Octobre 1886. Louis Pasteur est à l’apogée de sa carrière, ses premières inoculations contre la rage sont un succès et il est devenu une star. Mais un matin, le chercheur craque, il ne réussit plus à se lever ; même le traitement du médecin de famille ne parvient pas à le tirer de son apathie. Très inquiète, Marie, sa femme, lui demande de consulter un étrange spécialiste. Conscient du retard que prendraient ses projets si l’opinion apprenait qu’il est malade, Pasteur accepte. Le voilà chez un psy, qui diagnostique un burn out… Voici l’alléchant résumé de J’ai craqué au bureau, l’histoire ébouriffante de la découverte du vaccin contre la rage.

Dans ce roman autobiographique, Louise Cado, journaliste vivant à Tours, nous raconte les années qui entourent la découverte du vaccin contre la rage, de 1881, moment où Pasteur commence à s’intéresser à cette maladie mortelle, jusqu‘à l’inauguration de l’Institut Pasteur, le 14 novembre 1888, par le président Sadi Carnot. Au travers d’une approche intelligente, humoristique et très originale, l’auteure nous narre cette incroyable aventure, bien documentée et très proche de l’histoire réelle (mis à part pour la thérapie du héros).

L’histoire de la découverte du vaccin contre la rage

La première et plus imposante partie du roman présente le contexte de la découverte du vaccin et de sa diffusion. Elle présente la situation professionnelle de Louis Pasteur, ses découvertes novatrices (d’une technique de conservation du vin à la nécessité d’une hygiène irréprochable dans les services hospitaliers pour sauver des vies), ses confrères haineux lui opposant de nombreux obstacles, la difficile recherche de fonds pour créer l’Institut Pasteur, etc.

Le récit suit une trame chronologique, permettant au lecteur de suivre l’évolution des recherches du héros sur la rage, ses essais sur des animaux, puis sur des hommes, ses échecs, ses réussites, ainsi que l’évolution de l’opinion de ses pairs, de la population mais, également des dirigeants, sur ses travaux, avec toujours des admirateurs et des détracteurs haineux.

Dans le quotidien de Pasteur

La grande force de ce roman est de nous transporter, toujours avec humour et une bonne dose de fantaisie, dans la vie quotidienne de ce génie de la microbiologie. Tout en suivant son parcours, nous découvrons ses manies, et notamment sa phobie des germes qui donne lieu à des scènes hilarantes, sa personnalité atypique et sa modernité. Animé par une irrépressible soif d’apprendre et par une sorte d’hyperactivité, Pasteur apparaît également comme un homme sensible. Cela se voit, par exemple, lors des premiers essais du vaccin sur un enfant ou quand il se rappelle des enfants qu’il a soigné lors de sa thérapie.

Le rôle clé de son entourage, et notamment de son épouse Marie, est un point central de sa réussite. En effet, peu connue, elle n’en tient pas moins une place très importante dans la vie du scientifique. C’est elle qui permet à Pasteur de trouver son équilibre et de pouvoir se consacrer à ses recherches sans se préoccuper du quotidien. Elle a un rôle clé dans l’obtention de fonds pour la création de son Institut ou en l’alertant sur des polémiques malveillantes à son sujet.

Une thérapie fictive mais ô combien jouissive

La dernière partie, la meilleure selon moi, concerne son burn out et sa thérapie. J’ai craqué au bureau n’est pas une biographie exhaustive, ni un essai scientifique sur les travaux de Louis Pasteur. Si le personnage n’a pas fait de thérapie, la psychologie en étant à ses débuts, les séances d’hypnose avec le Docteur Pierre Janet, un des pères fondateurs de la psychologie française, sont basées sur la correspondance de Pasteur, notamment avec sa femme, et les écrits de son entourage.

Une lecture savoureuse et une collection de romans pleine d’avenir

Ce roman, très agréable à lire, apprend beaucoup sur la vie de Pasteur et ses travaux scientifiques, de même que sur l’État de la médecine du XIXe siècle en France. Dans cette nouvelle collection des Editions Eyrolles, les romans autobiographiques proposés mêlent fiction et réalité. Cette autobiographie pop’ de Louis Pasteur, comme celle de Jeanne d’Arc, est construite autour de travaux historiques sérieux, avec un très intéressant chapitre pour démêler le vrai du faux et expliquer la démarche d’écriture du roman, un autre sur le destin des personnages croisés tout au long du récit, des pistes de lectures pour aller plus loin, et, enfin les dates clés de la vie et des recherches de Pasteur, à la fin de l’ouvrage. L’utilisation habile d’une thérapie pour raconter l’enfance et la scolarité de Louis Pasteur est très savoureuse.

L’originalité réside dans le ton humoristique employé tout au long du récit. Le décalage entre le sujet de fond, très sérieux et documenté, les anachronismes et le vocabulaire très familier, rendent le personnage et ses recherches très accessibles. Les dialogues sont souvent savoureux et hilarants, notamment avec Marie, les assistants de Pasteur ou avec Pierre Janet, le thérapeute.

L’objectif de cette collection de Roman d’Histoire Pop’ est d’instruire le lecteur sur les grands personnages de l’Histoire, tout en rendant le récit vivant et drôle. Cette approche, qui m’avait déjà beaucoup plu dans Mon enfance tout feu tout flamme, continue de me séduire, le mélange entre Histoire, fiction intelligente et humour fonctionnant à merveille. Le design de l’ouvrage, avec une couverture pétillante et un jaspage rose vif, est attractif.

On peut aisément imaginer des élèves de fin de collège ou de lycée se laisser happer par cette approche humoristique de l’Histoire. Ce roman, ainsi que tous ceux que comptera cette collection des Editions Eyrolles, ont donc toute leur place dans les CDI des collèges et des lycées.

Présentation de l’éditeur, avec un extrait