Comment vivre quand tout paraît foutu ? Résister passe aussi par la volonté de plaisanter, de faire des bons mots, de rire, de se moquer des oppresseurs et de retrouver ainsi une part de liberté et de dignité niées par les occupants.

C’est à l’humour résistant que s’intéresse la vivifiante et pertinente étude de l’auteure de cet ouvrage paru en format poche. Facile donc à emporter au pied des montagnes, à la campagne ou près des plages alors que l’été est là.

Alya Aglan est professeure d’histoire contemporaine à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Elle travaille sur la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale et a récemment publié La France à l’envers. La guerre de Vichy, 1940-1945 (Folio, 2020). Avec ce nouvel ouvrage, elle aborde l’histoire de la Résistance sous un angle différent et novateurMême s’il y a une quarantaine d’années Antoine et Philippe Meyer avaient publié, pour un tout autre contexte, un ouvrage qu’on pourrait rapprocher de celui-ci : Le Communisme est-il soluble dans l’alcool ? (1979).. Pour elle , « le rire est une arme » et mérite d’être étudié.

Pendant la guerre, les cibles des traits d’humour des Français sont diverses : l’occupant nazi, le régime de Vichy, certains de ces soutiens (Pierre Laval, en particulier), la Collaboration, la Milice… mais ils visent aussi la « novlangue » du régime, les conséquences des réquisitions et la violence de la répression… Ils sont produits en zone occupée, dans la zone sud ou à Londres, à Paris comme en province.

Au fil des pages on trouvera des textes écrits par des mains anonymes et d’autres par des auteurs reconnus : Pierre Dac, bien sûr, mais aussi Robert Desnos ou Jules Romain. L’auteure présente des jeux de mots, des mots d’esprit, des chansons parodiques, des chroniques, des poèmes, des détournements (de discours, de règlements de Vichy, de bulletins météorologiques, de billets de banque, de croix gammée…), des bandes dessinées, des graffitis, des caricatures parfois glaçantesUn regret cependant pour les caricatures, le format poche rend la lecture de deux ou trois d’entre elles malaisée.

Avec une mention spéciale pour l’hymne Maréchal ! Nous voilà ! qui devient :

Maréchal ! Les voilà !

Ces vendus, ces héros d’apparence.

Maréchal ! Les voilà !

Du Fürher, ils vont suivre les pas

Ou

Pierre Laval Nous voilà !

Contre toi naufrageur de la France

Sans oublier Tout va très bien Madame la marquise maintes fois recyclée.

Les supports sont variés : inscriptions sur les murs, affiches, tracts, journaux, émissions radio… Pensons à Combat « Mensuel dans la mesure du possible et par la grâce de la police du Maréchal ». Ces documents sont l’œuvre d’une seule personne ou de groupes, plus ou moins organisés au départ, puis, peu à peu, de mouvements plus structurés. En effet, le livre nous permet, par certains aspects, de percevoir l’évolution de l’opinion publique et de la guerre entre 1940 et 1945. Le ton change bien sûr au fil des ans mais très tôt des textes critiques sont écrits. Ainsi des trente-trois « Conseils à l’occupé » paru dès juillet 1940 ou celui de Robert Desnos « J’irai le dire à la Kommandantur » qui date de septembre 1940.

Un petit livre indispensable qui peut être utilisé en classe et éclaire d’un jour nouveau la vie sous l’Occupation, le combat difficile des résistants, les mille gestes qui témoignent de l’hostilité aux nazis et au régime de Vichy et l’importance du rire, de la moquerie, de l’ironie dans les moments de grande crise.