La pédagogie est un art vivant « en train de faire », en constante évolution. Une multitude d’acteurs et d’interactions bousculent son déroulement, qui n’est jamais celui que l’on pouvait prévoir. Cet art nécessite de la créativité. Dans cet ouvrage, Bernard Gouze, professeur agrégé de S.V.T, désormais à la retraite, fait le compte-rendu d’une recherche-action pédagogique où se mêlent théories et expériences.
Apprendre à comprendre part du postulat que de trop nombreux élèves se retrouvent en échec parce qu’à un moment de leur parcours, ils ne comprennent plus ce qui se fait en classe. En effet, des élèves, traditionnellement considérés comme travailleurs, pouvaient se satisfaire de comportements d’imitation qui permettaient une réussite immédiate mais compromettaient leur développement intellectuel à long terme. Il a constaté aussi que d’autres élèves comprenaient trop vite et se satisfaisaient d’approximations… tandis que d’autres, encore, s’enferraient dans une attitude de refus, proclamant qu’ils ne comprennent pas et ne comprendront jamais. Ceux qui travaillent régulièrement vivent cette situation d’incompréhension comme une injustice, ce qui génère des reproches vis-à-vis des professeurs. Pour ces derniers, cette situation est d’autant plus incompréhensible que ces élèves paraissent bien adaptés au système scolaire. Bernard Gouze propose de chercher les processus en jeu au sein de la psyché des élèves eux-mêmes, au lieu d’essayer de chercher des solutions à ce qu’il appelle ces « pannes ».
Qu’est-ce que ces ateliers réflexifs ?
Les ateliers réflexifs, mis en place et testés dans l’établissement de l’auteur, proposent un accompagnement personnalisé à de petits groupes d’élèves « scolaires » en difficulté. L’objectif est de comprendre leur fonctionnement interne pour qu’ils puissent en prendre conscience et le modifier. Pour l’auteur, ces élèves avaient appris à ne pas chercher à comprendre à l’école et à ne pas mettre en relation les différents savoirs transmis, leurs pensées s’arrêtant presque à la porte de l’école. L’expérimentation relatée dans cet ouvrage a eu lieu dans le cadre de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école (mai 2005). Une équipe de onze professeurs a pu expérimenter, modifier, adapter un dispositif de remédiation pendant trois ans, autour de la coopération et la co-réflexivité entre les élèves.
Ces ateliers sont construits autour de l’idée qu’il faut penser ensemble, élèves et professeurs, l’apprentissage et la relation au monde. La plupart des élèves ayant participé à cette expérience se sont avérés plus ou moins déconnectés de leur vie lors des apprentissages. Ils sont clivés : élèves à l’école et sujets en dehors. L’élève est un sujet en premier lieu, de son histoire affective et cognitive. La question est : comment articuler les deux ? S’agit-il d’apprendre ou de comprendre ? Quel est le rapport des élèves au savoir ? Les ateliers réflexifs montrent qu’il faut, pour comprendre, penser ensemble apprentissage et relation au monde.
Le fonctionnement des ateliers réflexifs
Les chapitres 1 à 4 présentent le fonctionnement du dispositif d’accompagnement réflexif pour une meilleure compréhension, une séquence complète de ce dispositif et un bilan. L’objectif de départ était double :
• Chercher à comprendre le fonctionnement cognitif des élèves « scolaires » en difficulté, en interrelation avec leur fonctionnement affectif, notamment leur rapport aux savoirs, à l’école et au monde ;
• Proposer un dispositif de remédiation.
Cette recherche-action a permis de mieux comprendre les enjeux de la compréhension et de l’étendre à tous les profils d’élèves, de l’école primaire au lycée. La création de ces ateliers s’est étalée sur plusieurs années avec des allers-retours entre expérimentation et réflexion. L’idée essentielle a été de travailler avec « ce qu’il se passe dans la tête » pour les élèves en difficulté. Le dispositif s’appuie également sur quatre autres principes :
• Il vise des compétences transdisciplinaires liées à la compréhension (écoute, prise de note, relecture, travail personnel) ;
• Il s’agit d’un accompagnement et non d’une méthode à appliquer ;
• L’apprentissage est expérientiel : c’est l’expérience qui permet de développer un savoir personnel ;
• L’atelier ouvre un espace de médiation où les élèves sont considérés comme des sujets avec leurs sentiments, leurs imaginaires et leurs désirs.
Le déroulement d’un atelier réflexif est le suivant :
• Phase préalable : rappel des règles (respect mutuel) et objectif de la séance (compréhension en relation avec un travail scolaire).
• Séance en 4 temps :
1- Temps d’évocation à partir d’une expression, d’un extrait de cours, d’exercice.
2- Temps d’explicitation : mise en commun des évocations avec, progressivement, au cours des séances, l’utilisation d’un diagramme avec les différents champs d’évocation.
3- Temps d’intelligibilité : la co-réflexion du groupe permet d’organiser et de mettre en relation l’ensemble des évocations, sans juger ni chercher à corriger.
4- Temps de l’améliorable : le groupe cherche à co-construire une représentation plus ou moins commune qui « parle » à chacun.
• L’atelier se termine par un bilan réflexif qui est un retour de chacun sur ce qui a été vécu ou sur ce qu’il en retient.
Tout au long de l’expérimentation, les professeurs se sont approprié différents outils et savoir-faire pédagogiques. L’utilisation de l’évocation, la prise en compte de l’affectif et l’utilisation de cartes heuristiques sont, pour Bernard Gouze, indispensables pour animer ces ateliers réflexifs.
Les derniers chapitres explicitent les différents enjeux de ces ateliers réflexifs, à commencer par les enjeux pédagogiques pour les élèves et les enseignants, ainsi que pour l’école. Ces enjeux sont complétés par un double éclairage théorique, avec l’apport des études en neurosciences et de la psychologie.
Conclusion : le bilan des ateliers réflexifs
Selon l’auteur, ces ateliers réflexifs ont permis :
• Une meilleure progression dans le bilan scolaire des élèves ;
• Une progression de la richesse de leur réflexion dans toutes les tâches transdisciplinaires, notamment à propos des méthodes permettant d’organiser la pensée (hiérarchisation, structuration) ; de l’évocation (entre les différents cours et avec la vie de tous les jours) ; de la mise en relation avec le quotidien, d’autres parties du cours ou d’autres disciplines.
• Une prise de conscience réflexive ;
• Et enfin, une nouvelle mobilisation vis-à-vis des savoirs se traduisant par un changement d’attitude des élèves.
Les ateliers réflexifs présentés par Bernard Gouze proposent un nouveau rapport au savoir et permettent de réfléchir à nos pratiques et donnent des pistes de remédiation face aux difficultés de nos élèves. Ils permettent, en s’appuyant notamment sur des travaux ou des réflexions d’élèves, de mieux comprendre les mécanismes internes de nos élèves et leurs blocages. En mobilisant des approches diverses, l’auteur montre que l’accompagnement de la compréhension peut s’avérer très efficace, dans toutes les disciplines. En aidant l’élève à mettre à jour « ce qui se passe dans sa tête », l’enseignant peut l’amener à effectuer les opérations mentales nécessaires à une compréhension authentique.