaux guettent sa dernière aventure.

Le retour en Chine

D’un trait de dessin qui rappelle les carnets de voyage, l’histoire nous entraine sur les traces « du plus grand des reporters français ». Si l’on ignore le but de son périple, on suit les notes prises par Londres sur la situation politique et militaire de la Chine du début des années 1930. L’agression japonaise en Mandchourie fait réagir le gouvernement chinois et une armée cantonais composite et mal équipée tente de s’y opposer. Londres rencontre l’état-major des deux côtés, et comprend que la guerre engagée va durer.

Aux soubresauts de la grande histoire se mêlent entreprises clandestines et trafics en tout genre : où Albert Londres a-t-il mis les pieds ?

Que sait-on de ce dernier voyage ?

Un intéressant cahier documentaire en fin de volume revient sur l’affaire et plus particulièrement les éléments réels et non romancés. Albert Londres, travaillant alors pour le quotidien Le Journal, débarque à Shanghai le 23 janvier 1932, mais nul ne sait pour quelle raison. Il rédige durant son séjour une série d’articles, publiée après sa disparition (La guerre à Shanghai). Il disparaît pendant un mois et demi, laps de temps durant lequel il rencontre le chef nationaliste Tchang Kaï-check à Nankin. Fin avril, il embarque sur le paquebot « George Philippar » pour rentrer en France. Il détiendrait des informations explosives. Celles-ci ne seront jamais révélées, car le journaliste est porté disparu lors de l’incendie qui ravage le paquebot durant la traversée du golfe d’Aden. Plus étrange encore : le couple auquel Londres aurait confié ces documents précieux ne survit pas au cash de son avion au sud de Rome. S’agit-il d’un complot ? Les auteurs soulèvent les incohérences des deux drames, mais n’en tirent pas de conclusion hâtive.

Enfin, des extraits de textes d’Albert Londres et une mise en perspective de la situation géopolitique de Shanghai en 1932 offrent un éclairage particulièrement intéressant sur cette partie du monde, souvent un peu délaissée des romans et/ou bandes dessinées. L’album se conclut sur une galerie de portraits bienvenue afin de mieux situer les différents protagonistes.

L’épisode relaté ici donne envie de s’intéresser davantage à la vie et à l’œuvre d’Albert Londres. Le travail sur les couleurs et les dessins notamment en fait un bel ouvrage, très agréable à lire. Une courte bibliographie suscite également l’intérêt.