Les amateurs de bande dessinée connaissent bien le personnage d’Alix, créé en 1948 par Jacques Martin [1921-2010], ami d’Hergé et collaborateur occasionnel sur Tintin (L’Affaire Tournesol et Tintin au Tibet notamment).
Jeune Gaulois orphelin, adopté par un Romain, Alix grandit à l’époque de Jules César et, accompagné par son ami Enak, il parcourt le monde antique, de Rome à l’Égypte en passant par la Grèce et l’Orient. Épris de justice et de liberté, il se retrouve confronté aux intrigues politiques, aux guerres et aux bouleversements de son temps.
Par son réalisme historique et pédagogique, et le caractère romanesque et avant-gardiste qu’il a su insuffler, la série Alix a marqué des générations de lecteurs et a contribué à une forme d’ouverture de ses jeunes lecteurs à l’histoire antique et romaine et ce, malgré un trait de dessin parfois un peu trop rigide.
Après le décès de Jacques Martin en 2010, ce titre-phare de la BD franco-belge est repris depuis par plusieurs scénaristes. La série Alix Senator qui peut être qualifiée de spin-off, a débuté en 2012 avec la publication des Aigles de sang. Aux commandes, nous retrouvons pour le scénario Valérie Mangin, historienne de formation passée par l’École des Chartes, Thierry Démarez au dessin, et Jean-Jacques Chagnaud à la couleur. La série débute en 12 av. J.-C. : Alix Gracchus est devenu sénateur à Rome depuis qu’Auguste a été proclamé empereur. Avec ce tome 16, Valérie Mangin clôt le cycle consacré à l’Atlantide, entamé avec le tome 11 intitulé L’Esclave de Khorsabad.
La fin du cycle consacré à l’Atlantide
L’objectif est ici, pour Alix, Sertis, Titus, Nanto et leurs compagnons, de rallier les terres de la mythique Atlantide, situées au nord de l’Europe, où, comme le précise le résumé : « aucun Romain n’est jamais allé ». Valérie Mangin prend ici un choix original, inspirée par des théories ayant vu le jour dans les années 40. Il lui permet d’une part de faire explorer une terre inconnue à son héros, ce qui constitue une part de l’essence d’Alix, et d’autre part, d’éviter de ressembler à un autre album lié aux aventures de Blake et Mortimer : L’énigme de l’Atlantide d’Edgar P. Jacobs, où le continent décrit par Platon est localisé aux Açores.
Le départ a lieu au printemps de l’an 8, depuis le sud de l’Armorique (un clin d’œil indirect à Astérix ?). Le voyage commence à bord du Pytheas et du Chimilkat, dont les cales transportent les statues des dieux-géants, sous le regard d’un village gaulois encore déchiré entre les partisans de l’ouverture au monde et ceux qui, pour des motifs religieux, condamnent les voyages. Après un détour par la Bretagne, qui les mène jusqu’à Stonehenge, et une rencontre brutale avec des Bretons furieux de voir débarquer des Gaulois, l’équipage reprend sa route pour parvenir enfin jusqu’à l’Atlantide et au sanctuaire originel des anciens dieux, avant une vision apocalyptique finale qui en rappellera d’autres aux lecteurs.
Une réflexion contemporaine
L’histoire aborde des thématiques variées tout en préservant le mystère de l’Atlantide et sans moralisme : le voyage de découverte, l’intolérance et le fanatisme religieux, la technologie destructrice, elle invite aussi à réfléchir sur les dangers du savoir entre de mauvaises mains. L’album, servi par les couleurs froides choisies par Jean-Jacques Chagnaud, achève de donner une tonalité tragique à ce volume conclusif, en attendant le prochain, prévu pour 2026 et intitulé Le Maître des masques.