Pour qui se souvient du magistral « Je, François Villon », le nom de son dessinateur Critone sonne comme une garantie de choix. Expressivité puissante, richesse de la galerie de personnages (cf les clients de la taverne), ambiances tour à tour froides (cf le prologue) et chaleureuses à l’image des passages dans la geôle, sont au rendez-vous. Il n’est pas de page où le lecteur ne s’attarde pas sur un dessin de Critone dont la maîtrise des lavis offre des nuances infinies. La mise en scène est parfaite.
Passé le prologue très bien ficelé, les premières pages interrogent : est-ce bien lui le héros, cet Aldobrando, ce freluquet ? Oui ! Et Gipi parvient à bâtir une histoire qui intègre les faiblesses d’Aldobrando dans un monde médiéval brutal, consacrant in fine le triomphe de la candeur.
Conte et rite de passage
Avec Aldobrando, le dessinateur italien installé à Montreuil adapte son œil si particulier au récit échaffaudé par son compère transalpin Gipi. Récit qui entraîne le lecteur dans ce conte, bercé par un Moyen-âge sans doute italien et imaginé, d’où son classement heroïc fantasy. Le personnage central, anti-héros archétypal, gagne en épaisseur au fur et à mesure de la fausse quête qui lui est imposée et émerge au milieu de la vaste palette des personnages qui se réfèrent au conte (l’homme-ogre, le roi-bouffon), voire au roman picaresque avec Gennaro Montecapoleone, entre satire et romantisme.
Parti chercher l’Herbe du loup, aussi rare que curative, Aldobrando rentrera dans la chaumière de son maître-père-mage avec un tout autre butin, à la fois proche et éloigné de l’objectif initial. C’est donc le formidable récit d’une destinée, d’un rituel de passage assis sur l’amour, le pouvoir et l’enfance.
La présentation de l’éditeur : https://www.casterman.com/Bande-dessinee/Catalogue/albums/aldobrando