Toujours animée par une incroyable boulimie dans le domaine de la production d’atlas, les éditions Autrement proposent ici un volume indépendant de la collection habituelle, signé de la plume d’Olivier Marchon, déjà auteur en 2013 d’un ouvrage insolite sur la France « Le Mont Blanc n’est pas en France. Et autres bizarreries géographiques ».
Cartographié par Aurélie Boissière et préfacé par le truculent François Morel, l’opus se distingue du créneau éditorial concerné puisqu’il se veut « indispensable parce que parfaitement inutile ». Et l’humoriste de rajouter que le livre pose justement les « bonnes questions ».
Il est vrai que maîtriser le nombre de bises en usage dans chaque département devrait pouvoir vous éviter de vous mettre dans une situation inconfortable et connaître la limite distinguant l’appellation « pain au chocolat » de la « chocolatine » (dont il n’est d’ailleurs pas précisé s’il/elle est emportée dans un « sachet » ou dans une « poche ») devrait vous permettre de ne pas en venir aux mains.
C’est sans nul doute sur ces éléments culturels et sociétaux futiles que le style, très souvent exquis, de l’auteur prend tout son sens même si les nombreux toponymes de notre vieille France constituent une autre source d’inspiration puissante. Si certaines communes aux noms « burlesques » sont déjà regroupées en association depuis longue date, Olivier Marchon n’hésite pas à proposer d’autres classements à l’image de celui qui pourrait faire se rencontrer des communes « ultrasentimentales » (« Charmes », « Pleurs », « Joyeuse », « Plaisir » ou encore « Bougon ») et même des communes « anatomiques » (« Tendon », « Jarret », « Ongles », « Lombers » ou « Saint-Genou »). Et il est vrai également que si l’on pousse le vice à faire des duos dans le cadre d’étapes imaginaires du Tour de France, on peut arriver à de très sympathiques résultats comme des « Pornic-Samer », des « Talon-Aiguilles », des « Aureille-Sales », voire des « Besse-Montfroc ». Délectable !
Mais en s’obligeant à jouer la carte du plan « à tiroirs », on en arrive à concevoir des parties très inégales où l’idée énoncée en quatrième de couverture de « se cultiver en s’amusant » ne peut pas prendre réellement. Même si elles demeurent très instructives, les cartographies des plans sociaux, de la diffusion territoriale des euros, du commerce de détail de la partie « économie » ne génèrent pas nécessairement le sourire, tout comme celles des invasions à travers les âges, des morts pendant la Première Guerre Mondiale, des principales batailles de France de la partie « histoire ».
Côté réalisation, le travail est impeccable, les cartes apparaissent variées et très soignées même si parfois, on se demande l’intérêt d’en proposer lorsqu’il n’y a qu’une seule occurrence à représenter (p 80, sur l’élevage de grenouilles à Pierrelatte). Quelques graphiques complètent les cartographies, l’occasion de s’en repayer une bonne tranche en analysant les rapprochements de certains prénoms avec la mention au bac (les « Adèle » seraient les mieux armées) ou avec la date de diffusion de certaines séries télé (hantant toujours bien nos listes d’élèves, les « Dylan » ne cessent pourtant de décroître depuis la fin des épisodes de « Beverly Hills 90210 »). Signalons discrètement une petite faute de frappe, page 72 sur les « villes étapes » du Tour de France (il manque un « l » à « ville »).
Quelle portée ce genre d’ouvrage peut-il avoir en définitive ? Peut-il caricaturer la géographie en la faisant passer pour une simple machine à tout cartographier, même les faits les plus anodins ? Ou, au contraire, peut-il servir sa cause en amenant un public nouveau, curieux et amusé ? Sans doute que, comme François Morel, on peut énoncer « qu’on aurait tort de considérer cet ouvrage avec trop de légèreté ». En ce sens, les défauts énoncés précédemment (la question du plan) pourraient peut-être se solutionner lors d’un second volume, puis d’un troisième, puis d’une longue série rameutant de nouvelles troupes par le biais de « l’humour spatial » ?
En attendant de voir, je me questionne, comme l’auteur, sur le pourquoi de la surconsommation de Viagra dans l’Est de la France…