Défini comme « l’ensemble des flux d’énergies et de matières mis en jeu par le fonctionnement des villes », le métabolisme est au cœur de l’analyse de ce bref opus des cahiers POPSU (Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines).

Rédigé par Sabines Barles et Marc Dumont, professeurs des universités en urbanisme, respectivement à Paris 1 et à Lille, le propos repose sur deux idées fortes : 1/l’interdépendance est une clé pour penser les politiques d’aménagement, 2/la prise en compte de la dimension matérielle de la vie des sociétés métropolitaines.

Convoquée ici en exemple, la métropole lilloise pourrait-elle donner l’exemple d’un modèle polycentrique à gouvernance multilatérale ? Le secteur, fortement soumis à la pollution, n’est pas exempt de paradoxes entre les anciens bastions du Bassin Minier et la turbine tertiaire d’Euralille mais également entre des surfaces aussi bien résidentielles qu’agricoles.

Le livre offre une enquête questionnant les besoins de la métropole et comment s’y atteler pour y répondre.

Les premières pages reviennent sur l’historique du terme « métabolisme urbain » mobilisé par Marx pour dénoncer la surexploitation des ressources naturelles et aboutir à une « rupture métabolique ». Geddes lui accorde une vision plus urbaine par la suite. S’en suit une phase de désintérêt avant un retour dans les années 1960 avec l’écologie urbaine.

L’intérêt est d’unir l’amont (le consommateur) avec l’aval (les émissions polluantes) pour révéler les liens fonctionnels (ou leur absence). Cela est d’autant plus important pour les villes définies par les particularités de leur métabolisme justement.

Les villes ont externalisé, presque totalement, la production physique de leurs ressources. Mais elles externalisent aussi leur « non soutenabilité » et ont une dette écologique vis-à-vis des zones qui les approvisionnent.

Dès lors, comment faire la mesure de tout ça ? On emprunte à Lavoisier la formule « Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ». Plusieurs méthodes existent :

  • On peut travailler à partir des types d’activités (se nourrir, se laver, résider et travailler, transporter et communiquer) en décrivant les étapes amenant à des productions de flux divers,
  • On peut répertorier les flux entrants et les flux sortants de chaque territoire,
  • On peut mobiliser une approche mixte au travers de l’étude d’un ensemble de matières ou d’une phase spécifique de la circulation matérielle énergétique.

Les flux entrants sont les ressources locales et les importations. Les flux sortants sont les exportations et les émissions vers la nature. En outre, il faut identifier l’origine et la destination des flux pour comptabiliser les distances qu’ils parcourent.

Sur l’alimentation, on note un grand « chassé croisé » : on consomme assez peu de ce qu’on produit localement malgré une belle proportion de terres agricoles (beaucoup part à l’exportation donc).

Sur l’énergie, il est difficile de trouver toutes les sources tant le réseau est entièrement interconnecté mais on a localement la centrale de Gravelines ainsi que le complexe industrialo-portuaire de Dunkerque et des arrivées de gazoducs en Belgique frontalière.

Le cycle de l’eau est bien plus local.

Pour les matériaux de construction, on importe davantage que ce que l’on extrait du sol.

Enfin, sur les déchets, la gestion est complexe mais au final, le système permet tout de même massivement le recyclage et la valorisation.

La seconde partie de l’ouvrage porte sur les cadres possibles des interventions qui permettront de relever les cinq défis cités : 1/défi de connaissances, 2/défi de production et d’expérimentation d’outils, 3/défi de transcription en politiques publiques, 4/défi d’un récit politique du « faire métropole ensemble », 5/défi de la transition et de son pilotage car, pour beaucoup de flux, les métropoles « n’ont pas la main »…