Selon la Bible, la tour de Babel est un monument qui montait jusqu’au ciel et qui devait rassembler les langues du monde entier. Or, depuis son apparition dans l’Ancien Testament, cette tour, qui est devenue le symbole de l’orgueil des humains, est une source d’inspiration pour les artistes. Ainsi, entre autre, on peut citer les tableaux de Peter Brueghel l’Ancien au XVIème ou, plus récemment, l’organisation de la ville de Metropolis dans le film éponyme de Fritz Lang. Il n’y a donc rien de surprenant à ce qu’un magaka féru d’architecture se penche sur cette histoire.
L’auteur
Akira Ashimo fait ses débuts de mangaka en 2018 en publiant sur le site Jihen un one shot intitulé Calcul différentiel, calcul intégral, fin du monde. Pendant ses études d’architecture à Vienne, il poursuit son activité d’écriture en écrivant sa première série, Les architecte de Babel, prépubliée dans la collection Jihen de Manga Zero. Cette série est alors divisée en 14 chapitres (plus un dernier chapitre fantôme) qui ont été regroupés dans le présent volume. A côté, il préside aussi aussi Yoyokosha, une petite structure qui fabrique des livres de façon artisanale et les publie à compte d’auteur.
L’histoire:
En 1754 av. J-C, le royaume de Babylone est gouverné par le roi Hammourabi. Afin d’unifier toutes les langues de la région et ainsi garantir la paix, il veut faire construire la plus haute tour du monde, une tour qui atteigne le soleil. Le grand prêtre Narcis souffle alors au roi que le seul architecte capable de réaliser cet exploit se nomme Nimrod, un descendant de Noé vivant à Dilmun, situé à 270 km de Babylone.
Le roi charge alors son jeune architecte du palais, Gaga, de ramener Nimrod à Babylone sous dix jours : si il échoue, il sera exécuté. Ce dernier est rejeté par son père, le général Melem-Ana, qui considère comme une honte d’avoir un fils architecte et non pas soldat : Gaga voit, donc, dans cette mission une façon d’obtenir la reconnaissance paternelle.
Arrivé à Dilmun, Gaga fait la connaissance de Lou, la jeune esclave de Nimrod. Il découvre alors que ce dernier est un génie autiste qui ne trouve l’inspiration qu’à l’aide de la consommation d’un miel très rare, pour lequel il s’endette. Pour rembourser ses dettes, Nimrod accepte des travaux d’architecte qu’il n’a pas le temps de terminer.
Après avoir terminé les travaux inachevés de Nimrod, Gaga s’apprête à rentrer à Babylone accompagné de Nimrod et de son esclave, Lou. Pendant ce temps, le roi de Kish, Eshtar-Muti, qui a une aventure avec Déborah la première épouse d’Hammourabi, décide de profiter de l’absence de ce dernier à Babylone pour lancer une attaque sur la capitale. Pour réussir son siège, il a fait construire des tours d’assaut particulièrement efficaces.
De retour à Babylone, Gaga, Nimrod et Loulou se retrouvent au milieu des combats qui opposent le royaume de Kish et le royaume de Babylone. Sortiront-ils vivants de ces affrontements ? Réussiront-ils à bâtir la tour demandée par Hammourabi ?
Mon avis
Autant le dire tout de suite, ce manga n’a pas grand chose d’historique : il se contente de prendre pour toile de fond la Mésopotamie du XVIIIe siècle av. J-C et le récit biblique pour raconter l’histoire de Gaga et de Nimrod, ces deux architectes qui vont devoir collaborer pour construire la plus haute tour du monde. De même, on aurait pu attendre d’un mangaka passionné d’architecture une plus grande attention portée à la représentation des monuments de l’époque. Seule la tour de Babel est particulièrement détaillée, son architecture reprenant d’ailleurs beaucoup le modèle de Peter Brueghel l’Ancien.
Cependant, Akira Ashimo réussit à nous livrer un seinen (manga destiné aux hommes adultes) de qualité. Certes, il ne passe pas à côté de certains clichés du genre (comme la maléfique Déborah qui trahit son mari pour un amant plus jeune et puissant ou le roi Hammourabi représenté sous la forme d’une divinité géante) mais globalement le dessin est particulièrement soigné. Grâce au dessin, les principaux protagonistes de l’histoire sont attachants. Les tribulations de ce trio (Lou a un rôle important au côté des deux architectes) réussissent à nous tenir en haleine jusqu’aux dernières pages de ce « gros » manga.
Pour conclure, on peut aussi lire ce manga comme une fable ouvrant une réflexion sur la force de l’esprit versus la force des armes comme le découvre Gaga (« Le champ de bataille sur lequel je dois me battre n’est pas celui-ci ! Moi, je suis un architecte de Babylone et ma guerre, je la mène sur les plans ! »). Il nous amène aussi à nous interroger sur la notion de « génie » et, même dans les dernières pages, sur la postérité des monuments gigantesques (des pyramides jusqu’aux gratte-ciels) et leur importance dans l’histoire de l’Humanité.