L’histoire débute durant l’hiver 1914-1915. À la suite de chutes de neige très abondantes sur le massif vosgien, il est devenu très difficile d’approvisionner les troupes installées en première ligne sur les crêtes du massif. Les routes sont impraticables. Les camions sont bloqués par la neige. L’état-major se résout à transporter vivres et matériel à dos d’homme en mobilisant des centaines de soldats. Les tentatives sont des échecs. L’hiver passe. Difficilement. Des milliers de chasseurs alpins ont perdu la vie.
L’histoire rebondit en juin 1915. Deux officiers, le capitaine Louis Moufflet et le lieutenant René Haas demandent à être reçus par le comandant de l’armée des Vosges. Convaincus que la guerre n’est pas prête de se terminer, cherchant à anticiper les problèmes que vont poser les conditions climatiques de l’hiver 1915-1916, ils proposent de partir en Alaska y chercher la solution : des chiens et des traineaux. L’état-major refuse d’abord. Mais Moufflet, soldat hors pair et rigide, jouit d’un statut de héros de guerre pour avoir survécu à une attaque allemande et s’être évadé malgré ses graves blessures. Patient et déterminé, il finit par convaincre les officiers supérieurs de les laisser partir. Haas et lui ne disposent que de cent vingt jours avant le prochain hiver pour mener à bien leur projet…
Le récit est haletant. Il met en scène les dures conditions de guerre, les rivalités entre les hommes et les exploits héroïques. Il rappelle qu’à l’occasion de cette Grande guerre, présentée comme « totale », les animaux ont également été mis à contribution : chiens et chevaux mais aussi éléphants et dauphins… Quatorze millions d’animaux auraient été mobilisés durant le conflit. L’armée française a utilisé quatre cent cinquante chiens de traîneaux venus d’Alaska. Les poilus d’Alaska sont quadrupèdes. Certains d’entre eux ont été décorés de la Croix de guerre.
Les dessins, simples mais efficaces, donnent à chacun des caractéristiques marquantes et attachantes. Les personnages principaux sont doués de forts caractères et donnent au récit la saveur d’une épopée. Les personnages secondaires permettent de présenter subtilement le contexte historique : lobbying des industriels, revendications féministes…
Le scénario est inspiré d’une histoire vraie classée « secret défense » par l’armée française. Certes un documentaire réalisé par Marc Jampolski (http://www.arte.tv/fr/nom-de-code-poilus-d-alaska/6340790.html), auquel Daniel Duhand et Michael Delbosco ont collaboré, constitué à partir des archives du Fort de Vincennes, avait présenté cette histoire en 2011 mais elle reste méconnue. Le récit est accompagné d’un dossier historique présenté en fin de volume. Certes une lecture attentive du dossier montre des écarts entre les faits présentés et le scénario de la BD mais il demeure que cette BD, publiée par les éditions Casterman, est excellente. Elle intéressera les amateurs d’épopée. Elle peut permettre aux enseignants de proposer des séances de travail originales aux élèves. Le tome 2 est attendu avec impatience. Il doit paraître en février 2015. Au total, la série comprendra 5 tomes.

Il est possible de découvrir la BD et le dossier historique à l’adresse suivante :
http://www.poilusdalaska.com/