L’excellente collection Idées reçues qui met en lumière toute la pertinence du travail humaniste s’enrichit de ce volume: Anatomie du nazisme, augmenté et réédité signé du spécialiste Frédéric Sallée (U. de Grenoble-Alpes).
Le nazisme est l’objet historique le plus commenté, le plus narré depuis 1945. Dans cette insondable masse de connaissances, ce mouvement totalitaire est parfois affublé de caractéristiques plus ou moins extravagantes. Aussi, à la manière des fact-checkers du journalisme, F. Sallée (La mécanique de l’histoire, 2019) s’empare-t-il de ces clichés et approximations afin de les confronter à la réalité historique.
Deux inédits
Cette nouvelle édition reprend l’architecture de l’édition de 2018 avec ses cinq chapitres amendés de deux questions inédites, le tout ponctué de citations vivifiantes et de focus (témoignages, statistiques, points historiographiques). En premier lieu, le chapitre Les origines du national-socialisme affiche une nouvelle entrée, L’Occident libéral fut un terreau idéologique pour le nazisme. Puis, Du mouvement au régime politique offre la seconde nouvelle interrogation, Le salut de l’Allemagne passe par l’Aryen blond aux yeux bleus. Au total, le scalpel historique fouille 27 idées plus ou moins éloignées de ce que fut le nazisme. Parmi elles figurent bien sûr des interrogations courantes à propos du rôle d’Hitler par exemple, ou encore de la prise de pouvoir de 1933. L’ouvrage se referme sur un glossaire qui, de Blutzeuge à WWHA, défriche 23 vocables indispensables à la compréhension du phénomène et un guide bibliographique (Pour aller plus loin…) qui sélectionne et caractérise les incontournables.
Le nazisme, “réduction urbaine de l’Allemagne” ?
D’autres angles sont particulièrement captivants, à l’instar de l’urbanité supposée du mouvement nazi, ou de la récente émergence du concept de Shoah par balles dans le champ historiographique ou encore, dans le domaine des représentations cette fois, de la question de l’incompatibilité entre fiction et nazisme. Le premier point de ce trio vérifie si le nazisme est bien un mouvement de la ville. F Sallée scrute l’idée d’un régime nazi se confondant avec la pierre de la ville. A Nuremberg, dans le bunker d’Hitler, ou dans le projet Germania d’A. Speer, le nazisme laisse son empreinte dans l’urbs. Dans sa sociologie primitive, le mouvement s’inscrit dans une société urbaine. La crise de 29, un des nombreux creusets du développement nazi, s’exprime davantage dans les villes allemandes, alimentées par un exode rural déjà ancien. Eh bien non ! L’historien brosse un tableau beaucoup plus complexe. Grâce aux données électorales notamment, nous voyons au contraire un nazisme assez tôt ancré dans les campagnes, dès la fin des années 20. Les dispositions légales liées au sol et sa mythification (Blut und Boden, i.e le sang et le sol), le travail de Walther Darré, conseiller pour les affaires agricoles du NSDAP, concourent à favoriser le peuple paysan via des leviers économiques (facilitation du recours à l’emprunt, hausse des prix agricoles). En contrepoint, la cité devient l’antre du cosmopolitisme et de la dégénérescence de la race.
Au lycée, cette réédition convient particulièrement au public de terminale qui peut autant venir picorer des mises au point ponctuelles que s’imprégner du travail de l’historien, tissé de questionnements et d’incessantes remises en cause.
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