En septembre 2019 a paru le dernier ouvrage d’Amaury Chauou, Les Plantagenêts et leur cour, 1154-1216. Docteur en histoire médiévale, Amaury Chauou est professeur en classes préparatoires littéraires au lycée Chateaubriand de Rennes. Il est également membre associé du laboratoire Tempora et chargé de cours aux universités de Rennes 2 et de Bretagne Occidentale. Spécialiste des Plantagenêts, il a précédemment publié L’idéologie Plantagenêt (2001) et Le Roi Arthur (2009).
A nouveau donc, Amaury Chauou se penche sur l’espace Plantagenêt, plus précisément sur son « foyer d’action politique et de culture » (p 12), entre l’accession d’Henri II au pouvoir (1154) et la disparition de son fils Jean Sans Terre (1216). L’angle d’approche est ici la cour, à la fois centre du gouvernement et de communication du pouvoir Plantagenêt, qui rayonne sur un espace éclaté entre les îles anglo-normandes et les fiefs d’outre-manche (Normandie, Maine, Anjou, Poitou, Aquitaine, Gascogne). L’une des questions principales est celle de la « curialisation » (N.Elias) et les limites possibles de cette dernière : en effet, issu du lignage modeste des comtes d’Anjou, cette cour n’est pas forcément prédisposée à une telle renommée internationale.
Pour en saisir ses subtilités, le propos est décliné en sept chapitres. Tout d’abord, les cadres de ce pouvoir, à la fois géographique et administratif (chapitres I et II), mais aussi les acteurs, réseaux et leurs motivations propres (chapitres III et IV). Les chapitres V, VI et VII sont davantage tournés vers les représentations, l’imaginaire, l’éducation et le rapport au sacré de la cour Plantagenêt. Pour faciliter la compréhension et la lecture, l’introduction est enrichie de cartes, d’un arbre généalogique simplifié et d’un avertissement sur les équivalences des montants monétaires (monnaies réelle et de compte) ainsi que de la toponymie des noms propres. En fin d’ouvrage, un index des noms propres et une table attendus, une sélection bibliographique (sources primaires, notices bibliographique et travaux), ainsi que des annexes. Ces dernières permettent de mieux saisir les sources textuelles utilisées et critiquées sur l’histoire de la cour, ainsi que le fonctionnement de l’Echiquier, s’appuyant sur la méthode de calcul de l’abaque, ce qui débouche deux fois par an sur la rédaction des Pipe Rolls.
La cour Plantagenêt se heurte à la fois à la maîtrise de son espace et à un pouvoir à géométrie variable (le Plantagenêt aux « velléités impérialisantes » dans les îles anglo-normandes et l’Irlande est pourtant soumis à l’hommage du roi de France sur ses terres continentales), ce qui débouche néanmoins sur un héritage plus durable que cette famille elle-même. L’appui sur l’arthurianisme (abordé précédemment dans Le Roi Arthur) et sur des administrateurs méthodiques sont des recours originaux, mais pas suffisamment solides pour surmonter les contraintes de cette cour (discontinuité territoriale, relations tendues entre père et fils entre autres mais aussi entre les hommes politiques et d’Eglise gravitant autour d’eux).
Au fil des pages, il est agréable de voir surgir les figures d’Henri II, d’Aliénor d’Aquitaine, de leur descendance ou encore de Thomas Becket. Celles-ci sont déchiffrées à travers leurs représentations contemporaines, mais aussi rééquilibrées sur certains aspects : la couverture du livre en est l’exemple le plus visible (l’image de Jean Sans Terre caressant ses chiens de chasse interroge sa réputation de cruauté construite par l’absence de chroniqueurs dévoués).
Au vrai, Les Plantagenêts et leur cour (1154-1216) est un livre à la fois pointu et abordable pour un public passionné d’Histoire. Les talents de conteur d’Amaury Chauou n’y sont d’ailleurs pas pour rien : le propos est clair car suivant un plan exposé avec rigueur, révélant un sens littéraire qui fait défaut à beaucoup d’ouvrages. Ainsi, pour reprendre le prologue de la Chanson des Saisnes, évoquant les matières de France, de Bretagne et de Rome[1], l’ouvrage suivant est un mélange de celles-ci : un contenu d’érudition, une synthèse sur l’actualité de la recherche sur la cour Plantagenêt, un livre à la lecture plaisante.
[1] « La Chanson des Saxons » du poète Jean Bodel (1165-1210) aux vers 6-11, cités page 243
« Il n’existe que trois matières :
Celles de France, de Bretagne et de Rome.
Ces trois matières ne se ressemblent pas.
Les contes de Bretagne sont tellement irréels et séduisants !
Tandis que ceux de Rome sont savants et chargés de signification
Et que ceux de France voient chaque jour leur authenticité confirmée ! »