« Plus de 120 cartes et infographies pour comprendre le conflit qui divisa l’Europe et le monde en deux blocs sans jamais dégénérer en guerre mondiale ». Elles sont réalisées par la géographe-cartographe Aurélie BOISSIÈRE et sont commentées par Stanislas JEANNESSON, professeur d’histoire contemporaine des relations internationales à l’université de Nantes, Sabine DULLIN, professeur des universités à Sciences Po et Jérémie TAMIATTO, agrégé d’Histoire.

La guerre froide est un conflit d’un type nouveau. Elle débute officiellement en 1947 et structure la vie internationale, dans une succession de périodes de tension et de détente, pendant tout la seconde moitié du XXème siècle. Elle oppose dans une confrontation bipolaire les États-Unis et l’Union Soviétique en Europe et dans le monde. Elle s’achève entre 1989 et 1991 par la dislocation puis la disparition du camp soviétique. L’expression « Cold War » est une invention américaine. Forgée en 1945 par l’écrivain britannique George ORWELL, elle est ensuite popularisée par le journaliste américain Walter LIPPMANN. L’ouverture des archives soviétiques contribue à un large renouveau historiographique. Les domaines d’étude de la guerre froide se sont considérablement élargis, notamment das les dimensions économique et culturelle. Ses géographies complexes expliquent l’intérêt de cet atlas divisé en 5 parties :

  1. Un conflit entre l’Est et l’Ouest : un des premiers effets de la fin de la Seconde Guerre Mondiale est de procéder, sur les ruines des champs de bataille, à une redistribution radicale de la puissance (p.10-11). Le nouvel ordre mondial se décide à Yalta et Potsdam (p.12-13). L’Allemagne se trouve alors au cœur de la sortie de guerre et de l’entrée en guerre froide. Elle devient le premier champ d’affrontement Est-Ouest (p.14-15). Les crises grecque et iranienne marquent le début de la politique du containment, visant à limiter l’expansion du communisme dans ces régions (p.16-17). En Europe se constituent entre 1946 et le début des années 1950, les blocs occidental (p.18-19) et communiste (p.20-21). « Un rideau de fer s’est abattu sur l’Europe » pour Winston CHURCHILL (p.24-25). Moment de tension extrême, la Guerre de Corée (1950-1953) renforce les deux camps et fait passer au premier plan la dimension militaire de la guerre froide, qui porte alors bien mal son nom.
  2. Un conflit global : si l’Europe est à l’origine l’épicentre de la guerre froide, celle-ci gagne progressivement, sous toutes ses formes, l’ensemble des régions du globe  Des alliances régionales se forment, aboutissant à une militarisation globale (p.34-35). Une rivalité nucléaire s’enclenche (p.36-37) marquant durablement les stratégies militaires. Des structures décisionnelles de politique étrangère se développe (p.32-33) en même temps qu’une lutte des services secrets apparaît (p.38-39), source de bien de fantasmes. Enfin la dimension économique est évoquée (p.40-41). La Chine devient un nouveau pôle de la guerre froide (p.42-43). L’Afrique décolonisée se trouve au centre d’une lutte d’influence (p.44-45 et p.28-29) où RDA et Tchécoslovaquie interviennent activement (p.46-47). Dans ce contexte, le nouvel ordre mondial voulu par Roosevelt et incarné par l’ONU peine à apaiser les tensions et à remplir complètement ses objectifs fondés sur le droit et la sécurité collective (p.30-31).
  3. Crises et contestations : la guerre froide n’a jamais conduit les États-Unis et l’URSS à s’affronter directement sur le terrain militaire, mais elle n’en a pas moins alimenté un certain nombre de crises et de conflits armés, parfois très meurtriers : crise du Mur de Berlin en 1961 (p.50-51), crise de Cuba en 1961 également (p.52-53), guerre du Vietnam entre 1955 et 1975 (p.54-55), conflit israélo-arabe (p.56-57). Les crises et les contestations se situent aussi au cœur même des blocs : contestations en Hongrie en 1968 et en Tchécoslovaquie en 1968 (p.58-59), contestations de la présence américaine en Amérique latine (p.60-61) ou positionnement spécifique de la France sous de GAULLE (p.62-63).
  4. Culture, propagande et représentations : la dimension culturelle est un élément clé de la guerre froide. Elle touche en profondeur les sociétés, jusqu’à s’immiscer dans la vie quotidienne des individus.  Les représentations cartographiques servent la propagande de chaque bloc (p.66-67) et la diffusion des idéologies de chaque camp (p.68-71). La guerre froide se joue aussi dans l’espace et dans les stades (p.72-73). . Mais cette approche culturelle, vue « d’en bas », privilégie la multiplicité des perceptions et permet parfois de relativiser la cohésion des blocs. Une Europe de la culture se donne à voir dans les festivals et les expositions (p.76-77). Les accords culturels ou de coopérations scientifique et universitaire se développent. En France et en Italie, par le biais notamment des partis politiques, les communistes ont par leur idéologie une influence sur les populations d’Europe de l’Ouest (p.74-75). On constate par ailleurs des formes d’occidentalisation à l’Est (p.78-79). La carte de l’expansion de la chaîne de restauration rapide McDonald’s dans le monde entre 1955 et 1991 est à ce sujet très parlante.
  5. La fin de la guerre froide : de nouvelles initiatives soviétiques conduisent à de nouvelles tensions qui font croire au retour de la guerre froide « chaude ».   La guerre d’Afghanistan marque la fin de la détente et modifie en profondeur les rapports entre URSS et États-Unis (p.84-85). Les rivalités liées au nucléaires ressurgissent à la fin des années 1970 avec la crise des euromissiles (p.86-87). Mais l’URSS comprend qu’elle n’a plus les moyens financiers ni technologiques de faire jeu égal avec les Occidentaux et les premiers accords de désarmement sont signés. A rebours de tous les scénarios catastrophes, la guerre froide se termine de façon pacifique et négociée (p.88-89). La fin de la guerre froide tient d’abord à l’échec de l’économie socialiste. L’attractivité de la société de consommation et la prédominance du modèle américain ont fragilisé lentement mais surement les sociétés socialistes (p.82-83). Les États-Unis sortent donc vainqueurs de cette guerre froide mais doivent en gérer l’héritage (p.90-91), loin d’un monde régit par un affrontement bipolaire « relativement stable et rétrospectivement rassurant dans la mesure où les principaux protagonistes avaient appris à en maîtriser les règles et les pratiques ».

Cet atlas s’avère donc indispensable aux enseignants du collège et du lycée pour se mettre à jour sur la guerre froide. Il mélange à la fois cartes « classiques » (sur le blocus de Berlin par exemple) et plus « originales » (zone de contact et de tension dans la Mer Baltique, itinéraires d’agents doubles, le partenariat Angola-Cuba, opérations en direction des « nations captives » de l’Est de Radio Free Europe, circulations et échanges culturels dans l’Europe de la détente). La place laissée aux pratiques culturelles correspond bien aux renouvellements de l’historiographie récente. Enfin, contrairement aux représentations habituelles de cette période, les échanges, les rapports, les liens formels et informels entre les deux blocs y revêtent autant d’importance que les tensions, les crises et les conflits.