Recension du deuxième tome de la série « Algérie, une guerre française » de Philippe Richelle et Alfio Buscaglia

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La bande dessinée ne se veut pas un récit historique. Elle se sert de la guerre d’Algérie pour nous offrir un récit de fiction, qui offre la perception du conflit algérien par les différents partis en présence. Il y est abordé l’escalade de la terreur, les pratiques ignobles de la répression, de la torture, des attentats qui visent les populations civiles. Chaque camp offrant à l’autre une surenchère qui conduirait à diviser les Algériens entre eux, en créant « un fossé irréductible entre Européens et Musulmans ». Certaines scènes sont à la limite du supportable, évoquant à foison la violence de masse subie par les populations.

Ce que j’ai jugé plus intéressant, c’est la perception du conflit algérien en métropole auprès d’une jeunesse dorée. Les informations au début filtrées, feutrées, plongent crescendo la population française, au départ spectatrice (surtout si on reprend ces jeunes désœuvrés, éprouvant des relations amoureuses tortueuses, entrecoupés de tensions familiales, de remugles de la Seconde Guerre mondiale, à travers ces absents).  On alterne entre ces scènes et ces regards entrecroisés des membres du FLN, de ces appelés qui découvrent les pratiques barbares d’un état de droit.

Nous découvrons un personnage intéressant, Paul qui vit sur la plantation de son oncle en Algérie, avec des employés musulmans, quelques vignettes apportent un regard plus nuancé de ces pieds-noirs sur les revendications des Musulmans et sur la répression qui s’abat sur eux. Le premier tome permettait de montrer l’amour du narrateur pour ce beau pays, le trait du dessinateur est fin, remarquable, offrant une palette qui rappelle quelques classiques.

La bande dessinée est parfaitement documentée, en cela, elle s’appuie sur des sources variées et solides. Le narrateur se veut neutre, quelques vignettes cependant sont à relire à deux fois et méritent le regard de l’historien.

Des faits précis plongent le lecteur dans l’escalade, quand on aborde par exemple l’utilisation de la « Veuve », de la guillotine contre deux membres du FLN, Zabane et Ferradj, la répression qui s’abat en représailles. Par petites touches, ce sont aussi les égarements politiques de la France qui sont évoqués, avec des voltes-faces, des escalades, des revirements aussi.

La bande dessinée se lit facilement, même si certains personnages sont un peu caricaturaux, plongeant dans les affres des tensions de familles. Somme toute, une belle radiographie de la population et un support qui se rajoute pour compléter le regard de l’historien et apporter aux lecteurs un regard plus intimiste sur la période.

Une vidéo à voir sur le sujet.