« L’indépendance de la femme s’affirme sans borne visible ; elle sait l’anglais comme une miss et comme Suzanne Lenglen, elle joue au tennis… » G Clerici dans Suzanne Lenglen, la diva du tennis ».

Qui connaît Alice Milliat ? Une inconnue pour beaucoup, excepté certains spécialistes du sport. On voit donc tout l’intérêt de ce docufiction paru aux Éditions Petit à Petit…

Cette pionnière olympique au destin incroyable, est présentée par le scénariste, Didier-Guyot, le dessinateur Chandre, la coloriste Marie Millotte, associés au documentariste Laurent Lessous.

Les débuts du sport féminin : une révolution pour les femmes

Alors que la Grande Guerre n’est pas encore achevée, certaines femmes déjà partie prenante dans l’économie, pratiquent le sport en plein air, notamment la course à pied. Conscientes de leur force, elles adhèrent à des clubs et montrent leurs performances devant un public outré, empreint de préjugés sexistes. Le célèbre baron de Coubertin s’est fortement opposé à l’introduction des sports féminins aux Jeux olympiques. La pratique sportive est monopolisée par les hommes au XIXe siècle et ces derniers ne tolèrent aucune intrusion féminine. Par exemple, le football féminin est taclé par les hommes. Alice Milliat n’a de cesse de soutenir ses pairs. Est-il encore tolérable de parler de sexe faible à l’issue du premier conflit mondial ? Pourquoi les femmes n’auraient-elles pas droit aux loisirs sportifs ?

La naissance de La femme sportive et les premiers JO féminins. Avec ou sans hommes ?

En 1900, aux IIe Jeux olympiques de Paris, Charlotte Cooper fut la première femme victorieuse en remportant le simple dames de tennis. Pourtant en 1920, Pierre de Coubertin s’appuie sur le CIO pour refuser des athlètes féminines dans les épreuves olympiques, ce qui galvanise Alice Milliat. Cette dernière encourage les sportives à résister. Polyglotte, elle voyage à travers le monde pour négocier la participation des femmes dans des compétitions de haut niveau. Elle réussit à fonder un journal en faveur du sport féminin, La femme sportive.

Intitulés, « les Jeux mondiaux féminins », les premiers Jeux olympiques féminins ont lieu en août 1922 cantonnés au stade Pershing parisien. Seul l’athlétisme est représenté mais 77 athlètes venues de 5 pays s’y retrouvent avec 10 épreuves : une victoire !

Des sportives libérées : exister sans la gente masculine

Désormais, des Jeux olympiques féminins alternent avec ceux des hommes. Si Pierre de Coubertin et le CIO campent sur leurs positions, le nombre de femmes d’athlètes, de pays participants et d’épreuves augmentent au fil des ans. L’étendue des progrès réalisés atteste de la pugnacité d’Alice Milliat qui ne conçoit pas une participation partielle des femmes aux Jeux mais une complète intégration en toute égalité.

Les années 30 correspondent à un retour à l’ordre et à la morale. Conspuées par une société misogyne, les athlètes doivent EXISTER dans un monde masculin. Violette Morris, la sportive française la plus médaillée (vélo, boxe, athlétisme, Bol d’Or automobile en 1927, championne de France de football…) passe pour une rebelle insoumise. Son homosexualité dérange puisqu’elle vit avec une l’actrice Yvonne Debray, sur une péniche à Paris ! Elle perd en 1937 le fameux procès du pantalon.

La postérité d’Alice Milliat

Ils ont gagné, mais on n’a pas perdu !

Décédée à Paris en 1957, mais inhumée dans sa ville natale de Nantes, Alice Milliat restera un exemple pour les femmes d’aujourd’hui. Très en avance sur son temps, elle a su mettre ses compétences au service de la cause féministe à travers le sport. Si elle a inventé les Jeux olympiques féminins, son travail de résistance face aux fédérations, au CIO et à la société est méconnu. Il faudra attendre les Jeux de 2024, pour que la parité soit admise… enfin ce n’est pas encore fait !

On l’aura compris, cet ouvrage se montre d’un très grand intérêt pour faire connaître une femme militante d’exception. Le format du docufiction, une alliance entre le résumé, la bande dessinée et des sources documentaires variées, convient parfaitement aux collègues du secondaire qui veulent convoquer dans leur cours, une féministe du XXe liée au monde sportif, ce qui ne devrait pas déplaire à leur auditoire.