Avec le début des beaux jours, enfin ! Les éditions Signes et Balises nous proposent l’un des plus beaux livres de leur catalogue que la Cliothèque ont très fidèlement traité depuis des années. Beau livre en effet que ce voyage initiatique, cette déambulation dans les rues d’Athènes, carnet de notes et appareil photographique en mains.
Chaque texte et chaque image qui l’accompagne se retrouvent intimement liés dans une musicalité de la langue, magnifiquement traduite par l’éditrice, Anne-Laure Brisac. Le texte fait écho et donne du sens à la banalité de l’objet, comme cette chaise en plastique abandonnée près de l’immeuble d’accueil des réfugiés… Et l’esthétique rejoint alors le drame, un peu comme dans cette île grecque, Scio, où Delacroix avait su montrer de la beauté dans une scène de violence… La Grèce c’est aussi cela, cette étape parmi d’autres des femmes et des hommes qui ont prit le chemin de l’exil.
Athènes n’est pas cette ville musée des tour – opérateurs mais bien un personnage vivant, comme ces brins d’herbe qui poussent entre les pavés de la bibliothèque nationale. On peut y voir aussi une forme de négligence, imposée par des plans d’austérité successifs imposés par l’Union européenne. Où sont les agents de voirie qui éliminent inlassablement ces herbes folles ? Sans doute licenciés et retournés dans leurs villages.
Athènes, la ville se privatise au fil des déambulations, l’espace public se voit délimité, approprié par des rubans rouges et de blanc de chantiers improbables. Qui est en le maître d’ouvrage ? Quel moderne Phidias a pu imposer sa marque dans la banalité de rues où le bitume se fissure ?
Chaque image est une histoire, invitation au voyage, étonnante juxtaposition de signes qui délivrent un formidable message de vie. Derrière les stigmates d’une décrépitude subie, comme ces palettes de bois sur le toit d’une 2CV Citroën hors d’âge, on devine les ressorts d’une ingéniosité prête à se manifester encore
Athènes, la Cité, la Polis de ces femmes et de ces hommes aux histoires singulières qui s’inventent un avenir et rien, ni les plans d’ajustements structurels, ni les injonctions de la banque centrale européenne n’y pourront rien changer…
Une fois la dernière page refermée, avec le goût de ces pains au sésame de la place Syntagma dans la bouche, l’auteur de ces lignes ressent une furieuse envie d’écrire encore, de raconter des émotions, de fixer des moments. Athènes, la Cité au cœur, moment de vie capturés et restitués dans ce beau livre.
Athènes – Disjonctions. Le titre s’impose, dans le claquement sinistre du disjoncteur qui précède l’absence de lumière de la dernière image… Et on comprend aussi pourquoi on a envie de disjoncter… ou de partir pour Athènes à défaut de Cythère…
Bruno Modica