Blue World est la suite de la série en 2 tomes Blue Hole (le trou bleu). Initialement publiée en 1996 au Japon, elle l’est pour la première fois en France cette année, dans un grand format et avec des graphiques mis au goût du jour. Ces deux séries ont été écrites par Yokinubo Hoshino, l’un des piliers et auteur incontournable de Science-fiction au Japon. Comme le montre bien Blue World, le mangaka est fasciné par les théories scientifiques sur le passé et le futur de d’Humanité.
La série se déroule quelques temps après le retour des rares survivants de Blue Hole de leur voyage à la fin du Crétacé, il y a 65 millions d’années, via le trou bleu du Triangle des Bermudes. Suite à ces événements, des expériences ont été réalisées sur les trous bleus. Ces trous bleus sont des gouffres situés dans les fonds marins, rejetant et aspirants les eaux des mers et des océans, ainsi que des créatures préhistoriques. Ces gouffres sont des points de passages entre les espaces et les époques, qui se connectent entre eux, permettant de dangereux voyages spatio-temporels et offrant des opportunités intéressantes. Dans le premier tome, l’attention des scientifiques et des autorités se porte sur le trou situé au fond du Loch Ness, en Ecosse, qui mène cette fois-ci à l’ère du Jurassique, il y a 145 millions d’années. Est alors montée une mission d’exploration par le Royaume-Uni, sur fond de lutte géopolitique pour la prise de contrôle de ces failles spatio-temporelles et leurs ressources, notamment avec les Etats-Unis qui s’invitent dans l’expédition. L’équipe mise en place est très hétéroclite (les personnages étant assez caricaturaux), avec notamment un professeur anglais spécialiste du Jurassique, Camelot, et sa petite-fille surdouée Pat, la lieutenante de la Royal Navy Jean Hart, des journalistes américains, des membres de l’US Army, et notamment l’impitoyable capitaine Glock, etc… Mais l’expédition ne se déroule pas comme prévu.
Blue World 2
Suite à la disparition du trou bleu écossais, laissant les héros coincés à l’ère du Jurassique, le groupe de survivants se lance dans une nouvelle expédition. En effet, pour s’en sortir, ils doivent trouver un autre trou bleu. Leur choix se porte sur celui de Tristan da Cunha, dans l’Atlantique Sud, dont ils ignorent la position exacte, d’autant plus que les continents et les terres n’ont pas la même forme que dans le temps présent.
Ce second tome raconte le long et périlleux voyage vers ce nouveau portail spatio-temporel. Les personnages ont un mois pour l’atteindre et espérer que des secours parviennent jusqu’à eux, faute de quoi, ils resteront bloqués dans le passé. Ce périple, de plusieurs milliers de kilomètres, est semé d’embûches, avec, pour commencer, les attaques quasi-constantes de dinosaures carnivores. De plus, l’environnement est très hostile au groupe, avec des températures élevées, des forêts et des fleuves très hostiles … d’autant que l’Homme n’y a pas sa place. La survie est au cœur de ce tome, plus que l’exploration et les enjeux scientifiques. Au manque d’eau potable et de nourriture, s’ajoute d’innombrables péripéties, allant de la construction d’un radeau à des combats à mort contre des dinosaures, en passant par des morsures venimeuses, des crevasses, le climat, etc… Le danger est omniprésent, ne laissant pas un seul instant de répit aux personnages. Les morts et les sacrifices sont inévitables dans ce monde hostile.
En plus de la problématique de la survie, s’ajoute les conflits au sein du groupe, l’Homme étant, classiquement, un danger pour l’Homme, avec d’un côté la lieutenante Jean Hart, le professeur Camelot et les civils de manière générale, et de l’autre le capitaine Glock et ses soldats. Pour Jean, la survie de tous les membres du groupe prime, alors que pour Glock, seule compte la réussite de la mission, qu’il n’envisage qu’au travers de sa propre et seule survie, et donc l’arrivée au portail dans les temps. Cela entraîne de nombreuses tensions, des violences et une lutte de pouvoir parmi nos héros.
Le tome se termine sur l’arrivée de l’expédition au trou bleu de Tristan da Cunha. Sur place, une mauvaise surprise les attend : d’incessantes éruptions volcaniques, des projections de lave et un nuage de cendre rendent l’accès au trou impossible. La décision est prise de rejoindre le trou bleu de la dernière chance des Açores. Problème, il ne reste qu’une petite semaine aux héros pour le rejoindre.
Une série de science-fiction à l’ère du Jurassique
Un des points forts de Blue World est la mise en avant très régulière des différentes espèces de dinosaures et d’animaux croisés par les personnages. Même s’ils paraissent un peu datés par rapport aux publications actuelles, les graphismes sont très plaisants, et permettent de mettre en valeur ces différentes espèces. Difficile de rester indifférents face aux planches mettant en scène différents dinosaures dans un environnement grandiose. Cette édition en grand format permet de profiter pleinement de doubles-planches spectaculaires, quelques-unes étant en couleur. Le Jurassique, par sa beauté et son hostilité, devient un personnage de l’histoire, plus qu’un simple décor. La connexion de différentes époques via les trous bleus permet de croiser davantage d’espèces que celles du Jurassique. Chaque nouveau dinosaure ou animal est présenté, généralement par Pat, la petite-fille surdouée qui semble être une encyclopédie de la Préhistoire. La faune et la flore sont d’une grande richesse et se laissent admirer avec plaisir… avant de mettre en péril les personnages !
Yokinubo Hoshino, comme dans Blue Hole, exploite différentes informations (qui peuvent paraître dépassées lors de la lecture en raison de la date d’écriture du manga, dans les années 1990) et théories scientifiques qu’il met en scène et utilise « à sa sauce ». Par exemple, dans le tome 2, il met en scène l’affaiblissement du champ magnétique terrestre, l’interprétant comme une possible raison de l’extinction des dinosaures, et ses conséquences au temps du Jurassique. Un autre exemple est celui de la rencontre du groupe avec des synapsides, des créatures disparues à la fin du Paléozoïque, qui seraient les précurseurs des mammifères. Le thème de la séparation des continents, déjà présent dans le précédent tome et dans Blue Hole, est également abordé.
Un bon divertissement au temps de la Préhistoire
En plus des nombreuses explications sur les dinosaures et leur environnement, qui étaient au cœur de l’intrigue du premier tome, cette réorientation de l’intrigue vers la survie est plaisante et divertissante. La question des ressources à exploiter et des conséquences de l’interconnexion entre passé et présent est mise de côté, pour se concentrer sur le voyage des héros. Les pistes géopolitiques et environnementales lancées dans le tome 1 se retrouveront sans doute dans le troisième et dernier tome de la série. L’environnement du Jurassique est davantage mis en avant, notamment via de superbes doubles pages, rendant cette lecture très agréable.