Violaine Roussel est professeur de sociologie à l’université Paris 8 et professeur associée à l’University of Southern California. Son travail de recherche porte sur les relations entre art et politique et les logiques de production de la « culture populaire ». Elle a notamment publié Art versus War. Les artistes américains contre la guerre en Irak en 2011. Ce court ouvrage étudie le « moment Trump » dans l’art.

Les artistes, inquiets pour le financement des arts, vivent l’élection de D. Trump comme un choc : les sociologues Jeffrey Alexander et Roy Eyerman évoquent réciproquement un « cultural trauma » et un « collective trauma ». Pendant la campagne, les difficultés du candidat Trump à mobiliser des artistes sont inédites, même si traditionnellement, les milieux artistiques sont traditionnellement démocrates. Par la suite, une nouvelle cause centrale se construit : le mouvement Me Too contre les inégalités de genre et les abus sexuels. L’activisme des artistes passe des milieux musicaux aux professionnels des écrans.

Ron Eyerman – La musique contestataire à l’ère de Donald Trump

La musique affecte les émotions humaines, tend à attirer et à rassembler les êtres humains. A ce titre, elle connaît de nombreuses applications politiques. Son usage est fréquent lors des campagnes politiques et des manifestations. Le texte accompagnant la musique peut comporter un message politique explicite.

Deux vagues de manifestations sont évoquées : la première lors de la victoire de Donald Trump aux primaires républicaines, la seconde en 2016 autour de sa politique en matière d’immigration. Par exemple, la chanson de Woody Guthrie, This Land Is Your Land est réinterprétée par Chicano Batman en version hip-hop, associant l’anglais et l’espagnol.

Chicano Batman – This Land Is Your Land

Taina Asili Y La Banda Rebelde affirme No Es Mi Presidente / « Ce n’est pas mon président.

Taina Asili – No Es Mi Presidente

Les marches de femmes du 25 janvier 2017 ont mobilisé entre 3,3 et 4,6 millions de personnes aux Etats-Unis autour du morceau de Fiona Apple, Tiny Hands, enregistré pour l’occasion. D’autres artistes soutiennent les manifestations, par des messages sur les réseaux sociaux ou en y participant. Par exemple, Madonna a prononcé un discours lors du rassemblement.

Fiona Apple – Tiny Hands

Le hip-hop tient une place centrale dans les chansons contestataires anti-Trump. FDT (Fuck Donald Trump) de YG et Nipsey Hussle démarre avec une longue introduction expliquant les raisons de s’opposer à Donald Trump. Le clip reprend un extrait du discours de Donald Trump annonçant la construction d’un mur entre le Mexique et les Etats-Unis, suivi d’images de manifestations des latinos contre sa politique migratoire.

FDT de YG et Nipsey Hussle

Eminem touche un public beaucoup plus large et a évoqué plusieurs fois la politique de Trump, par exemple dans Campaign Speech ou The Storm.

A l’opposé, la country est un genre peu représenté dans la musique anti-Trump, mais il existe quelques exceptions comme Dixie Chicks, Judy Klass, Tom Songs ou encore Willie Nelson. Tom Songs a par exemple réactivé un titre pacifiste visant originellement George W. Bush, Impeach : « Impeach, seven little letters gonna set us straight, how much Trump we donna take ».

Les émissions de débat de fin de soirée sont pour la plupart animés par des présentateurs anti-Trump comme Stephen Colbert ou Jimmy Kimmel et offrent une large tribune à la musique protestataire, ainsi que les réseaux sociaux.

Playlist de Time sur les chansons anti-Trump

Bleuwenn Lechaux – La résistance silencieuse des corps fragilisés. Des performances endeuillées face au spectacle de Trump

Deux spectacles sont évoqués : les séances d’écriture automatique du collectif Révérend Billy and the Church of Stop Shopping dans le jardin de la Trump Tower et la pièce de théâtre Cut Piece for Pant Suits de JoAnne Akalaitis et Ashley Tata. Dans ces performances, le silence tient une place importante, les artistes s’inspirent des actions d’Act Up. Ils investissent également des lieux symboliques, des espaces publics.

Christine Cadot – Statuaire et politique. Luttes mémorielles autour des monuments confédérés

Les statues confédérées sont liées à la reconnaissance des grandes figures militaires du sud des Etats-Unis mais aussi à l’esclavage et à la ségrégation. En août 2017, les violences de Charlottesville éclatant à la suite de la décision de la municipalité progressiste d’accéder à la demande d’une élève de déboulonner la statue équestre du général sécessionniste Robert E. Lee.

Les statues confédérées ont connu deux pics d’édification :

  • Dans le premier quart du XXe siècle, de nombreuses commandes de monuments célèbrent le cinquantenaire de la guerre de Sécession dans un sud ségrégationniste. A Charlottesville, la statue de Robert E. Lee est érigée à la limite des quartiers afro-américains. En 1965, le quartier de Vinegar Hill est détruit et les communautés noires aisées sont expulsées.
  • Un 2e pic de commandes a lieu lors du développement du mouvement des droits civiques.

Christine Cadot compare les villes de Richmond et Charlottesville, qui comptent chacune trois statues ségrégationnistes. La municipalité de Richmond a choisi d’ajouter des plaques près des statues pour en préciser le contexte, mais aussi de créer des monuments mettant en avant des figures afro-américaines. Les conservateurs ont demandé en vain d’éloigner ces nouvelles statues des statues confédérées.

Concernant Charlottesville, le vote du retrait de la statue en février 2017 s’est accompagné d’un financement d’un plan de réhabilitation des quartiers noirs, ce qui constitue une forme de « réparation mémorielle » pour la destruction de Vinegar Hill.

La municipalité de Charlottesville est poursuivie par des résidents souvent anciens vétérans, par des organisations philanthropiques. Donald Trump réagit sur Twitter regrettant la perte de « beaux monuments » tout en craignant que certains ne s’en prennent aux statues de Washington et de Jefferson. Le démontage des statues est ainsi associé à du vandalisme.

Une bibliographie commentée est disponible à la fin de l’ouvrage.

Jennifer Ghislain pour les Clionautes