« Apprendre à lire le monde » est un manuel de géographie édité en Belgique pour, a priori, des élèves de 14 à 18 ans poursuivant leur scolarité en Belgique. L’objectif annoncé vise « à donner les moyens d’atteindre les compétences terminales aux 2e et 3e cycles de l’enseignement secondaire à acquérir en fin d’Humanités ». Car, conformément au décret du 24 juillet 1997, « les responsables politiques de l’enseignement en communauté française de Belgique ont défini les compétences terminales et les savoirs requis en géographie pour les humanités générales et technologiques ».
Il ne s’agit donc pas d’un manuel dédié à une classe en particulier. Non, nous avons là un manuel « boîte à outils » dont les objectifs « sont d’apprendre à acquérir des connaissances en leur donnant du sens pour être capable de pouvoir agir en situation, de savoir-faire et de savoir être ». Il s’agit donc « d’amener les élèves à comprendre le Monde dans lequel ils vivent et à y prendre des responsabilités ».
Vu sous cet angle, les objectifs de ce manuel ne diffèrent pas de ceux qui sont assignés en France, pour la même discipline à savoir la géographie.
C’est pourquoi il est intéressant de s’y pencher plus précisément pour saisir tous les tenants de ce manuel. Il faut savoir qu’en France nous avions, naguère, des équivalents mais aujourd’hui, les éditeurs ont préférés distiller dans les manuels ce que nous avions appelé plus haut la « boîte à outils » au risque, parfois, de se répéter si ce n’est pas se contredire.
Le présent manuel se subdivise en six chapitres qui peuvent être consultés séparément même si, on devine une progression.
Le premier chapitre intitulé « les démarches d’un raisonnement géographique ». Après avoir brièvement décrit les démarches inductive et déductive, les auteurs nous offrent dix méthodes de travail qui vont de la recherche des informations à la construction d’un texte de synthèse, en passant par la production d’une carte de synthèse ou d’un croquis cartographique de synthèse.
Bien que ces méthodes constituent probablement des points incontournables dans ce type de manuel, il apparaît néanmoins à la lecture que la méthode elle-même est souvent trop généraliste. Et même si chaque méthode est pourvue d’un exemple, ce dernier n’est pas souvent à la hauteur des attentes du lecteur. Prenons pour exemple la méthode 5 concernant la problématique, « bête noire » de beaucoup d’élèves. A la réponse comment énoncer une problématique ? Les auteurs répondent en cinq points :
– Décrire la situation mise en évidence par l’observation des faits
– S’interroger et identifier les différentes problématiques
– Choisir la problématique
– Formuler la problématique
– Rédiger la problématique dans un langage simple et précis
Un point c’est tout !
Il est vrai que ces dix méthodes méritaient à elles seules tout un manuel. Il est vrai aussi qu’un manuel de géographie se doit de traiter de ces méthodes. Mais là, une fois encore, le lecteur fera les frais d’une inadéquation entre les impératifs des éditeurs et ses propres besoins.
Le deuxième chapitre traite des « réseaux géographiques ». Ce réseau géographique nous dit-on d’entrée, c’est l’organigramme de l’espace géographique. Un chapitre tout entier consacré à la théorie très bien illustré. Mais surtout, on pourra y apprécier la progression scientifique.
En effet, le chapitre s’ouvre sur une interrogation « où ? ». Et c’est, nous dit-on, la question clef en géographie. La réponse à cette simple question c’est la découverte de lieux. Un ensemble de lieux constitue un paysage. Enfin, l’espace géographique est la combinaison, en un ensemble de lieux, de composantes complexes structurées entre elles. Ainsi, l’espace géographique se perçoit concrètement et visuellement par des paysages. Il est vrai que les nombreux organigrammes en couleurs, permettent de bien saisir toutes ces notions qui, a priori, sont complexes. Les organigrammes eux-mêmes se complexifient au fur et à mesure et ressemblent à la fin davantage à des mind maps ce qui assure une très bonne compréhension et même une très bonne assimilation.
Le troisième chapitre se veut plus concret puisqu’il traite du « lieu ». En fait, il s’agit d’un approfondissement d’une partie du premier chapitre. Y sont évoqués les noms des lieux avec leurs changements comme l’antique Byzance devenue Constantinople avant d’être aujourd’hui Istanbul. Le nom a ainsi changé au cours du temps même si le lieu est resté le même. Sont également évoqués les noms donnés aux continents selon la réalité historique ou géologique etc…
Puis cette courte présentation des lieux se termine sur deux méthodes à savoir : localiser un lieu et lire la localisation d’un lieu sur une carte. En fait, la première méthode est un abrégé de la seconde. Il s’agit dans les deux cas de donner la position géographique du lieu, d’en évaluer les dimensions et pour finir de lire la situation relative de ce lieu par rapport aux repères spatiaux, à d’autres lieux et d’autres espaces. On l’aura compris, cet exercice ne peut se faire qu’à l’aide d’une carte, carte qui est ici, absente.
Le quatrième chapitre est un changement d’échelle puisqu’il aborde le paysage. Mais là encore, c’est une reprise d’un chapitre précédent (le deuxième). D’ailleurs l’organigramme (mind map) présenté est en tout point identique à celui du chapitre deux. Ah oui, les couleurs ont été modifiées !
Et sur une double page on nous présente « la lecture d’un paysage ». A l’aide de deux photographies, les auteurs nous démontrent que le paysage d’un lieu se modifie dans le temps tout en conservant les traces du passé. Puis, sans transition aucune, ils nous disent que le paysage est perçu et ressenti subjectivement par chaque individu mais qu’il peut être décrit et expliqué par une démarche scientifique dans le but de comprendre l’organisation spatiale de ses composantes.
Quelle est cette démarche ? On ne le saura pas. Les auteurs nous annoncent simplement des différents types de vues (prise au sol, panoramique…).
Les quatre méthodes qui suivent seront davantage une aide. Classiques certes, elles auront au moins le mérite d’exister. En effet, il s’agit tout d’abord d’une délimitation des plans d’un paysage et d’une coupe topographique ; puis de deux grilles d’analyse permettant pour l’une l’observation des éléments d’un paysage et pour l’autre, l’observation des plans d’un paysage.
Le cinquième chapitre constitue lui aussi un changement d’échelle puisqu’il traite de l’espace géographique. Et, une fois de plus, le chapitre s’ouvre sur le même organigramme déjà présenté au chapitre deux ! Quant à la méthode, elle présente tout simplement un « organigramme muet » pour lequel les auteurs nous disent qu’il faut le compléter… Tout un chapitre composé de deux doubles pages seulement !
Le sixième chapitre verse lui aussi dans le classique du genre puisqu’il nous propose de passer en revue les outils géographiques. Et c’est de loin la partie la plus volumineuse puisqu’à elle seule, elle occupe plus de quarante pour cent du manuel.
Du tableau statistique à la télédétection, rien n’a été omis. Avec cette fois, pour chaque outil une explication convenable, des exemples et une rubrique « comment lire, utiliser ». Simples mais claires, ces pages pourront constituer un véritable pense-bête pour les élèves. Pour les cartes notamment, les auteurs abordent leurs avantages, leurs limites mais aussi les difficultés de lecture.
Enfin, le manuel s’achève sur un glossaire de plus de cinq pages qui sauront sans nul doute apporter une aide précieuse aux élèves.
En conclusion, ce manuel est indubitablement un outil pour apprendre à lire le monde. Il n’est pas, et les auteurs insistent, un manuel pour une classe donnée. Nonobstant, à qui s’adresse-t-il véritablement ? Aux enseignants, aux élèves ?
Aux enseignants pour les aider à préparer leurs leçons ? Peut-être. Aux élèves pour compléter un cours, pour rafraîchir leurs connaissances ? Peut-être.
En réalité, après sa lecture, on hésite encore. Il pourra probablement accompagner une scolarité. Mais n’est-il pas en même temps trop ambitieux et trop superficiel ?
Compte rendu par Jacques MUNIGA